Objectifs
Diagnostiquer un diabète chez l’adulte.
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Argumenter l’attitude thérapeutique nutritionnelle et médicamenteuse (voir item 330).
Décrire les principes de la prise en charge au long cours.

Diagnostiquer un diabète chez l’adulte

Le diabète sucré est une maladie fréquente dont la prévalence augmente. Il est défini par une hyperglycémie chronique et regroupe plusieurs entités.

Circonstances de découverte

Des symptômes, signes d’insulinopénie (syndrome polyuropolydipsique, amaigrissement, asthénie), des mani­festations aiguës (infections ou mycoses récidivantes) ou chroniques d’hyperglycémie, peuvent révéler la maladie.

En l’absence de symptômes : dépistage

Le dépistage est indiqué chez des sujets de plus de 45 ans, en présence d’au moins un facteur de risque parmi les suivants : hyperglycémie modérée à jeun (entre 1,10 et 1,25 g/L), non Caucasiens, syndrome métabolique (indice de masse corporelle [IMC] > 28 kg/m², hypertension artérielle [HTA], HDL-cholestérol < 0,35 g/L et/ou tri­glycérides > 2 g/L et/ou dyslipidémie traitée), antécédents de diabète familial au premier degré, de diabète gestationnel, enfant né avec une macrosomie, signes d’insulinorésistance (acanthosis nigricans).

Diagnostic biologique

Le diagnostic est posé si la glycémie veineuse est élevée : soit ≥ 1,26 g/L à jeun, à deux reprises, soit ≥ 2 g/L à tout moment de la journée, en présence de symptômes.
Une glycémie à jeun ≥ 1,10 g/L et < 1,26 g/L définit une hyperglycémie modérée à jeun.

Diagnostic étiologique

On distingue le diabète de type 1 (DT1), le diabète de type 2 (DT2), et d’autres types de diabètes (liste non exhaustive) : pancréatique (pancréatite chronique, tumeur, mucoviscidose, hémochromatose), endocrinien (acromégalie, hypercorticisme, phéochromocytome), génétique (MODY pour maturity onset diabetes of the young, mitochondrial), iatrogène (corticoïdes, thérapies ciblées anticancéreuses, neuroleptiques).

Diabète de type 1 (DT1)

Il représente moins de 10 % des formes de diabète, il est plus fréquemment diagnostiqué chez les jeunes mais peut survenir à tout âge.

Physiopathologie

Le DT1 correspond à une situation d’insulinopénie absolue, secondaire à une destruction massive des cellules bêta des îlots de Langerhans d’origine auto-immune spécifique, à médiation cellulaire. La sécrétion de glucagon est préservée.
Les anticorps anti-GAD, anti-IA-2, anti-cellules d'îlots, anti-­ZnT8, anti-insuline constituent des marqueurs d’auto-­immunité, sans rôle pathogène.
Les prédispositions comportent : un antécédent personnel ou familial de maladie auto-immune (dysthyroïdie, vitiligo, maladie cœliaque, insuffisance surrénalienne, atrophie gastrique… pouvant s’intégrer dans une polyendocrinopathie auto-immune de type 2), avec, comme marqueurs génétiques, des haplotypes du complexe majeur d’histocompatibilité (HLA) de classe II DR3 et DR4.

Signes cliniques

Le début du DT1 est rapide, nécessitant un avis spécialisé urgent, mais il existe une forme d’évolution plus progressive (LADA, pour latent autoimmune diabetes in adults).
Un syndrome cardinal est souvent observé : asthénie, syndrome polyuropolydipsique, déshydratation, amaigrissement à appétit conservé, parfois accompagné d’un tableau acidocétosique (dyspnée de Kussmaul, haleine acétonique, douleurs abdominales et vomissements).

Diagnostic biologique

En présence de ces symptômes, il faut réaliser :
  • une bandelette urinaire, à la recherche de glycosurie et de cétonurie supérieures à une croix (> +) ;
  • une glycémie et une cétonémie capillaires (augmentées) et/ou veineuses. Le diagnostic repose sur une glycémie veineuse ≥ 2 g/L, quelle que soit l’heure, en présence d’un syndrome cardinal ;
  • un dosage des auto-anticorps pour confirmer l’origine auto-immune.

