Dès sa naissance, le nourrisson est en interaction avec son environnement, véritable système de communication en mouvement où l’enfant et son partenaire pourvoyeur de soins répondent aux messages l’un de l’autre. Cette boucle interactive, définie par le terme de biofeedback social, se déroule en quelques secondes et se répète des centaines de fois par jour. Elle est la base de l’apprentissage de l’interaction sociale et du développement de la « mentalisation ». Le nourrisson exprime son état et ses éprouvés internes par une expression comportementale intentionnelle d’une modification de son état de base ; cette capacité à interpréter le comportement de l’enfant sous l’angle de l’état mental est le mirroring parental. C’est à travers l’expérience d’êtres mentalisés que le nourrisson apprend à mentaliser et à développer un sentiment de soi. Trois caractéristiques principales du mirroring parental ont été identifiées : la contingence (la réponse du parent est temporellement associée à la réaction émotionnelle du nourrisson), la congruence (la réponse du parent se superpose au registre émotionnel exprimé par l’enfant) et le marquage (le parent répond de manière contingente et congruente à l’émotion du nourrisson mais l’exagère afin de signifier qu’il exprime l’émotion que le nourrisson lui communique). Ces trois caractéristiques du mirroring parental permettent au nourrisson de réguler ses états émotionnels et de construire les premières représentations de ses états internes. L’attachement du nourrisson et d’un pourvoyeur de soins, le plus souvent la mère biologique, traduit un besoin humain de sécurité et de survie. Ce sentiment de sécurité permet à l’enfant de s’intéresser au monde qui l’entoure, de stabiliser son développement émotionnel entre dépendance et autonomie. La relation d’attachement joue un rôle important pour informer le nourrisson des principes du fonctionnement social. L’attachement jouerait, enfin, un rôle essentiel pour générer la confiance épistémique, c’est-à-dire la capacité d’attribuer à une source d’information une valeur pertinente pour soi et généralisable au monde. Les vécus d’adversité, en lien avec des expériences relationnelles traumatiques (maltraitance, négligence), influencent négativement l’évolution socio-émotionnelle de l’enfant, fragilisant le développement de la mentalisation et de la confiance épistémique.

Mario Speranza, service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, centre hospitalier de Versailles-Saint-Quentin, Inserm U669

27 avril 2021