Le nombre de patients âgés vivant avec un diabète croît, en raison de l’augmentation de la prévalence du diabète et de l’espérance de vie. Les progrès réalisés au cours de ces dernières années ont permis à de nombreux patients de bien vieillir avec leur maladie. Mais la population âgée et diabétique reste hétérogène. Il est important pour le médecin généraliste, qui coordonne le parcours de soins, de savoir bien appréhender la complexité de ces patients, notamment leur fragilité, afin de choisir la meilleure stratégie thérapeutique.

Personne âgée : de qui parle-t-on ?

La « personne âgée » selon la définition actuelle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est une personne de plus de 65 ans pour les malades ayant des affections invalidantes et de plus de 75 ans pour les sujets qui ont bien vieilli.
En réalité, la population âgée est très hétérogène, et la Haute Autorité de santé (HAS) distingue trois catégories de personnes après 75 ans :1
– les personnes dites « vigoureuses » : en bon état de santé, indépendantes et bien intégrées socialement, c’est-à-dire autonomes d’un point de vue décisionnel et fonctionnel, assimilables aux adultes plus jeunes ;
– les personnes dites « fragiles » : à l’état de santé intermédiaire, à risque de basculer dans la catégorie des malades ; elles sont décrites comme une population vulnérable, avec des limitations fonctionnelles motrices et cognitives et une diminution des capacités d’adaptation ;
– les personnes dites « malades » : dépendantes, en mauvais état de santé en raison d’une polypathologie chronique évoluée génératrice de handicaps et d’isolement social.

Le diabète chez les seniors en quelques chiffres

En France, la prévalence du diabète de type 2 était de 5,3 % en 2020 contre 4,6 % en 2012. Cette prévalence augmente avec l’âge, avec un pic entre 70 et 85 ans chez l’homme et entre 75 et 85 ans chez la femme. Ainsi, en 2016, 1 homme sur 5 âgés de 70 à 85 ans et 1 femme sur 7 âgées de 75 à 85 ans étaient traités pharmacologiquement pour un diabète.2
Les complications du diabète sont également plus fréquentes chez le patient âgé. L’âge moyen des hospitalisations est de 69,5 ans pour les infarctus du myocarde, de 75 ans pour les accidents vasculaires cérébraux, de 72,6 ans pour la prise en charge d’une plaie des membres inférieurs, de 71,3 ans pour les amputations et de 69,9 ans pour la dialyse ou la greffe rénale.2

La question de la fragilité

Chez le sujet âgé, les complications du diabète et du vieillissement s’aggravent mutuellement et favorisent la perte d’autonomie.
Le sujet âgé est souvent suivi pour plusieurs pathologies, prend de nombreux traitements ; il peut être dénutri, avoir une sarcopénie, une fragilité osseuse, des troubles de la marche ou de l’équilibre, une détérioration des fonctions cognitives, une dépression ; il peut enfin être isolé sur le plan social et familial et avoir de faibles revenus. Une évaluation gérontologique est indispensable pour dépister ces complications liées au vieillissement, qui sont souvent méconnues ou sous-estimées. Cette évaluation permet d’individualiser les objectifs glycémiques.
La fragilité a été caractérisée en 2011 par la Société française de gériatrie et de gérontologie comme « un syndrome clinique qui reflète une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux ».
Plusieurs définitions peuvent être utilisées.3 La plus classique repose sur cinq paramètres cliniques définis par Fried :4 la perte de poids de plus de 4,5 kg (ou de plus de 5 % du poids initial) depuis un an ;
l’épuisement ressenti par le patient ; la vitesse de marche ralentie ; la baisse de la force musculaire ; la sédentarité.
Le patient est considéré comme fragile en présence de plus de trois critères.
La définition de Rockwood est plus large et prend en compte neuf éléments : cognition, humeur, motivation, motricité, équilibre, capacité pour les activités de la vie quotidienne, nutrition, condition sociale et comorbidités.5 Une personne fragile est donc vulnérable sur le plan médical et social.
Facile à réaliser, l’échelle Short Emergency Geriatric Assessment (SEGA) permet, quant à elle, une évaluation de la fragilité par toutes les personnes qui interviennent auprès du patient.