Traitement

Le traitement repose sur l’insuline sous-cutanée. La dose d’insuline se caractérise par une variabilité inter- et intra-­individuelles, avec des objectifs standard : glycémie à jeun de 0,80 à 1,20 g/L et post-prandiale (2 h après chaque repas) de 1,20 à 1,60 g/L ; à adapter à chaque patient. Les sites d’injections doivent être changés régulièrement pour éviter des lipodystrophies.
L’insuline peut être administrée par :
  • un stylo d’insuline lente (agit 24 heures) ou semi-lente (12 heures), à injecter à heure fixe et à maintenir même en cas de jeûne, et d’insuline rapide (3-4 heures) avant chaque repas, à suspendre en cas de jeûne ;
  • une pompe à insuline, avec injection continue d’insuline rapide faisant fonction d’insuline basale.

Éducation thérapeutique

Le patient doit être éduqué à l’injection, à l’adaptation de l’insulinothérapie, à l’autosurveillance de la glycémie (capillaire ou interstitielle par capteur), aux causes des variations glycémiques (insuline, alimentation, alcool, activité, pathologie intercurrente…), aux signes faisant suspecter une situation urgente, à la reconnaissance et à la gestion des hypoglycémies.

Complications métaboliques urgentes

Les complications chroniques sont absentes au moment du diagnostic de DT1.

Acidocétose diabétique

Elle reflète une carence sévère (voire absolue) en insuline et une sécrétion de glucagon. Elle peut survenir dès la découverte du DT1, en cas d’arrêt de l’insulinothérapie ou de pathologie intercurrente sévère. Elle comporte un tableau d’hyperglycémie majeure (syndrome cardinal avec déshydratation), de cétose (troubles digestifs), puis d’acidocétose avec polypnée. Tout syndrome abbdominal chez un diabétique doit faire penser à une acidocétose.
Le diagnostic est retenu devant : une hyperglycémie > 2,5 g/L, une cétonémie > 3 mmol/L ou cétonurie ≥ ++, un trou ionique > 12 mEq/L et une acidose métabolique avec pH artériel < 7,30 et/ou bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L. Toute hyperglycémie > 2,5 g/L prolongée, sans cause évidente, nécessite la recherche de corps cétoniques sur bandelette urinaire ou sang capillaire.
Le traitement associe en urgence : réhydratation intraveineuse (IV), supplémentation potassique systématique (ou retardée si kaliémie initiale > 5 mmol/L) et insulinothérapie par voie intraveineuse à la seringue électrique (IVSE) [0,1 U/kg/h jusqu’à 7 U/h]. L’insuline est indispensable à la régulation glucido-lipidique : une solution glucosée sera administrée en cas de normoglycémie avec persistance de l’hypercétonémie. L’insulinothérapie IVSE ne sera relayée par voie sous-cutanée qu’après normalisation de l’acidose, de la cétonémie et du trou ionique.

Hypoglycémie

Le tableau clinique comporte des signes adrénergiques (pâleur, sueurs, tachycardie…) puis neuroglucopéniques (confusion, signes sensitifs ou moteurs, crise comitiale…). Des hypoglycémies à répétition ou une neuropathie végétative peuvent masquer les signes adrénergiques. Toute symptomatologie neurologique chez un patient diabétique doit faire rechercher une hypoglycémie.
L’hypoglycémie se définit par une glycémie < 0,70 g/L. L’hypoglycémie sévère est définie par la nécessité de l’intervention d’un tiers. Les causes comprennent une dose d’insuline trop élevée, un apport insuffisant en glucides, une activité physique inhabituelle…
Le resucrage s’effectue per os (15 g de glucose) ou, en cas d’impossibilité, par injection intramusculaire (IM) de glucagon (une forme à administration nasale sera prochainement disponible) ou soluté glucosé intraveineux (IV).

Diabète de type 2 (DT2)

Plus de 80 % des formes de diabète sont de type 2. Classiquement diagnostiqué chez les sujets de plus de 40 ans, sa fréquence chez les jeunes tend à augmenter.
Ses facteurs de risque comportent le syndrome métabolique, un antécédent familial de DT2 au premier degré ou un antécédent personnel de diabète gestationnel ou de macrosomie. Certaines populations ont un risque plus élevé de développer un DT2 (Afrique, DOM-TOM, Asie…) [fig. 1].

Physiopathologie

Il s’agit d’une pathologie multifactorielle (prédisposition génétique et facteurs environnementaux), d’évolution progressive, avec une longue phase asymptomatique, secondaire à (fig. 2) :
  • une insulinorésistance hépatique, adipeuse et musculaire : responsable d’une glucolipotoxicité ;
  • un hyperinsulinisme réactionnel initial évoluant vers une insulinopénie relative (sécrétion insuffisante par rapport à la glycémie), aggravée au cours du temps par glucolipotoxicité.

