Partant du constat qu’il existe des liens étroits entre la santé buccodentaire et le reste de l’organisme, des chercheurs de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires de Toulouse ont examiné l’association entre un certain nombre de paramètres salivaires et du microbiote buccal et l’équilibre glycémique. Cette étude pilote, conduite d’abord sur des personnes non diabétiques, avait pour but d’établir un algorithme reliant la glycémie et la composition salivaire biologique et microbiologique, afin de pouvoir ensuite l’appliquer aux patients diabétiques.
Pour ce faire, ils ont étudié l’évolution de certains composants salivaires (acides gras, cholestérol, lipase et autres enzymes…) et du microbiote buccal, chez des personnes d’abord à jeun puis ayant mangé. Ils ont constaté, par exemple, que les concentrations d’acides gras, de cholestérol, de lipase et d’autres protéines salivaires diminuaient après les repas, et que le microbiote enregistrait aussi des changements significatifs (augmentation de l’abondance de Streptococcaceae et diminution de celle de Prevotellaceae). Ces résultats ont permis d’alimenter une banque de données afin d’en extraire un algorithme prédictif de la glycémie, grâce au machine learning, une forme d’intelligence artificielle. « Nous sommes en train de valider ce modèle à partir de prélèvements de salive fournis par une cohorte de patients diabétiques », explique Matthieu Minty, chercheur de l’équipe Incomm (microbiote oral – facteur de risque du phénotype cardiométabolique) qui conduit ces travaux.
Un dispositif mobile utilisant cet algorithme est donc en cours de développement : l’idée est, à terme, de le miniaturiser suffisamment pour qu’il puisse être implanté sur une couronne dentaire, afin que les patients diabétiques l’utilisent pour suivre leur taux de glucose. Cette « dent connectée » pourrait réaliser des mesures en continu et les transmettre au smartphone du patient, voire au médecin.
Selon les chercheurs en charge de ces travaux, ce projet pourrait devenir réalité d’ici 2025… et son utilisation pourrait même aller au-delà du diabète : « Dans le futur, nous pourrons conduire de nouvelles études pour établir les biomarqueurs salivaires spécifiques d’autres pathologies, comme l’insuffisance cardiaque ou les maladies coronariennes », d’après Vincent Blasco-Baque, directeur de l’équipe Incomm.
Minty M, Loubières P, Canceill T, et al. Gender-associated differences in oral microbiota and salivary biochemical parameters in response to feeding. J Physiol Bioch 9 juillet 2020.