Objectifs
Diagnostiquer une anomalie du développement psychomoteur.
Item 55. Développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant : aspects normaux et pathologiques (sommeil, alimentation, contrôles sphinctériens, psychomotricité, langage, intelligence). L’installation précoce de la relation parents-enfant et son importance. Troubles de l’apprentissage.
Partie 1 / Développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant : aspects normaux et pathologiques (sommeil, alimentation, contrôles sphinctériens, psychomotricité).

Introduction (rang A)

L’évaluation du développement psychomoteur se fonde sur l’anamnèse, l’observation de l’enfant et l’examen neurologique et général. L’interrogatoire des parents ainsi que l’examen du carnet de santé sont primordiaux pour remettre en contexte les observations cliniques réalisées. On détaillera ainsi :
  • les antécédents familiaux ;
  • le déroulement de la grossesse : infections, prise de toxiques, pathologies maternelles ;
  • les circonstances de l’accouchement : anomalie du rythme cardiaque ou autre signe de souffrance fœtale, adaptation à la vie extra-utérine (score d’Apgar), mensurations de naissance (poids, taille, périmètre crânien) ;
  • les premières étapes du développement psychomoteur : âge des principales acquisitions et leur évolution, permettant d’établir une trajectoire développementale ;
  • la courbe de périmètre crânien : microcéphalie ? macrocéphalie ? évolution ?
Pour apprécier correctement le développement d’un jeune enfant, il est important que l’examen soit réalisé dans de bonnes conditions : au mieux avec un enfant bien éveillé mais calme, rassuré par la présence de son parent. Une partie de l’évaluation pourra être réalisée avec l’enfant habillé, dans les bras du parent. On pourra proposer des jeux à l’enfant dès le début de la consultation pour le mettre en confiance et pouvoir réaliser, de manière simultanée à l’interrogatoire du parent, une première phase d’observation permettant d’apprécier son comportement, la qualité du lien parent-­enfant, sa réaction à l’environnement, ainsi que les premiers éléments sur sa motricité spontanée.
Après cette première phase d’observation de l’enfant sans le solliciter, on l'aborde en lui parlant et en le regardant dans les yeux afin d’observer le contact et la poursuite oculaire, ses réactions.
Enfin, intervient l’examen physique, comprenant non seulement un examen neurologique détaillé (palpation de la fontanelle chez les nourrissons, mesure du périmètre crânien, réflexes ostéotendineux, appréciation du tonus de l’axe et des membres avec mesure des angles et recherche d’asymétrie…) mais également un examen général : cutané, abdominal, cardiaque, recherche de particularités morphologiques.

Développement psychomoteur normal (rang A)

Le développement psychomoteur s’évalue par rapport à la norme d’une population du même âge : âge chronologique ou, chez les enfants prématurés, âge corrigé par rapport au terme jusqu’à 2 ans. Il existe cependant des variations individuelles, certains des aspects évalués entrant dans une fenêtre d’acquisition plus large que d’autres. Parmi les échelles normées, on peut citer, par exemple, l’échelle de Brunet-Lézine révisée ou celle de Bayley. Un guide de repérage des troubles du neurodéveloppement est désormais disponible pour aider les médecins à déceler un développement inhabituel.
Chaque examen systématique de suivi de l'enfant explore quatre axes : la posture, la coordination oculo-­manuelle, le langage et la sociabilité. Certains items figurant dans le carnet de santé pour les examens obligatoires du 4e mois et du 9e mois ne sont pas discriminants à ces âges et nécessitent une certaine prudence. En cas de doute à ces âges, prévoir une consultation dédiée à 6 et/ou 12 mois.
Les principales acquisitions en fonction de l’âge sont indiquées dans le tableau 1. Les âges mentionnés sont ceux auxquels la compétence est normalement acquise par au moins 90 à 97 % des enfants de cet âge. Cela signifie que l’absence d’acquisition à cet âge est inhabituelle et doit alerter.