Diagnostic

La découverte d’un diabète de type 2 est le plus souvent fortuite, sur un bilan de dépistage, en présence de facteurs de risque ou de complications, parfois en présence de symptômes tels que : polyurie, polydipsie, amaigrissement, mycoses… Un syndrome cardinal, plus rare, témoigne d’un stade avancé. La bandelette urinaire révèle une glycosurie isolée, la glycémie (capillaire, veineuse) est augmentée. Le diagnostic est retenu devant l’une des situations suivantes :
  • glycémie veineuse le matin à jeun ≥ 1,26 g/L, vérifiée une fois ;
  • glycémie veineuse > 2 g/L quel que soit le moment de la journée, avec les signes cardinaux ;
  • glycémie veineuse à 2 heures de l’épreuve d’hyper­glycémie provoquée par voie orale (HGPO) ≥ 2 g/L (rarement effectuée en pratique, sauf dépistage et suivi de diabète gestationnel).

Traitement

Il repose sur une éducation diététique avec conseils hygiénodiététiques (activité physique et alimentation), qui réduit l’insulinorésistance et le syndrome métabolique ; et des thérapeutiques pharmacologiques.

Traitement de première intention

La metformine en monothérapie est recommandée en première intention (fig. 3 et 4) : réduisant l’insulinorésistance, sans hypoglycémie, à maintenir en cas d’insulinothérapie, à stopper en cas d’insuffisance d’organe sévère : rénale (débit de filtration glomérulaire (DFG) < 30 mL/min/1,73 m2), hépatique, respiratoire ou cardiaque. Ses principaux effets indésirables sont d’ordre digestif, notamment douleur abdominale et accélération du transit.

Traitements de deuxième intention

En deuxième intention (bithérapie puis trithérapie) seront ajoutés, en fonction du profil du patient :
  • les sulfamides hypoglycémiants ou glinides (recommandations de la Haute Autorité de santé [HAS] [fig. 3]) : insulinosécréteurs à risque d’hypoglycémie et de prise de poids modérée, à stopper en cas de jeûne, contre-­indiqués en présence d’insuline rapide, d’insuffisances rénale ou hépatique sévères ; seuls les glinides sont utilisables en cas d’insuffisance rénale avec DFG compris entre 15 et 30 mL/min/1,73 m2 ;
  • les incrétines (Société francophone du diabète [SFD] [fig. 4]) : insulinosécréteurs en fonction de la glycémie, sans risque d’hypoglycémie, contre-indiqués en cas d’insuffisances hépatique et rénale sévères ;
  • les inhibiteurs des DPP4 (iDPP4) augmentent la biodisponibilité du glucagon-like peptide (GLP) 1 endogène. Les analogues du GLP1 (aGLP1) injectables (SFD 2021 [fig. 4]), dont la prescription est possible jusqu’à un DFG > 15 ml/min/1,73 m2, ralentissent la vidange gastrique (effets indésirables digestifs), favorisent la perte de poids et réduisent le risque d’événements cardiovasculaires majeurs d’origine athéroscléreuse. Ils doivent être privilégiés si l’IMC dépasse 30 kg/m² et/ou en cas de haut risque cardiovasculaire. Ils sont contre-indiqués en cas de maladie pancréatique ou d’insuffisances cardiaque sévère ou rénale terminale. L’association iDPP4 et aGLP1 est déconseillée ;
  • les inhibiteurs du glucose-sodium cotransporteur (SGLT2) [fig. 4] entraînent une élimination urinaire de glucose, sans risque d’hypoglycémie, avec un effet protecteur cardiaque et rénal. Ils doivent être privilégiés en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection du ventricule gauche réduite et de maladie rénale. Leur effet antihyperglycémiant est limité au-dessous du seuil de DFG de 45 mL/min, mais la prescription pour effet cardioprotecteur est autorisée (pour la dapagliflozine) jusqu’à un DFG de 25 mL/min. Le remboursement pour néphroprotection est en cours d’évaluation ;
  • l’insulinothérapie, qui comporte un risque d’hypo­glycémie et de prise de poids, peut être temporaire ou définitive. En cas de déséquilibre important, avec signes d’insulinopénie, de grossesse chez une femme DT2, de pathologie intercurrente sévère ou si le traitement par antidiabétiques oraux est insuffisant, l’insulinothérapie sera introduite après avis du diabétologue, par insuline lente seule (0,2 U/kg de poids par jour, à titrer en fonction de la glycémie du réveil) ou associée à une insuline rapide.
L’autosurveillance glycémique n’est pas systématique en l’absence de traitement hypoglycémiant.

Complications métaboliques urgentes

Il peut s’agir d’un coma hyperosmolaire, d’une acido­cétose, d’une hypoglycémie ou d’une acidose lactique.