Des complications du diabète spécifiques de la personne âgée

Les complications du diabète plus spécifiquement gériatriques ne doivent pas être méconnues. En effet, la dénutrition, les troubles cognitifs – volontiers intriqués avec la dépression – et les hypo­glycémies, souvent liées au diabète, aggravent ses conséquences.

Évaluer régulièrement l’état nutritionnel du patient

La Haute Autorité de santé (HAS) a récemment mis à jour les critères de la dénutrition chez le sujet de plus de 70 ans ; elle est ainsi définie par l’association d’un critère phénotypique et d’un critère étiologique :6
les critères phénotypiques sont une perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois par rapport au poids habituel et/ou un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 22 kg/m2 et/ou une sarcopénie confirmée (encadré). Pour calculer l’IMC, la HAS recommande de mesurer les patients avec une toise. Un seul critère phénotypique suffit ;
– les critères étiologiques sont une réduction de la prise alimentaire de plus de 50 % pendant plus d’une semaine ou une réduction des apports durant plus de deux semaines par rapport à la consommation habituelle ou aux besoins protéino-­énergétiques.
La sévérité de la dénutrition se définit par l’un des critères suivants : IMC < 20 kg/m2, et/ou une perte de poids ≥ 10 % en un mois ou ≥ 15 % en six mois ou par rapport au poids habituel avant le début de la maladie, et/ou une albuminémie ≤ 30 g/L.
L’état nutritionnel doit être régulièrement réévalué : une fois par mois, lors des consultations ; une fois par semaine en cas d’hospitalisation.
L’évaluation de l’état buccodentaire et des capacités de mastication et de déglutition complète le dépistage de la dénutrition et conditionne la réussite d’une prise en charge diététique.
À noter : une personne obèse peut être dénutrie, et le diagnostic est alors plus difficile à évoquer. Il repose sur la constatation d’un seul critère phénotypique : une perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % en six mois ou par rapport au poids habituel avant le début de la maladie, et /ou une sarcopénie confirmée.

Toujours rechercher des troubles cognitifs et psychiatriques

Les troubles cognitifs sont plus fréquents chez les patients vivant avec un diabète.
Dans une revue de la littérature concernant plus de 8 656 patients diabétiques suivis entre deux et dix-huit ans, le risque de troubles cognitifs et de démence était plus fréquent chez le sujet diabétique, avec un odds ratio (OR) de 1,2 à 1,7 pour les troubles cognitifs et de 1,7 pour la démence.8
Une autre méta-analyse portant sur 28 études confirme une augmentation de risque de 73 % de développer tout type de démence, de 56 % une maladie d’Alzheimer et de 127 % une démence vasculaire.9
Un trouble cognitif léger, sans retentissement sur la vie quotidienne, est fréquent et touche 19 % des personnes de plus de 65 ans ; on estime que 46 % de ces patients développeront au cours du temps une authentique démence. Or le diabète majore le risque d’évolution vers la démence lorsque le patient a un trouble cognitif léger, avec un OR de 1,65 (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,12-2,43).10

Des données françaises éloquentes !

L’étude française multicentrique observationnelle prospective de suivi de cohorte Gérodiab apporte des données instructives. L’objectif de ce travail était d’évaluer le lien entre l’équilibre glycémique et la morbidité et mortalité à cinq  ans de 987 diabétiques de type 2 âgées de 70 ans et plus. Parmi ces patients, 36,7 % avaient entre 75 et 80 ans et 28,5 % plus de 80 ans.11
Cette étude comportait une évaluation des complications gériatriques, dont le dépistage des troubles cognitifs : le médecin devait déclarer si le patient avait des troubles cognitifs ou une démence, et cette information était confrontée au résultat du Mini Mental State Examination (MMSE). Les médecins déclaraient 11 % de troubles cognitifs et 3 % de démences, tandis que 28,8 % des patients avaient un MMSE anormal (score inférieur à 25). Ces résultats démontrent qu’il ne suffit pas d’apprécier grossièrement l’état cognitif de la personne, mais que la réalisation d’un test de dépistage est indispensable pour ne pas sous-évaluer les troubles chez ces patients à risque.
D’autres paramètres gériatriques étaient également évalués : l’autonomie (par les échelles Activity Daily Life [ADL] et Instrumental Activities of Daily Living [IADL]) et la dépression (Mini Geriatric Depression Scale [mini GDS]). Après un suivi de cinq ans, on observe une dégradation des complications du diabète mais également des paramètres d’autonomie (ADL augmenté de 74 %), de la dépression (+ 128 %), des troubles cognitifs (+ 80 %) et de la malnutrition (+ 152 %).12