Posture et motricité globale

Chez le nouveau-né, on observe une attitude en quadriflexion (flexion des 4 membres), contrastant avec une hypotonie axiale physiologique (absence de tenue de tête). À la manœuvre du tiré-assis, on observe un passage de la tête fluide d’arrière en avant dans l’axe médian, la tête est maintenue dans l’axe quelques secondes, puis fléchie sur le tronc.
La gesticulation spontanée des membres est symétrique, harmonieuse, alternant des mouvements d’extension et de flexion. On observe des mouvements d’ouverture des mains et des doigts. Le tonus axial va progressivement augmenter, dans le sens céphalocaudal : acquisition de la tenue de tête, de la station assise et enfin de la station debout. À l’inverse, le tonus des membres, important initialement, diminue progressivement.
Les réflexes archaïques sont présents à la naissance, la motricité étant sous contrôle sous-corticospinal. Cette motricité réflexe va progressivement laisser place à la motricité volontaire, d’origine corticospinale (disparition des réflexes archaïques entre 2 et 6 mois).
À 2 mois, l’augmentation du tonus axial permet une tenue de tête vacillante. En décubitus ventral, le bébé soulève la tête du plan du lit. À 3 mois, on observe une tenue de tête stable et prolongée, acquise au plus tard à 4 mois. À cet âge, l’enfant peut s’appuyer sur les avant-bras en décubitus ventral.
À 6 mois, il tient assis en trépied (avec appui sur ses bras, jambes écartées). Entre 4 et 7 mois, on observe le « stade du sauteur » : mis en position debout, l’enfant pousse sur ses jambes et les fléchit en alternance. Vers 6-8 mois, les réactions posturales sont présentes, dont le réflexe « parachute » : la bascule de l'enfant vers la table d’examen en position ventrale déclenche un réflexe d’extension des membres supérieurs avec ouverture des mains pour se protéger de la chute. Une manière moins traumatique de rechercher un réflexe de posture consiste à mettre l’enfant en position assise, puis à le déséquilibrer doucement vers l’un des côtés en observant la réaction posturale : extension du bras et appui sur la paume de la main. À 9 mois, l’enfant tient assis de manière stable sans appui. Il peut pivoter sur ses fesses, se pencher pour attraper un objet. À 12 mois, il a acquis tous les transferts, de la position couchée à assise puis debout. Il peut se déplacer au sol, quel que soit le mode de déplacement. À 18 mois, la marche est acquise (98 % des nourrissons à 17 mois).
Quelques repères des acquisitions de 3 à 6 ans figurent dans le tableau 1.

Coordination oculo-manuelle

Dès la naissance, on observe un contact oculaire. La poursuite oculaire est présente sur 90°, notamment en présence de contrastes (on peut utiliser la cible ou « œil de bœuf »), puis sur 180° à 2 mois. À 4 mois, l’enfant joue à regarder ses mains, saisit un objet au contact de la main et commence à aller chercher un objet à distance, qu'il attrape, en préhension palmaire, au plus tard à 6 mois. À cet âge, il passe les objets d’une main à l’autre, et les porte à la bouche.
À 9-10 mois, il saisit un objet avec participation du pouce. Il a acquis la permanence de l’objet : si un objet est placé hors de sa vue, il sait que l’objet continue à exister et il le cherche.
À 18 mois, l’enfant empile deux cubes, boit seul au verre. À 24 mois, il peut reproduire une tour de cinq cubes et manger seul à la cuillère.

Langage

Dès 2 mois, le bébé gazouille : il émet des petits bruits avec sa gorge ou sa bouche, puis des séquences de syllabes « primitives » composées principalement de voyelles. Il prend petit à petit le contrôle de son appareil phonatoire. Même les bébés sourds ont, jusqu’à 4 ou 5 mois, les mêmes types de production vocale.
Vers 6 mois, le nourrisson babille : il produit des syllabes simples de type consonne-voyelle qu’il peut grouper pour émettre des suites répétitives (suites de « ba », de « da », de « ma »…) et le célèbre « ah reuh ». Il varie progressivement l’intonation et la durée des productions sonores. La maîtrise des mouvements fins de la langue et des lèvres permet l’articulation précise des syllabes. L’apprentissage du babil passe par la perte de potentialités innées, certaines capacités linguistiques universelles décroissant avec l'âge. Vers 9 mois, le bébé réagit immédiatement à son prénom. Il commence à doubler les syllabes (« baba », « dada », « caca »…), reprises par l’entourage qui donne sens aux productions du bébé. Ainsi naît le « premier mot », généralement « papa » ou « mama(n) » avant 1 an.
Vers 14 mois, il secoue la tête pour dire « non ». À 18 mois, il dit au moins cinq mots (parfois plus). Entre 18 et 24 mois, on assiste à une augmentation rapide du nombre de mots ou « explosion lexicale ».
À 2 ans, il peut associer deux mots, nommer des images sur un imagier, montrer les parties de son corps.

