Depuis 2001 et la première version des critères « contemporains » de sclérose en plaques (SEP), les connaissances épidémiologiques et physiopathologiques de la maladie se sont considérablement étoffées, et les progrès en imagerie sont majeurs.1 Cependant, malgré ces avancées remarquables, le diagnostic de SEP reste parfois difficile. En effet, en l’absence de biomarqueur spécifique, il repose toujours sur un faisceau d’arguments. Par conséquent, de nombreuses pathologies peuvent tromper par des signes cliniques et/ou d’imagerie proches de ceux de la SEP.2
En parallèle, ces dernières années ont été marquées par des avancées fulgurantes dans la compréhension des mécanismes neuro-inflammatoires et dans l’identification d’un groupe de pathologies caractérisées par une auto-immunité à anticorps, dirigée contre des cellules du système nerveux central. Outre les synaptopathies auto-immunes présentant des caractéristiques sémiologiques finalement assez éloignées de la SEP, une autre entité s’en rapproche davantage : les gliopathies auto-immunes. La neuromyélite optique (NMO) à anticorps anti-aquaporine 4 (AQP4) dirigés contre l’astrocyte en est un exemple.3 Plus récemment, un anticorps dirigé contre une protéine de l’oligodendrocyte (glycoprotéine de la myéline oligodendrocytaire [MOG]) a été associé à un spectre de manifestations cliniques spécifiques. Ces gliopathies auto-immunes, bien que partageant de nombreuses caractéristiques avec la SEP, s’en distinguent par des mécanismes lésionnels, un pronostic et un traitement différents.4
Caractéristiques de la SEP et atypies orientant le diagnostic
Le diagnostic de sclérose en plaques repose sur un faisceau d’arguments anamnestiques, cliniques, biologiques et radiologiques (
L’épidémiologie comme élément d’orientation
La sclérose en plaques affecte essentiellement les femmes jeunes, et sa prévalence est largement plus élevée dans les pays « occidentaux ».
Un début de maladie avant la puberté ou après 65 ans, ainsi que des symptômes évocateurs chez un patient originaire d’Asie ou d’Afrique subsaharienne doivent faire évoquer d’autres diagnostics.
Neuropathie optique et myélite : des caractéristiques à analyser
La neuropathie optique de la sclérose en plaques se caractérise par une atteinte unilatérale, une baisse de l’acuité visuelle modérée, un fond d’œil normal et une bonne récupération clinique. Une atteinte bilatérale, sévère et/ou avec une mauvaise récupération ainsi que la présence d’un œdème papillaire au fond d’œil sont donc atypiques.
Les myélites sont partielles au cours de la SEP, souvent responsables d’un trouble sensitif isolé. Une atteinte sévère et/ou transverse, c’est-à-dire touchant les fonctions motrices, sensitives et sphinctériennes de manière bilatérale, est un « drapeau rouge » en défaveur d’un diagnostic de sclérose en plaques.
Liquide cérébrospinal au secours d’une biologie peu contributive
La sclérose en plaques est caractérisée par l’absence de syndrome inflammatoire biologique sanguin. L’analyse du liquide cérébrospinal objective une pléïocytose lymphocytaire modérée et la présence de bandes oligoclonales surnuméraires.
Caractéristiques radiologiques
À l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la localisation des lésions, leur type et leur prise de contraste sont autant d’éléments à analyser. Leur interprétation permet d’affiner l’orientation diagnostique, qui reste cependant complexe et affaire de spécialiste (
Maladie du spectre des anti-MOG : une entité à part
La découverte de l’anticorps anti-aquaporine 4 (anti-AQP4) a révolutionné le concept de neuromyélite optique (NMO) en la dissociant définitivement de la sclérose en plaques. Ce biomarqueur très spécifique a permis de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie, et surtout de décrire un spectre clinique plus large que les classiques atteintes du nerf optique et de la moelle épinière, en introduisant la notion de « trouble du spectre de la neuromyélite optique » (NMOSD).
Certains patients, remplissant les critères cliniques de NMOSD, n’ont pas d’anticorps anti-AQP4. Parmi ces patients dits « séronégatifs », environ la moitié expriment une auto-immunité dirigée contre une autre protéine gliale, la MOG. Ces patients sont donc considérés comme atteints de maladie du spectre des anti-MOG (MOGAD), entité différente de la SEP et du NMOSD.
La MOGAD est une maladie rare pour laquelle il ne semble pas exister de variations géographiques nettes, et dont le sex-ratio est environ égal à 1.
Son spectre clinique est large et varie en fonction de l’âge au début de la maladie :5
– chez l’enfant de moins de 10 ans, la plupart des cas se présente sous la forme d’une encéphalomyélite aiguë disséminée associant des symptômes souvent bruyants et des anomalies diffuses à l’IRM avec des lésions volumineuses à bords flous et touchant le thalamus ; la récupération clinique est souvent bonne, mais des séquelles cognitives sont possibles ;
– chez l’adulte, la névrite optique est la manifestation clinique la plus fréquente, avec des caractéristiques différentes de celles de la SEP ; elle est volontiers très douloureuse, bilatérale et un œdème papillaire au fond d’œil est fréquemment rapporté. L’atteinte visuelle, bien que sévère, récupère souvent rapidement après corticothérapie. D’autres manifestations sont possibles : myélite transverse souvent étendue avec un tropisme lombaire et laissant des troubles vésicosphinctériens, atteinte isolée du tronc cérébral ou du cervelet, encéphalite corticale occasionnant des crises convulsives avec, à l’IRM, des hypersignaux FLAIR corticaux souvent unilatéraux.
La plupart du temps, la MOGAD évolue par poussées ; les formes monophasiques sont cependant possibles, surtout chez l’enfant.
La ponction lombaire révèle une pléïocytose parfois plus importante que dans la SEP et une absence de bandes oligoclonales.
Compte tenu d’un risque faible de handicap et d’un risque modéré de récidive, la prise en charge thérapeutique est différente de celle de la SEP : un traitement de fond immunoactif n’est proposé que dans les formes récidivantes, ou après un premier épisode ayant laissé des séquelles. Le choix du traitement de fond reste débattu, mais les molécules utilisées dans la SEP (incluant les anti-CD20) sont décevantes ou inefficaces.
1. Thompson AJ, Banwell BL, Barkhof F, Carroll WM, Coetzee T, Comi G, et al. Diagnosis of multiple sclerosis: 2017 revisions of the McDonald criteria. Lancet Neurol 2018;17:162-73.
2. Geraldes R, Ciccarelli O, Barkhof F, De Stefano N, Enzinger C, Filippi M, et al. The current role of MRI in differentiating multiple sclerosis from its imaging mimics. Nat Rev Neurol. 2018;14:199-213.
3. Jarius S, Paul F, Weinshenker BG, Levy M, Kim HJ, Wildemann B. Neuromyelitis optica. Nat Rev Dis Primers 2020;6:85.
4. Marignier R, Cobo-Calvo A, Vukusic S. Neuromyelitis optica and neuromyelitis optica spectrum disorders. Curr Opin Neurol 2017;30:208-15.
5. Marignier R, Hacohen Y, Cobo-Calvo A, Pröbstel AK, Aktas O, Alexopoulos H, et al. Myelin-oligodendrocyte glycoprotein antibody-associated disease. Lancet Neurol 2021;20:762-72.