Dépression : cause ou conséquence ?

La dépression est plus fréquente chez les diabétiques âgés : 30 % d’entre eux ont des symptômes dépressifs et entre 12 et 18 % ont une dépression avérée.13 La prévalence de la dépression est presque 2 fois plus élevée chez les patients diabétiques que chez ceux qui en sont indemnes (17,6 % versus 9,8 %), et ce chiffre est 2 fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Enfin, la présence d’une dépression altère le pronostic des patients, en majorant la mortalité de 1,2 à 2,6 fois.
Les liens entre la dépression et le diabète sont complexes : le diabète favorise l’apparition d’une dépression, du fait du poids de la maladie ; inversement, la dépression, par les modifications comportementales et physiologiques qu’elle induit, favorise l’apparition d’un diabète ou son déséquilibre.

Hypoglycémies : plus fréquentes et plus graves

Le risque d’hypoglycémie est particulièrement important chez les patients âgés. Les facteurs de risque sont nombreux : antécédents d’hypoglycémie, objectifs glycémiques trop ambitieux, traitements par sulfamide ou insuline, comorbidités et troubles cognitifs.14
Les résultats de nombreuses études concordent, plaidant en faveur d’une prévention renforcée des hypoglycémies chez le patient âgé.

Fréquent !

Dans l’étude Gérodiab, 33,6 % des patients avaient eu une ou plusieurs hypoglycémies durant les six mois précédant l’inclusion. Il s’agissait d’une hypoglycémie mineure dans 29,7 % des cas, sévère pour 3,3 % des malades et s’accompagnant d’un coma dans 0,6 % des cas.11

Multitude de risques associés

Une méta-analyse récente de 44 études a évalué, dans une population de 2 507 434 patients, les risques liés aux hypo­glycémies.15 Elles sont ainsi associées au décès, avec un OR de 2,02 (IC à 95 % : 1,75-2,32), principalement dans les 90 premiers jours après l’événement ; le sur-risque persiste au-delà mais diminue.
Les hypoglycémies sont également associées à la mortalité cardiovasculaire, avec un OR de 2,11 (IC à 95 % : 1,55-2,87), aux démences, avec un OR de 1,50 (IC à 95 % : 1,29-1,74) ; aux complications macroangiopathiques, avec un OR de 1,81 (IC à 95 % : 1,70-1,94), aux complications micro­angiopathiques, avec un OR de 1,77 (IC à 95 % : 1,49-2,10) ; aux chutes, avec un OR de 1,78 (IC à 95 % : 1,44-2,21) et aux fractures, avec un OR de 1,68 (IC à 95 % : 1,37-2,07).

Facteur de risque d’hospitalisations et de réhospitalisations

Une étude rétrospective américaine de 2009 à 2014 a évalué le risque de ré­hospitalisation après une première hospitalisation pour hypoglycémie et/ou hyper­glycémie.14 Au total, 13 291 hospitalisations ont été dénombrées chez 11 161 patients pour ces deux motifs. Les hypoglycémies représentaient 6 419 hospitalisations chez 5 911 patients. La durée de l’hospitalisation était de cinq jours, et le taux de réhospitalisation après une hypoglycémie était de 10 %. Cette réhospitalisation survenait dans 12 % des cas pour une nouvelle hypoglycémie. Pour seulement 25 % des patients, la prise d’un ou plusieurs traitements a été arrêtée après l’hospitalisation. Les principaux facteurs déterminant les hospitalisations pour hypoglycémie sont l’âge, le traitement par insuline et sulfamide, les complications du diabète, les comorbidités et la polymédicamentation.

