Prévalence : 0,7-1 %, soit environ 600 000 patients en France ; sex-ratio : autour de 1 ; semble plus fréquente en milieu urbain.
Début : en général entre 15 et 25 ans, rarement chez l’enfant (forme plus sévère), ou tardif (après 35 ans, le plus souvent chez la femme).
Repérage parfois difficile, surtout en cas d’évolution insidieuse : retard diagnostique de 2 ans en moyenne après l’apparition des troubles.
Diagnostic exclusivement clinique (évaluation, anamnèse, antécédents personnels et familiaux).
Espérance de vie réduite en moyenne de 15 ans par rapport à la population générale.
Évaluation clinique
Aucun n’est pathognomonique.
Symptômes positifs
Bruyants (facilitent le diagnostic).
Témoignant d’une distorsion de la réalité.
Délire « non systématisé » :
– flou, peu cohérent, avec une adhésion forte de la part du patient et une participation affective variable selon les cas ;
– thématiques polymorphes, avec prédominance des thèmes de persécution, mais aussi mystiques, de filiation, ou de mégalomanie.
Hallucinations :
– surtout auditives ou acoustico-verbales (voix, bruits), mais pouvant toucher les 5 sens ;
– parfois attitudes d’écoute (comportement traduisant la présence active d’hallucinations au moment de l’examen) ;
– intrapsychiques : devinements ou vols de la pensée, idées de références (attribution d’événements extérieurs comme directement liés à soi), commentaires ou échos de la pensée.
Dans des situations extrêmes de délire intense avec adhésion totale : passages à l’acte auto- ou hétéro-agressif possibles.
Désorganisation
Perte de l’enchaînement logique des idées : discours peu compréhensible avec néologismes (création de mots) ou paralogismes (usage de mots inappropriés au contexte) ; propos absurdes ou rationalismes morbides (explications absurdes pseudo-logiques).
Parfois, langage totalement incohérent (schizophasie) : réponses à côté, fading mental (ralentissement du débit verbal avec réduction du volume sonore) ou barrages (suspension avec reprise de la conversation sur un autre sujet).
Parfois, répétition des mots de l’interlocuteur (écholalie) ou mutisme.
Expression d’émotions contraires dans la même conversation (traduisant l’ambivalence affective) : rires ou pleurs immotivés par exemple.
Au niveau comportemental : maniérisme (attitudes empruntées) et stéréotypies.
Sur le plan cognitif : altérations fréquentes de l’attention, de la concentration et de la mémoire.
Atteinte des fonctions exécutives : incapacité à planifier des tâches simples de la vie quotidienne, source de handicap.
Symptômes négatifs
Appauvrissement affectif/émotionnel et retrait social : émoussement (froideur, pauvreté des affects, indifférence émotionnelle), apragmatisme (réduction d’activité, absence d’initiative), perte d’intérêt, incurie et pauvreté du contenu du discours (alogie).
On distingue symptômes négatifs primaires (manifestations directes de la maladie) et secondaires, induits par les antipsychotiques.
Troubles associés et comorbidités
Dans plus de 60 % des cas : le niveau de conscience de la maladie (insight) est faible, ce qui contribue à une mauvaise observance.
état dépressif : diagnostic difficile car peut être confondu avec les symptômes négatifs.
Tabagisme : prévalence de 50 % (contre 30 % dans la population française générale).
Consommation d’alcool et cannabis : fréquente, aggrave le pronostic.
Agressivité :
– souvent liée à une prise de toxiques ;
– lors d’un épisode aigu, passages à l’acte possibles (agression, meurtre, exhibition, troubles de l’ordre public), mais les patients dangereux pour la société sont une minorité.
Éliminer les diagnostics différentiels
Recherche de toxiques dans les urines, pouvant être responsables d’un trouble psychotique induit (cannabis, LSD, champignons).
Hémogramme, ionogramme sanguin, CRP, thyréostimuline [TSH], bilan hépatique : éliminer les causes infectieuses ou inflammatoires.
Ancienneté des troubles :
– < 6 mois : trouble schizophréniforme ;
– < 2 mois : épisode psychotique bref.
Trouble schizo-affectif : sur une même période, coexistence de symptômes psychotiques typiques et d’un épisode thymique caractérisé (dépressif ou maniaque) ; meilleur pronostic que la schizophrénie.
Modes évolutifs
– brutal dans 50 % des cas : épisode psychotique aigu, avec symptômes positifs et désorganisation au premier plan ;
– dans l’autre moitié : apparition insidieuse, progressive, avec désinvestissement social, scolaire ou professionnel ; diagnostic plus difficile.
Pathologie d’évolution chronique avec des rechutes durant les premières années :
– dans 50 % des cas : résolution partielle, avec installation d’un état fonctionnel « disadaptatif » avec des difficultés en termes d’autonomie : interactions sociales, accès à l’emploi, soin de soi, gestion des actes de la vie quotidienne ;
– dans 20 à 25 % : détérioration progressive avec dégradation sociale et psychique profonde ;
– chez 20 à 25 % des patients : restitution ad integrum et retour à l’état fonctionnel prémorbide.
Risque suicidaire +++ : presque la moitié des malades font au moins une tentative (7 % de décès par suicide, plus fréquents les premières années de la maladie).
Comorbidités physiques : obésité abdominale (augmentation du périmètre abdominal et hyper-triglycéridémie), syndrome métabolique (diabète, HTA, HDL-cholestérol diminué), maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires.
Facteurs de bon pronostic : sexe féminin, situation sociale et familiale stable, bon insight, prise en charge précoce, début tardif de la maladie et bonne observance thérapeutique.
Sont péjoratifs : retard diagnostique, symptômes négatifs intenses, persistance de symptômes résiduels en dépit d’un traitement bien conduit, comorbidité addictive, mauvaise observance.
Une origine multifactorielle, associant génétique et environnement
Plusieurs gènes de susceptibilité seraient impliqués (risque de schizophrénie passant de 1 à 30-40 % chez les jumeaux monozygotes). Des facteurs de stress précoce – dans la période in utero ou périnatale – seraient responsables de perturbations dans la maturation du système nerveux central dont les conséquences pourraient s’exprimer à l’adolescence (en particulier lors de certains remaniements dans la vie du sujet ou de déséquilibres hormonaux).
Rôle de l’environnement :
• facteurs précoces obstétricaux ou infectieux pouvant influencer le développement cérébral ; processus inflammatoires de bas grade ;
• traumatismes (abus ou négligence physiques, émotionnels ou sexuels), consommation de substance (cannabis), vie en milieu urbain.
Quels signes prodromiques ? Certains symptômes chez un adolescent ou un jeune adulte doivent faire suspecter une éventuelle entrée dans la psychose : • Concentration et attention réduites
• Baisse de motivation
• Humeur dépressive
• Trouble du sommeil
• Anxiété
• Retrait social/repli sur soi
• Méfiance
• Détérioration du fonctionnement social
• Irritabilité
Ces symptômes ne sont pas spécifiques mais doivent alerter le médecin généraliste, et inciter à une surveillance accrue et une orientation vers le spécialiste.