Coma hyperosmolaire

Il s’agit d’une carence insulinique partielle sans lipolyse. Le tableau clinique comporte un syndrome cardinal avec déshydratation sévère et insuffisance rénale aiguë souvent fonctionnelle.
Le diagnostic est retenu devant une hyperglycémie majeure > 6 g/L, une hypernatrémie > 150 mmol/L (corriger la natrémie avec la formule suivante : natrémie corrigée = natrémie mesurée + [glycémie en mmol - 5]/2), une osmolalité augmentée > 320 mOsmol/kg, sans cétose ni acidose. Des formes mixtes, associant acidocétose diabétique et décompensation hyperosmolaire, sont possibles.
Le traitement urgent associe réhydratation IV, correction des troubles hydroélectrolytiques, insulinothérapie IVSE, prise en charge du facteur déclenchant.

Acidocétose

Elle est possible en cas d’altération de l’insulinosécrétion du fait de l’ancienneté du DT2 ou d’une pathologie intercurrente sévère. Le tableau et la prise en charge sont identiques à ceux de l’acidocétose chez les DT1.

Hypoglycémie

Cette complication iatrogène peut être due aux sulfamides hypoglycémiants ou à l’insulinothérapie. Le tableau est identique à celui de l’hypoglycémie du DT1. Le resucrage est effectué per os ou, en cas d'impossibilité, par soluté glucosé IV. Le glucagon est contre-indiqué en cas de traitement par sulfamides hypoglycémiants.

Acidose lactique

Cette autre complication iatrogène rare peut être secondaire à l’accumulation de biguanides du fait d’une posologie inappropriée à la fonction rénale. Sa prévention passe par l’adaptation de la dose de metformine au DFG :
  • DFG > 60 mL/min/73 m2 : 2 à 3 g/j ;
  • 60 > DFG > 30 mL/min : 1 à 1,5 g/j ;
  • DFG < 30 ml/min/1,73 m2 : contre-indication.
Il est prudent d’arrêter la metformine pendant 48 heures après injection de produit de contraste iodé chez les patients insuffisants rénaux (DFG < 60 mL/min/1,73 m2).

Amaigrissement

Chez un patient DT2, la perte de poids réduit classiquement l’insulinorésistance. Un amaigrissement important, qui ne serait pas en adéquation avec le niveau du déséquilibre glycémique, peut nécessiter une enquête étiologique. Un diabète mal contrôlé entraînerait une perte pondérale alors que l’amélioration du contrôle glycémique pourrait s’accompagner d’une prise de poids.

Complications

L’évolution, progressive et initialement asymptomatique, est pourvoyeuse de complications, parfois présentes dès le diagnostic ; qu’il convient donc de rechercher sans attendre (fig. 5).

Suivi du diabète et de ses complications

Bien équilibrer le diabète permet de réduire le risque de complications, qui sont nombreuses.

Suivi de l’équilibre

L’hémoglobine glyquée reflète le niveau du contrôle glycémique des deux à trois derniers mois. L’objectif d’HbA1c doit être individuel et adapté à chaque patient (selon l’âge, l’ancienneté et les complications du diabète, les comorbidités, le risque d’hypoglycémies...) [tableau] :
  • < 6,5 % pour un diabète récent chez un patient jeune et en l’absence de complications, ou en cas de grossesse ;
  • < 7 % si les complications sont stables ;
  • < 8 % pour un diabète ancien ou associé à des complications sévères, en cas de risque élevé d’hypoglycémie ;
  • < 9 % pour un patient âgé, polypathologique, dont l’espérance de vie est limitée.
Une autosurveillance glycémique est indispensable sous traitement à risque hypoglycémiant, pour vérifier l’absence d’hypoglycémie et adapter les doses.

Complications chroniques

Les complications sont favorisées par une exposition prolongée à l’hyperglycémie.