Hypoglycémie sévère, un sur-risque de mortalité

Dans une étude anglaise, le risque de mortalité à cinq ans a été comparé chez les patients diabétiques avec ou sans antécédents d’hypoglycémie sévère.16 Parmi les 74 610 patients suivis durant 7,1 ans, 0,5 % ont été hospitalisés pour une hypoglycémie sévère ; il s’agissait de malades plus âgés ayant des comorbidités et avec une hémoglobine glyquée (HbA1C) plus élevée. Durant le suivi, le taux de mortalité était de 132/1 000 personnes-années chez les sujets ayant eu une hypoglycémie sévère versus 40/1 000 personnes-années chez les patients n’en ayant pas eu. Après ajustement, chez les patients de plus de 60 ans aux antécédents d’hypoglycémie sévère, le risque de mortalité était de 6,6 % pour les maladies cardiovasculaires, 1,1 % pour les cancers et 13,1 % pour les autres causes. Le surrisque de mortalité étant de 21 %, pour l’auteur, les hypoglycémies sont des marqueurs de risque de mortalité des patients.

Vigilance vis-à-vis des complications

Dans l’étude Gérodiab, après cinq ans de suivi, 13,3 % des patients ont été perdus de vue et 207 personnes sont décédées, soit 21 %.12 Les trois principales causes de décès étaient les accidents cardiovasculaires (34,3 %), les cancers et hémopathies malignes (19,8 %) ou les infections (12,1 %). Les paramètres particulièrement associés à une réduction de la survie étaient la vie en institution, la dégradation de l’autonomie (score d’activité dans la vie quotidienne ADL), les troubles cognitifs, les hypoglycémies et une HbA1c ≥ 8,6 %. Ces constats démontrent que l’évaluation régulière de ces paramètres gériatriques est indispensable.

Personnaliser les objectifs glycémiques

Les objectifs glycémiques, pour être respectés, doivent être personnalisés en fonction de la situation et des capacités du patient. Fixer des objectifs irréalisables est une source d’échec.

Recommandations HAS : anciennes !

Pour la HAS en 2013, les objectifs d’HbA1c dépendent du tableau clinique des patients :
– chez les patients âgés vigoureux, les objectifs sont les mêmes que chez les sujets plus jeunes, avec une cible d’HbA1c inférieure ou égale à 7 % ;
– chez les sujets fragiles, l’HbA1c doit rester inférieure ou égale à 8 % ;
– chez les sujets « malades », la priorité est d’éviter les complications aiguës dues au diabète (déshydratation, coma hyper­osmolaire) et les hypoglycémies ; des glycémies capillaires préprandiales comprises entre 1 et 2 g/L et/ou un taux d’HbA1c inférieur à 9 % sont recommandés.1

Ajouter une borne glycémique inférieure à ne pas franchir ?

La dernière prise de position de la Société francophone du diabète (SFD) récemment publiée consacre plusieurs avis au diabète des patients de plus de 75 ans.17 Les objectifs se différencient de ceux de la HAS pour les catégories « fragiles » et « dépendantes et/ou à la santé très altérée » : la SFD définit une borne inférieure lorsque les patients utilisent des traitements à risque d’hypoglycémie. Ainsi, chez les sujets « fragiles », la cible d’HbA1c est inférieure ou égale à 8 % mais en restant au-dessus de 7 % en cas de traitement par sulfamide, glinide ou insuline ; chez les patients « dépendants et/ou à la santé très altérée », la cible reste inférieure à 9 % et/ou glycémies capillaires préprandiales entre 1 et 2 g/L mais avec des glycémies préprandiales supérieures à 1,4 g/L et une HbA1c restant au-dessus de 8 % en cas de traitement par sulfamide, glinide ou insuline.17

Ne pas surtraiter !

