L’Organisation européenne du cancer vient de publier des chiffres alarmants sur les répercussions de la pandémie de Covid sur la prise en charge des cancers en Europe : elle rapporte une baisse drastique des dépistages et des diagnostics, mais aussi des retards dans les traitements. Quels sont les chiffres en France ? Quels sont les cancers les plus touchés ?

 

Au cours de la première année de pandémie (2020), le nombre estimé de cancers non diagnostiqués en France a été de 93 000, tous cancers confondus. Cette baisse des diagnostics a particulièrement concerné – sans surprise – la période du 1er confinement. Ainsi, les mois de mars à mai 2020 ont enregistré une baisse de 30 % par rapport à 2018-2019 (42 % si l’on compare seulement avril 2020 à avril 2019).

Les cancers les plus touchés ont été ceux de la prostate, du côlon, du sein et du poumon, avec des diagnostics en baisse respectivement de 33 %, 30 %, 29 % et 27 % entre janvier et septembre 2020 par rapport à 2018-19.

La chute dans le nombre de traitement entrepris a atteint des niveaux tout aussi préoccupants, particulièrement en début de pandémie, du fait de la difficulté d’accès aux soins. Par exemple, pour les cancers gynécologiques, un retard du traitement a été observé pour 41 % des radiothérapies, 35 % des traitements chirurgicaux et 14 % des chimiothérapies.

Enfin, la participation au dépistage organisé a aussi considérablement diminué en 2020 (de façon plus marquée, là encore, dans la période de mars à mai 2020, mais conduisant à un important retard cumulé sur l’ensemble de l’année), selon un rapport de l’Assurance maladie datant de juillet 2021 : diminution de 14 % pour les mammographies, 8,5 % pour les frottis du col de l’utérus (par rapport à 2019) et 11,8 % pour les cancers colorectaux par rapport à 2018. La Ligue contre le cancer soulignait ainsi à l’occasion d’« Octobre rose 2021 » que la participation au dépistage organisé du cancer du sein avait considérablement baissé entre 2019 et 2020, passant de 48,6 % à 42,8 %. En revanche, pour les cancers colorectaux, seuls les mois d’avril et de mai ont un solde négatif en termes de nombre de tests réalisés ; dès le mois de juin 2020, une augmentation par rapport à 2019 a été observée (la nature du test – à faire à domicile – pourrait expliquer ce contraste).

Ainsi, selon une étude menée par l’Institut Gustave-Roussy, publiée en août 2021, une surmortalité à 5 ans sera observée pour ces « patients 2020 ». Selon leurs simulations, cette surmortalité pourrait concerner particulièrement les patients atteints de sarcomes, de cancers gynécologiques, du sein, du foie, de la tête et du cou, ainsi que les leucémies aiguës.

Dans ce contexte, l’Assurance maladie a récemment soulignéle rôle primordial que jouent les médecins traitants pour rappeler aux patients la nécessité du dépistage régulier, pour accompagner et informer les populations concernées afin de pouvoir rattraper ces retards qui entraînent des pertes de chance importantes pour les patients.

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

European Cancer Organisation. Data Navigator. 2021

Bardet A, Fraslin AM, Marghadi J. Impact of COVID-19 on healthcare organisation and cancer outcomes.EJC 28 mai 2021.

Santé publique France. Dépistage du cancer du sein : quelle participation des femmes en 2020 ? 13 juillet 2021.

Nobile C. Baisse des dépistages des cancers en France : le point avec l’INCa.Rev Prat (en ligne) 13 avril 2021.