Complications microvasculaires : microangiopathie

Les principaux facteurs de risque sont le déséquilibre glycémique chronique et l’ancienneté du diabète. Il s’agit d’atteintes diffuses des microvaisseaux, dont l’évolution est simultanée. La microangiopathie diabétique atteint principalement la rétine, le néphron et le nerf périphérique.
Rétinopathie diabétique : première cause de cécité chez les jeunes en Occident
Le dépistage doit être régulier. En effet, souvent longtemps asymptomatique (acuité visuelle [AV] conservée), la rétinopathie diabétique justifie un dépistage par fond d’œil (ou rétinographie) une fois par an, dès la découverte du DT2 et à partir de cinq ans d’ancienneté du DT1. La surveillance doit être plus rapprochée dans certaines situations à fort risque d’apparition ou d’aggravation de rétinopathie diabétique (grossesse, rétinopathie préexistante et restauration rapide de l’équilibre glycémique d’un diabète mal contrôlé).
En cas de rétinopathie sévère (préproliférante ou proliférante) évolutive non traitée anatomiquement, l’équilibre glycémique doit être restauré progressivement.
Physiopathologie
La rétinopathie diabétique est liée à une fragilité et à des anomalies atteignant principalement les capillaires, veinules et artérioles périphériques, avec des phénomènes ischémiques occlusifs et hémorragiques aboutissant à une prolifération anormale de néovaisseaux. Elle évolue en plusieurs stades :
  • absence de rétinopathie ;
  • rétinopathie non proliférante minime : micro­anévrismes et/ou microhémorragies ;
  • rétinopathie non proliférante modérée : exsudats, hémorragies, nodules cotonneux ;
  • rétinopathie non proliférante sévère ou préproliférante : anomalies rétiniennes précédentes avec hémorragies étendues et modifications veineuses ;
  • rétinopathie proliférante : caractérisée par l’apparition de néovaisseaux, évoluant elle-même en trois stades : minime, modéré et sévère. La rétinopathie proliférante peut être responsable de complications graves (hémorragie du vitré, décollement rétinien ou glaucome néo­vasculaire), qui elles-mêmes exposent au risque de malvoyance ou de cécité.
La maculopathie diabétique affecte le centre de la rétine, la macula. Elle est secondaire à des phénomènes ischémiques et d’hyperperméabilité capillaire entraînant un œdème rétinien, lié à la rupture de la barrière hématorétinienne. L’œdème maculaire peut être cystoïde (forme la plus fréquente) ou non cystoïde. La maculo­pathie diabétique est responsable d’une baisse d’AV dès les stades précoces, contrairement à la rétinopathie périphérique, qui ne peut entraîner une baisse d’AV que dans les formes évoluées et compliquées.
La maculopathie et la rétinopathie périphérique évoluent souvent simultanément.
Examens complémentaires
L’angiographie à la fluorescéine ou numérique (utilisée le plus souvent) permet de mieux caractériser la rétinopathie diabétique et d’évaluer sa sévérité. La tomographie en cohérence optique (OCT) permet d’explorer la macula. En France, plusieurs centres disposent d’angio-OCT.
Traitement
Il repose sur :
  • un équilibre glycémique strict (atteint progressivement en cas de déséquilibre important) ;
  • un équilibre tensionnel strict ;
  • la photocoagulation rétinienne au laser, débutée au stade de rétinopathie préproliférante sévère. Elle fait régresser les néovaisseaux et peut être associée à des injections intravitréennes d’anti-VEGF en cas d’atteinte très sévère ;
  • des injections intravitréennes d’anti-VEGF en cas d’œdème maculaire, associées à la photocoagulation au laser en cas d’ischémie. Un implant intravitréen de corticoides (dexaméthasone) en cas de contre-indication ou de non-réponse à un traitement par anti-VEGF.
Autres atteintes
L’examen doit être complet et comporter le dépistage d’un glaucome chronique à angle ouvert (indépendant d’une rétinopathie), d’une cataracte et d’atteintes du nerf optique.
Néphropathie diabétique
Le dépistage s’effectue une fois par an, dès le diagnostic du diabète de type 2 et à partir de cinq ans d’ancienneté du diabète de type 1, par dosage de la créatinine sanguine, calcul du débit de filtration glomérulaire, dosage de l’excrétion urinaire d’albumine et dosage de la créatininurie sur échantillon avec calcul du rapport albumine/créatine urinaire (RAC).
Physiopathologie
L’hyperglycémie chronique est responsable de modifications hémodynamiques (hyperfiltration) et structurelles glomérulaires. Le filtre glomérulaire s’altère : une albuminurie pathologique puis une protéinurie sans hématurie apparaissent. La filtration glomérulaire diminue progressivement :
  • stade 1 : hyperfiltration glomérulaire avec albuminurie physiologique (normoalbuminurie : < 30 mg/24 heures ou RAC < 30 mg/g ou < 3 mg/mol), protéinurie négative et fonction rénale conservée ;
  • stade 2 : stade 1 et hypertrophie glomérulaire ;