Une étude menée en Ontario (Canada) chez 108 620 patients de plus de 75 ans a évalué de façon rétrospective l’équilibre glycémique en distinguant les patients sous traitement intensif (cible d’HbA1c < 7 %), sous traitement conventionnel (cible d’HbA1c entre 7,1 et 8,5 %), sous traitement à haut risque d’hypoglycémie (sulfamides et/ou insuline) et sous traitement à bas risque d’hypoglycémie (tous les autres traitements).18 Le critère d’évaluation était un critère composite regroupant les passages aux urgences, les hospitalisations ou le décès. Les patients avaient en moyenne 80,6 ans, un diabète évoluant depuis 13,7 ans, et 49,7 % étaient des femmes. Le traitement intensif concernait 61 % des patients, et 21 % utilisaient un traitement à haut risque d’hypo­glycémie. Ces derniers avaient une augmentation de 50 % du risque de passage aux urgences, d’hospitalisations ou de décès par rapport aux patients traités de façon conventionnelle avec des traitements à bas risque d’hypoglycémie. Si les patients ont un traitement à haut risque d’hypoglycémie, un objectif intensif versus conventionnel augmente le risque d’événement (RR : 1,25 [IC à 95% : 1,02-1,52]). De même, si l’objectif est intensif, le risque d’événement augmente en cas d’utilisation d’un traitement à haut versus bas risque d’hypoglycémie (OR : 1,48 [IC à 95% : 1,18-1,85]). Un « surtraitement » peut donc être particulièrement délétère sur le pronostic du patient, en particulier s’il comporte des traitements à haut risque d’hypoglycémie.18

Stratégie thérapeutique : Toujours la metformine en première intention

En cas d’échec des mesures hygiéno­diététiques, la HAS recommande de débuter le traitement par la metformine et/ou les sulfamides, en l’absence de contre-­indication liée à une altération de la fonction rénale.1 En cas de contre-indication aux sulfamides et en deuxième intention, il convient d’utiliser les inhibiteurs de la DPP-4 (iDPP-4) en association à la metformine. Enfin, si l’équilibre glycémique n’est pas obtenu ou en cas de contre-indication à tous les antidiabétiques oraux, une insulinothérapie est débutée.
Dans la prise de position de la SFD, la metformine reste en première position ; si cela n’est pas suffisant, le traitement est intensifié par ajout d’un iDPP4 puis par une insuline basale.
Les sulfamides et glinides peuvent être utilisés chez les patients en bonne santé mais doivent être évités chez les patients plus fragiles en raison du risque d’hypoglycémie.17

Que penser de l’utilisation des nouvelles classes thérapeutiques chez le patient âgé ?

Les agonistes des récepteurs du GLP-1 (AR GLP-1) et inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2 ou gliflozines) sont efficaces sur le plan métabolique : ils améliorent l’équilibre glycémique sans provoquer d’hypoglycémie et induisent une perte de poids.
Par ailleurs, ils ont démontré, dans les études de sécurité cardiovasculaire, une réduction des événements chez des populations à haut ou très haut risque. Les gliflozines ont également fait la preuve d’une protection rénale sur des critères durs (doublement de la créatininémie, mise en dialyse et mort d’origine rénale) et une réduction très importante et rapide des hospitalisations pour insuffisance cardiaque.
Les sujets diabétiques et âgés, souvent à haut ou très haut risque, pourraient donc particulièrement tirer bénéfice de ces thérapeutiques.
Malheureusement, il n’y a pas eu d’étude dédiée dans la population âgée. Les analyses post hoc sur de petits effectifs ont permis de démontrer une efficacité métabolique et cardiorénale qui semble conservée dans la population âgée, mais un certain nombre d’effets secondaires pourraient limiter l’usage de ces traitements chez des patients fragiles. En ­particulier la perte de poids, espérée avec ces deux traitements par beaucoup de  ­patients, peut être particulièrement ­délétère chez un patient fragile et sarcopénique.Pour les AR GLP-1, les troubles digestifs (nausées, vomissements ou même simplement perte d’appétit) pourraient également être préjudiciables. Les iSGLT2, qui induisent du fait de leur mode d’action une déplétion volémique, pourraient favoriser une déshydratation, aggraver une hypotension orthostatique ou une incontinence urinaire.
Pour la SFD, après 75 ans, l’utilisation des AR GLP-1 et des iSGLT2 doit être réservée à une minorité de patients, idéalement après avis d’un endocrinologue-diabétologue, car le rapport bénéfices/risques de ces molécules est insuffisamment évalué dans cette population. Cette minorité de patients pourrait être les sujets âgés « vigoureux » chez lesquels les bénéfices métabolique et cardio-rénal seraient évocateurs. Chez les personnes « fragiles », la prescription pourrait se discuter selon le bénéfice attendu, notamment les iSGLT2 en cas d’insuffisance cardiaque. Enfin, pour les patients « malades », le rapport bénéfices/risques semble plutôt défavorable.

