Les progrès en hématologie sont considérables, essentiellement grâce au fait que les cellules sanguines, chez les patients atteints d’hémopathies malignes, peuvent facilement être prélevées et étudiées. Des avancées méthodologiques majeures ont été réalisées en cytogénétique avec l’utilisation de la fluorescence in situ, en immunophénotypage avec des cytomètres de flux à 8 et 10 couleurs, en biologie moléculaire avec la découverte de nombreux oncogènes et marqueurs moléculaires tumoraux par polymerase chain reaction (PCR) et plus récemment avec l’utilisation du séquençage (next generation sequencing, NGS). Les cellules tumorales sont aujourd’hui observées à l’échelle individuelle. Les patients sont surveillés en continu en fonction de la détection ou non de la maladie résiduelle (MRD), et l’objectif, qui était hier d’obtenir des rémissions complètes (RC) cytologiques, est aujourd’hui remplacé par la nécessité d’obtenir des RC moléculaires sans maladie résiduelle détectable, dites RC « MRD négatives ». En parallèle, des progrès jusque-là inégalés sont survenus avec l’apparition de thérapeutiques ciblées : ce sont soit des agents chimiques tels que les inhibiteurs de tyrosine kinase largement utilisés pour le traitement des leucémies chroniques et dans une moindre mesure des leucémies aiguës myéloblastiques, soit des immunothérapies (anticorps monoclonaux combinés à des toxiques antitumoraux, anticorps monoclonaux bispécifiques, CAR-T cells…) pour les leucémies aiguës lymphoblastiques, lymphomes et myélomes. Les greffes de cellules souches hématopoïétiques ont également évolué dans de larges proportions. Près de 50 000 greffes sont réalisées chaque année dans le monde (60 % d’autogreffes, 40 % d’allogreffes). Les cellules souches sont aujourd’hui en majorité (80 %) prélevées par cytaphérèse dans le sang périphérique alors que la moelle osseuse était la source privilégiée au XXe siècle. Les conditionnements pré-greffe sont, dans la majorité des cas, des conditionnements atténués, et la mortalité liée à la greffe a chuté considérablement. Surtout, il est devenu possible de trouver un donneur pour pratiquement chaque indication grâce au fichier international de donneurs volontaires non apparentés et grâce à la possibilité, depuis 2005, de réaliser les greffes à partir de donneurs intrafamiliaux haplo-identiques. L’avenir des greffes est en constante discussion face au développement des thérapeutiques ciblées, et nul ne peut prédire la place qu’elles auront dans cinq ans.
Norbert-Claude Gorin, département d’hématologie et thérapie cellulaire, European Society for Blood and Marrow Transplantation, hôpital Saint-Antoine, université Paris Sorbonne, Paris, France
10 mai 2022