  • stade 3 : néphropathie diabétique incipiens (débutante), avec faible albuminurie (micro-albuminurie : 30-300 mg/24 heures ou RAC : 30-300 mg/g ou 3-30 mg/mol), fonction rénale conservée ou peu altérée ;
  • stade 4 : néphropathie diabétique avérée avec albuminurie élevée (macroalbuminurie > 300 mg/24 heures ou RAC > 300 mg/g ou > 30 mg/mol), protéinurie positive et fonction rénale altérée. Une hypertension artérielle (HTA) est souvent associée ;
  • stade 5 : insuffisance rénale chronique évoluée ou terminale (IRT) avec nécessité de suppléance ou de transplantation rénales.
L’albuminurie élevée et le débit de filtration glomérulaire réduit constituent des facteurs de risque d’événements cardiovasculaires majeurs.
Diagnostic
Il nécessite la confirmation de l’albuminurie pathologique sur un deuxième prélèvement, six mois après le premier, en l’absence d’infection urinaire, de menstruations, de déséquilibre glycémique majeur...
La ponction-biopsie rénale n’est pas indispensable au diag­nostic, son indication est réservée à l’appréciation du néphrologue. Le recours au néphrologue est conseillé en cas d’atteinte atypique (suspicion d’une autre cause que le diabète) ou d’insuffisance rénale chronique stade 3B.
Traitement
Il associe :
  • un équilibre strict du diabète. Les traitements antidiabétiques ne sont pas équivalents en termes de protection rénale. Certains aGLP-1 exercent un effet antiglomérulaire (antialbuminurique) favorable, mais sans effet protecteur sur le DFG. Les inhibiteurs du SGLT2 s’avèrent de puissants néphroprotecteurs, sur l’albuminurie et le DFG mais aussi vis-à-vis de l’insuffisance rénale chronique évoluée ou terminale, des décès de causes rénale et cardiovasculaire (autorisation de mise sur le marché [AMM] française dans l’indication néphroprotection avec amélioration du service médical rendu [ASMR] IV ; périmètre de remboursement par la Caisse d’assurance maladie en cours d’évaluation) ;
  • un équilibre tensionnel strict, en privilégiant en première intention les inhibiteurs du système rénine-­angiotensine (inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC] ou antagonistes du récepteur AT1 de l’angiotensine 2 [ARA2]) à dose maximale tolérée. Ces traitements doivent être discutés, selon la tolérance du patient (hypo­tension), dès le stade de microalbuminurie, même en absence d’HTA ;
  • la prise en charge des autres facteurs de risque cardiovasculaires, pharmacologiques (statines) ou non pharmacologiques (sevrage du tabac, perte de poids en cas de surcharge pondérale, alimentation restreinte en lipides, protides et sel).
Neuropathie diabétique
La neuropathie diabétique est la complication la plus fréquente du diabète. Elle est secondaire à une atteinte mixte neurovasculaire : dégénérescence axonale et lésions ischémiques. Son dépistage repose sur l’interro­gatoire et l’examen clinique, dès le diagnostic pour le DT2 et à partir de cinq ans d’évolution pour un DT1.
Neuropathie périphérique
La polynévrite axonale ascendante est l’atteinte la plus fréquente. L’atteinte sensitive précède l’atteinte motrice. Elle touche, de façon bilatérale et symétrique, les extrémités des membres inférieurs (puis supérieurs) et évolue de façon ascendante, vers les racines. Souvent asymptomatique au début, un déficit de sensibilité doit être recherché (hypopallesthésie, trouble proprioceptif, non perception du monofilament), ainsi qu’une aréflexie ostéotendineuse et des paresthésies. Le déficit moteur est tardif. L’électromyogramme n’est pas indispensable, il n’est recommandé que si le tableau est atypique.
La polynévrite peut aboutir à des déformations de la voûte plantaire, des orteils en griffes, à une neuro-arthropathie diabétique sévère (pied de Charcot). Le pronostic de la neuropathie diabétique périphérique est dominé par le risque de mal perforant plantaire et d’amputation du membre inférieur.
Le traitement associe un équilibre glycémique strict et des mesures symptomatiques en cas de douleur neuro­pathique : antiépileptiques, ou antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).
Les atteintes monoradiculaires ou multinévrites, plus rares, sont plus brutales : cruralgie, paralysie oculomotrice ou faciale périphérique, syndrome du canal carpien…
Neuropathie autonome
Plus tardive, son dépistage est clinique :
  • neuropathie digestive avec gastroparésie (entraînant une variabilité glycémique), dysphagie, troubles du transit ;
  • neuropathie urogénitale avec atteinte vésicale (résidu post-mictionnel, incontinence urinaire), ou dysfonction érectile (mixte avec atteinte artérielle) ;
  • neuropathie autonome cardiaque avec tachycardie sinusale sans variation à l’effort, allongement du QT, ischémie silencieuse, hypotension orthostatique sans accélération de la fréquence cardiaque ;
  • troubles de la sudation.