Ce qu’il faut retenir

La prise en charge des personnes diabétiques âgées est difficile car chaque patient réussit différemment son vieillissement. Si les sujets vigoureux doivent être traités comme les plus jeunes, une prudence s’impose pour les sujets « fragiles » et les « malades » chez lesquels les complications gériatriques rendent plus difficile la prise en charge.
Le médecin traitant, en dépistant la dénutrition, la perte d’autonomie et les troubles cognitifs, peut mettre en place des mesures sociales d’accompagnement afin de soutenir au mieux le patient diabétique et son entourage. Enfin, une réévaluation régulière des objectifs glycémiques et des traitements est indispensable.

Encadre

Sarcopénie : deux paramètres à évaluer

Selon le consensus européen EWGSOP (European Working Group on Sarcopenia in Older People) de 2019, la sarcopénie se définit par l’association de deux paramètres : une réduction de la force et une réduction de la masse musculaire.7

La force musculaire peut être évaluée par le temps que le patient met à se lever 5 fois de sa chaise (plus ou moins de 15 secondes) et/ou par la force de préhension en kg d’un dynamomètre (avec des seuils qui diffèrent selon le sexe : anormal si la force est < 16 kg chez la femme et < 27 kg chez l’homme). Un seul de ces critères suffit pour traduire une réduction de la force musculaire.

La masse musculaire est évaluée le plus souvent par DEXA (évaluation de la composition corporelle par absorptiométrie biphotonique à rayons X) et impédance-métrie. Une masse musculaire de moins de 15 kg chez la femme et de moins de 20 kg chez l’homme est un critère suffisant. Il est possible également d’évaluer l’indice de masse musculaire : < 5,5 kg/m2 chez la femme et < 7 kg/m2 chez l’homme sont des valeurs anormales.

Encadre

Que dire à vos patients ?

Les objectifs glycémiques évoluent au cours du temps et des années.

L’alimentation doit être équilibrée et régulière.

La poursuite d’une activité physique adaptée est toujours recommandée.

Références

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2. Fosse-Edorh S, Mandereau-Bruno L, Piffaretti C. Le poids du diabète en France en 2016. Synthèse épidémiologique. Saint-Maurice: Santé publique France, 2018, 8 p.
3. HAS. Comment repérer la fragilité en soins ambulatoires ? Juin 2013.
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5. Rockwood K, Song X, MacKnight C, et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. CMAJ 2005;173(5):489-95.
6. HAS. Recommandation de bonne pratique. Diagnostic de la dénutrition chez la personne de 70 ans et plus. Novembre 2021.
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11. Doucet J, Le Floch JP, Bauduceau B, et al. GERODIAB: Glycaemic control and 5-year morbidity/mortality of type 2 diabetic patients aged 70 years and older: 1. Description of the population at inclusion. Diabetes Metab 2012;38(6):523-30.
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essentiel

La population âgée est hétérogène.

Les complications du vieillissement doivent être systématiquement et régulièrement recherchées.

Les objectifs glycémiques nécessitent d’être adaptés selon le degré de fragilité du patient.

Les hypoglycémies sont particulièrement délétères et doivent être évitées.

Les nouvelles classes thérapeutiques peuvent avoir un intérêt dans cette population.