Sociabilité

Les sourires du bébé, initialement réflexes, après les repas ou lors du sommeil, sont suivis à 2 mois de sourires-réponses, en réaction à la vue d’un sourire ou visage. À 6 mois, l’enfant rit aux éclats. Il sollicite le regard de l’adulte (pleure quand on ne le regarde pas et s’arrête quand on le regarde).
Dès 7 mois, l’attention conjointe ou attention dirigée se développe : l’adulte montre un objet en pointant du doigt et l’enfant regarde ce que l’adulte lui montre et non le doigt. Cela signifie que l’enfant prête à l’adulte une intention. Cette compétence doit être acquise à 12 mois.
À 9 mois, il peut faire « bravo » ou « coucou ». C’est vers cet âge qu’apparaît la peur de l’étranger, le nourrisson distinguant les personnes familières de celles qu’il ne connaît pas.
Vers 12 mois, l’enfant pointe du doigt : le pointage est d’abord proto-impératif (montre un objet désiré) puis proto-­déclaratif, correspondant à un désir de partager, véritable geste social, qui doit être acquis à 18 mois.
Entre 18 mois et 2 ans, il mange seul à la cuillère, fait des jeux d’imitation.

Fonctions instinctuelles : contrôle sphinctérien, alimentation, sommeil (rang A)

Contrôle sphinctérien

L’âge d’acquisition de la propreté est variable, dépendant à la fois de facteurs physiques (maturation du système nerveux sensitif permettant de ressentir le besoin d’uriner ou d’aller à la selle et moteur pour contrôler les sphincters), intellectuels, affectifs et culturels (afin d’identifier ce besoin et d’avoir envie de faire comme l’adulte).
Habituellement, la propreté diurne est acquise entre 1 et 3 ans et nocturne entre 2 et 5 ans.
L’énurésie primaire correspond à l’émission involontaire d’urines, généralement la nuit, chez un enfant de plus de 5 ans qui n’a jamais acquis la propreté. Elle est plus fréquente chez les garçons (2 pour une fille). L’énurésie est dite « secondaire » si elle survient après une période de propreté d’au moins six mois.
L’encoprésie est l’émission – involontaire ou non – de selles, dans des endroits inappropriés après l’âge de 4 ans.

Alimentation

Le nombre de repas évolue de 6-8 repas à la naissance à 4 repas à partir de 4 mois. Les principales acquisitions en termes d’autonomie lors des repas sont détaillées dans la partie « sociabilité », mais sont également en lien avec la coordination oculo-manuelle.

Sommeil


Sommeil normal

La durée de sommeil chez l’enfant évolue avec l’âge. Le sommeil est initialement un rythme ultradien, fractionné dans la journée, puis s’inscrit progressivement dans un rythme circadien, avec un sommeil nocturne majoritaire.
En période néonatale, le nourrisson dort 16 à 17 heures par jour. Puis cette durée diminue progressivement, pour atteindre 8 à 10 heures entre 14 et 17 ans (fig. 2). Les temps de sieste se réduisent progres­sivement, pour ne plus laisser qu’une sieste en début d’après-midi à partir de 18 mois, puis elles disparaissent vers l’âge de 3-4 ans.
La structure du sommeil évolue radicalement au cours du développement. Le sommeil du nouveau né est essentiellement agité (équivalent du sommeil paradoxal). À partir de 6 mois, il y a une nette diminution du sommeil paradoxal, qui laisse place à une plus grande proportion de sommeil lent. Vers 10 ans, la structure du sommeil de l’enfant est similaire à celle de l’adulte.

Insomnies du nourrisson et du petit enfant

Elles se caractérisent par des réveils fréquents ou un temps de sommeil trop court pour l’âge. Elles peuvent être dues à trois causes principales. On trouve d’abord les insomnies comportementales, qui peuvent être induites par le mode de vie, des conditions anormales à l’endormissement, une absence de limites posées par les parents, des erreurs alimentaires (quantitatives ou qualitatives) ou une mauvaise organisation des siestes. Par ailleurs, elles peuvent être des insomnies symptomatiques, pour lesquelles une cause organique doit être éliminée. Il faut par exemple rechercher un trouble neurologique, des problèmes dermatologiques, une intolérance alimentaire, des problèmes respiratoires. D’autres troubles du sommeil sous-jacents doivent également être éliminés, comme le syndrome d’apnées du sommeil de l’enfant.

Insomnies de l’enfant

Chez l’enfant, nous distinguons trois causes principales aux insomnies. Elles peuvent être environnementales avec un rôle non négligeable des écrans sur la qualité de l’endormissement et du sommeil. Elles peuvent être, comme pour le petit enfant, dues à une cause organique, comme une maladie chronique (asthme, diabète…), un syndrome des jambes sans repos, iatrogène, une maladie neurologique, une cause ORL (otites à répétition), un reflux gastro-oesophagien, ou être iatrogènes (traitement psychostimulant). Enfin, elles peuvent être d'origine psychologique, en lien avec l’histoire de l’enfant et de sa famille et des troubles anxieux.
Après avoir éliminé une fausse insomnie (court/long dormeur, chronotype), l’approche est étiologique, avec une prise en charge en conséquence, laquelle repose d’abord sur des règles d’hygiène du sommeil, notamment la régulation des écrans et une resynchronisation des rythmes circadiens. Le recours à un traitement médicamenteux est exceptionnel.