Complications macrovasculaires : macroangiopathie

L’hyperglycémie est un facteur de risque d’athérosclérose qui est plus fréquente, plus précoce et rapidement évolutive chez les patients diabétiques, comparés aux sujets non diabétiques. Le diabète est caractérisé par une médiacalcose très marquée.
Le risque cardiovasculaire est élevé en cas de :
  • maladie cardiovasculaire (symptomatique ou silencieuse) ;
  • DT2 ou DT1 évoluant depuis plus de dix à quinze ans ;
  • facteurs de risque cardiovasculaires associés ;
  • microangiopathie diabétique : néphropathie (micro-­albuminurie, protéinurie ou insuffisance rénale chronique), rétinopathie sévère et neuropathie.
Le dépistage de la macroangiopathie repose principalement sur un interrogatoire minutieux, un examen clinique complet et un électrocardiogramme de repos. La réalisation d’examens complémentaires sera adaptée en fonction du niveau de risque cardiovasculaire. Une complication macrovasculaire doit faire rechercher une autre localisation.
Le traitement, fondé sur le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires, comporte :
  • en présence d’une maladie macrovasculaire athéro­sclérotique avérée (prévention secondaire) : antiagrégant plaquettaire, statine, IEC ou ARA2 et souvent un bêtabloquant ;
  • en l’absence de maladie macrovasculaire athérosclérotique (prévention primaire), si le risque cardiovasculaire est élevé : statine, IEC ou ARA2 en cas d’HTA et/ou de néphropathie ;
  • une prise en charge non pharmacologique, indispensable pour réduire le risque d’événements cardiovasculaires.
Coronaropathie
L’atteinte est souvent diffuse, tritronculaire.
Le dépistage s’effectue sur la base de l’interrogatoire, de l’examen clinique et d’un électrocardiogramme. Le score calcique des coronaires est désormais conseillé pour stratifier le risque cardiovasculaire des patients diabétiques. Des examens complémentaires (épreuve d’effort, échographie cardiaque de stress, scintigraphie, coroscanner, IRM…) sont effectués en prévention primaire, si le patient est symptomatique ou à haut risque, notamment en cas de score calcique élevé.
En l’absence de coronaropathie, une insuffisance cardiaque définit une cardiomyopathie diabétique.
Atteinte carotidienne
Le dépistage de cette atteinte, qui est responsable d’accidents vasculaires cérébraux ou d’accidents ischémiques transitoires, s’effectue par auscultation carotidienne. L’échodoppler artériel des carotides est réalisé en cas de symptômes ou d’antécédent macroangiopathique.
Artériopathie oblitérante des membres inférieurs
Elle est souvent plus distale et multi-étagée (tibiale, fibulaire, pédieuse). Le dépistage associe :
  • examen clinique : palpation des pouls, recherche de claudication intermittente (qui peut être absente en cas de neuropathie sensitive) ;
  • mesure de l’indice de pression systolique (IPS) cheville/bras, parfois surestimé en cas de médiacalcose ;
  • échodoppler artériel en cas de symptômes. En cas d’artériopathie symptomatique, il est recommandé de demander l’avis d’un chirurgien vasculaire.

Pied diabétique

Le « pied diabétique » (fig. 6) résulte d’une atteinte mixte ou isolée : neuropathie (mal perforant plantaire), artério­pathie (plaie ischémique) et infection (facteur aggravant).
Physiopathologie
Deux composantes sont responsables d’une vulnérabilité à des traumatismes, pouvant évoluer vers une plaie :
  • neurogène : la microangiopathie entraîne des déficits sensitifs, proprioceptifs, sudoripares et moteurs, aboutissant à une déformation du pied et à une hyperkératose des points d’appui ;
  • ischémique : la macroangiopathie induit des retards de cicatrisation.
Une plaie est à haut risque d’infection, superficielle ou profonde (dont l’ostéite, pour laquelle il faut rechercher un contact osseux).
Traitement d’une plaie
Il repose sur :
  • une mise en décharge systématique, jusqu’à cicatrisation, avec soins locaux ;
  • l’évaluation du statut vasculaire. En cas d’ischémie critique ou aiguë, l’avis d’un chirurgien vasculaire est recommandé ;
  • l’évaluation du statut infectieux : local ou systémique, prélèvements pour adapter l’antibiothérapie, radiographie à la recherche d’ostéite, vérification du statut vaccinal antitétanique.

Autres complications

Il existe d’autres complications : dentaires, rhumatologiques, infections cutanées et urinaires.
Points forts
Diabète sucré de type 1 et de type 2 de l’enfant et de l’adulte. Complications

POINTS FORTS À RETENIR

Le diagnostic de diabète est affirmé sur 2 glycémies veineuses à jeun ≥ 1,26 g/L en l’absence de symptôme ou en présence d’un syndrome cardinal si elle est ≥ 2 g/L quel que soit le moment. Une glycémie à jeun ≥ 1,10 g/L et < 1,26 g/L définit une hyperglycémie modérée à jeun.

Le diabète de type 1 est secondaire à une carence absolue en insuline, le diabète de type 2 à une insulinorésistance et à une sécrétion d’insuline insuffisante. D’autres types de diabète, moins fréquents, existent.

L’équilibre du diabète est évalué tous les trois mois à partir de l’HbA1c, dont la valeur cible est adaptée à chaque patient.

Les complications microvasculaires atteignent principalement le rein, la rétine et le système nerveux périphérique. Leur dépistage s’effectue dès le diagnostic du diabète de type 2 et à partir de cinq ans pour le diabète de type 1 une fois par an.

L’hyperglycémie est un facteur de risque cardiovasculaire. Un dépistage par interrogatoire et examen clinique est systématique, les examens complémentaires à la recherche de complications macrovasculaires sont adaptés au niveau de risque du patient. Les autres facteurs de risque doivent être pris en charge.

Message auteur

Diabète sucré de type 1 et de type 2 de l’enfant et de l’adulte. Complications

Parmi les pièges qu’il est possible de rencontrer dans les QCM :

Diagnostic

En l’absence de symptôme, deux glycémies à jeun sont nécessaires pour poser le diagnostic.

L’HbA1c n’est pas utilisée pour le diagnostic en France.

La proportion de DT2 chez les jeunes tend à augmenter.

Physiopathologie

L’insuline fait entrer le potassium dans la cellule, une supplémentation potassique est nécessaire lors du traitement d’une acidocétose.

Il existe d’autres hormones hyperglycémiantes que le glucagon : notamment le cortisol et la GH.

Une pathologie intercurrente dans le DT2 peut nécessiter une insulinothérapie transitoire.

Un DT2 ancien peut justifier une insulinothérapie définitive.

Détecter une situation urgente

Tout syndrome abdominal chez un diabétique doit faire penser à une acidocétose.

Tout signe neurologique chez un diabétique doit faire penser à une hypoglycémie.

Des hypoglycémies à répétition ou une neuropathie végétative peuvent masquer les signes adrénergiques.

Thérapeutiques

Lors d’une acidocétose, l’insuline IVSE est relayée en sous-cutanée après normalisation de la cétonémie.

Chez le patient DT2, la metformine est maintenue lors de l’introduction d’une insulinothérapie.

Les sulfamides hypoglycémiants et glinides sont contre-indiqués en présence d’insuline rapide. L’association iDPP4 et aGLP1 est contre-indiquée.

En cas de jeûne, il faut interrompre l’insuline rapide du repas, les sulfamides hypoglycémiants, les glinides.

Examens complémentaires et suivi

Dans le DT2, des complications peuvent être présentes dès le diagnostic.

La rétinopathie diabétique est souvent longtemps asymptomatique, la baisse d’acuité visuelle est tardive, sauf en cas de maculopathie. Le dépistage de la macroangiopathie diabétique doit se fonder principalement sur l’interrogatoire et l’examen clinique.

Les examens fonctionnels de dépistage d’une cardiopathie ischémique silencieuse ne doivent pas être systématiques.

Le recours au néphrologue est conseillé en cas d’atteinte rénale atypique ou d’insuffisance rénale chronique de stade 3B.

Bibliographie
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HAS 2011. Évaluation du rapport albuminurie/créatininurie dans le diagnostic de la maladie rénale chronique chez l’adulte.
HAS 2007. ALD n° 8 - Diabète de type 2 Guide usagers.
HAS 2007. ALD n° 8 - Diabète de type 1 Guide patient.
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SFD 2016. Dépistage et surveillance des complications oculaires du patient diabétique SFD/SFO.
SFD 2013. Activité physique et diabète de type 2.
SFD 2012. Consensus sur la prise en charge du patient hyperglycémique et/ou diabétique au cours et au décours immédiat d’un syndrome coronaire aigu SFD/SFC.
SFD 2011. Neuropathie diabétique douloureuse. Diagnostic et traitement.
SFD 2011. Prise en charge des patients diabétiques présentant une atteinte de la fonction rénale.
SFD 2007. Microalbuminurie et excrétion urinaire d’albumine : recommandations françaises.

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