Narcolepsie de l’enfant

La narcolepsie de l’enfant se caractérise par des accès de sommeil diurne irrésistibles. Elle est associée à la cataplexie : phénomène moteur négatif qui se traduit par une chute de la tête lors des émotions, une chute des paupières et une protrusion de la langue, une hypotonie faciale ou une hypotonie généralisée.
Le diagnostic nécessite une polysomnographie.

Généralités sur les anomalies du développement psychomoteur

Les anomalies du développement psychomoteur sont souvent désignées sous le terme de « retard » psychomoteur, à employer avec précaution puisque dans de nombreux cas il ne s’agit pas d’un simple retard, les difficultés persistant dans le temps.
Les principaux signes d’alerte d’anomalie du développement psychomoteur sont résumés dans le tableau 2.
En cas d’anomalie des acquisitions lors d’un examen, on identifiera les domaines touchés : un seul ou plusieurs domaines et, en cas de retard global, s’il est homogène ou hétérogène (touchant davantage certains domaines que d’autres). Il est primordial d’avoir une idée de l’évolution des troubles, en se fondant sur les examens antérieurs (importance du carnet de santé) mais aussi sur l’interrogatoire des parents pour savoir à quand remonte leur première inquiétude. On pourra ainsi identifier deux types de situation : enfant avec un décalage des acquisitions mais en progression constante, ou régression des acquisitions.
La progression régulière des acquisitions oriente vers une atteinte fixée (= non progressive), génétique ou acquise, le plus souvent anténatale, moins souvent d’origine périnatale (paralysie cérébrale), un trouble du neuro­développement ou un retard simple. Une notion de régression évoque une encéphalopathie épileptique, une pathologie neurodégénérative ou métabolique, le plus souvent d’origine génétique.
En cas de doute (décalage modéré des acquisitions chez un enfant en progression) et notamment pour un enfant jeune, il conviendra de réévaluer l’enfant ultérieurement.
En revanche, toute régression doit mener à une consultation rapide en neuropédiatrie, afin de ne pas méconnaître une pathologie traitable. En cas de difficultés avérées, l’attente d’un diagnostic ne doit pas faire décaler la prise en charge rééducative.
Devant un retard d’acquisition posturale ou une hypo­tonie, le tableau 3 résume les principaux signes permettant de distinguer une atteinte du système nerveux central d’une atteinte du système nerveux périphérique. En cas de signes évocateurs à l’examen neurologique, un avis neuropédiatrique doit être demandé. La suspicion d’atteinte centrale pourra faire réaliser une imagerie cérébrale, un test génétique, un électroencéphalogramme, un bilan métabolique et sensoriel, etc.
La suspicion d’atteinte périphérique (neuromusculaire) pourra faire réaliser, selon l’orientation, un taux de créatine kinase (CK), un électromyogramme, une biopsie musculaire, un test génétique.
Le tableau 4 résume les principales orientations diag­nostiques et conduites à tenir en fonction de l’atteinte prédominante (rang B).
Points forts
Développement psychomoteur du nourrisson et de l’enfant. Partie 1 : aspects normaux et pathologiques

POINTS FORTS À RETENIR

Il est indispensable, en plus de déterminer le niveau de l’enfant par rapport à son âge chronologique, de déterminer sa dynamique d’évolution.

Quel que soit l’âge, une inquiétude des parents et/ou des professionnels de l’enfance en contact avec l’enfant, une régression ou une absence de progression des acquisitions de l’enfant doivent donner lieu à un examen clinique complet et détaillé du développement.

Il est indispensable de connaître les grandes étapes d’acquisition selon les âges afin de dépister au plus tôt un retard du développement psychomoteur et d’orienter la prise en charge en fonction.

Pour en savoir plus
Repérer et guider. Détecter les signes d’un développement inhabituel chez les enfants de moins de 7 ans. Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/formulaire_reperage_tnd_2020.janv.pdf
Collège national des pédiatres universitaires. Les Référentiels des collèges. Pédiatrie. 8e édition.
Collège national universitaire de psychiatrie. Référentiel ECN psychiatrie-addictologie. Psychiatrie de l’adulte et psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. 3e édition.

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