objectifs
Diagnostiquer une diarrhée aiguë chez l’adulte.
Diagnostiquer un état de déshydratation chez l’adulte.
Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
La diarrhée aiguë chez l’adulte est définie par l’émission de plus de 3 selles très molles à liquides par jour depuis moins de 15 jours. C’est un motif fréquent de consultation ambulatoire, aux urgences ou chez le médecin généraliste, et d’hospitalisation pour de possibles complications, dont la plus fréquente est la déshydratation. C’est également un problème de santé publique global, au vu des nombreux cas de diarrhée des voyageurs en dehors d’Europe, qui s’intensifient en période de vacances.
En général, l’émission des selles apparaît de façon soudaine sur un fond de transit intestinal normal et stable. Elle est souvent associée à des symptômes comme des nausées, vomissements, douleurs abdominales diffuses et spasmes intestinaux, syndrome appelé couramment « gastroentérite ».
Parfois, les selles peuvent être associées à du sang ou des glaires, et le patient peut présenter des douleurs abdominales localisées et intenses. Dans ce cas, des explorations complémentaires doivent être envisagées. D’autres fois, une fièvre peut survenir, n’étant pas forcément synonyme d’infection bactérienne. Dans la grande majorité des cas, la diarrhée disparaît spontanément ou avec l’aide d’un traitement symptomatique, en 5 jours.
Les diarrhées aiguës sont souvent de cause infectieuse et peuvent être provoquées par des pathogènes comme les virus, les bactéries ou parasites transmis par les aliments ou par le contact interhumain (transmission féco-orale) ou lors d’une intoxication alimentaire.

Épidémiologie

Les diarrhées aiguës sont responsables d’environ 3 millions de consultations chez le médecin généraliste rapportées en France chaque année, tous les âges confondus.
Elles présentent un profil épidémiologique bimodal, avec une épidémie de grande ampleur en hiver (à partir du 1er janvier) qui est attribuée à la circulation dans les foyers de souches virales, et un autre pic un peu moins important en période estivale, lié à une facilitation des infections bactériennes par la chaleur et aux pratiques alimentaires et conduites à risque lors des voyages.
Malgré les nombreux cas annuels de diarrhée, il y a peu de recherches étiologiques réalisées jusqu’à présent chez l’adulte en France. Par extrapolation de travaux menés dans d’autres pays d’Europe, nous pouvons estimer que les diarrhées virales sont plus fréquemment dues aux calicivirus (norovirus, sapovirus), les bactériennes à Campylobacter, et les parasitaires aux giardioses et cryptosporidioses.
La voie féco-orale est la plus souvent incriminée dans la transmission des pathogènes responsables de la diarrhée. Les virus responsables des gastroentérites virales sont particulièrement résistants, pouvant subsister plusieurs semaines dans l’environnement. Les infections peuvent se transmettre par l’eau (y compris celle retrouvée dans les circuits d’eau potable contrôlés), par les aliments, au cours des baignades et de façon interhumaine via les mains salies par les fèces. Ce mode de transmission peut être réduit par de simples mesures d’hygiène, comme le lavage soigneux des mains, la bonne cuisson des aliments et la consommation d’eau embouteillée. Les aliments peuvent aussi être vecteurs de toxines, produites par certaines bactéries (Staphylo­coccus aureus, Bacillus cereus et Clostridium perfringens notamment).

Prise en charge

Interrogatoire

L’interrogatoire est le temps principal de l’examen, permettant d’éliminer des diagnostics différentiels et d’orienter le traitement en fonction du pathogène suspecté.
Tout d’abord, il faut préciser le mode de début de la diarrhée afin de distinguer un premier épisode de diarrhée aiguë d’une exacerbation de diarrhée chronique fluctuante, le plus souvent de nature fonctionnelle.
Il faut déterminer toutes les prises médicamenteuses au moment de l’examen et dans les deux mois précédents. Tout médicament introduit récemment peut avoir comme effet indésirable une diarrhée ou être responsable d’une colite microscopique par d’autres mécanismes, dont le début peut être soudain et retardé jusqu’à deux mois après le début du traitement responsable. Les laxatifs font souvent partie des traitements au long cours des patients ou peuvent avoir été introduits récemment et entraîner une diarrhée sans que le patient ne s’y attende. Le tableau 1 résume les principales classes de médicaments responsables de diarrhée.
De plus, il faut chercher un contexte épidémique comme l’existence d’autres cas sur le lieu de travail, dans l’entourage familial ou scolaire (en faveur d’une intoxication alimentaire), un voyage outre-mer et aussi les éventuels comportements alimentaires à risque.
Concernant le type de diarrhée, il faut caractériser les selles (outre leur fréquence), notamment si elles sont abondantes, cholériformes, et s’enquérir de la présence d’un syndrome dysentérique (évacuations afécales, faux besoins).
Il est également important de caractériser la présence éventuelle de signes associés :
  • des douleurs abdominales, notamment si douleurs diffuses à type de spasmes précédant les selles ou des douleurs localisées dans un quadrant abdominal ;
  • de la fièvre, des vomissements, des signes articulaires ou cutanés, entre autres…
On distingue schématiquement deux différents tableaux en fonction de la symptomatologie décrite par le patient.
Syndrome cholériforme, chez environ 90 % des patients : diarrhée qui peut être d’un volume important, aqueuse, afécale. Les principaux organismes responsables sont les virus. Certaines bactéries et parasites peuvent y avoir une imputabilité, spécialement dans les pays en voie de développement, comme Vibrio cholerae, Escherichia coli entérotoxinogène (ETEC), et moins fréquemment Cryptosporidium et Giardia.
C’est le type de diarrhée que nous retrouvons aussi lors des intoxications alimentaires.
Syndrome dysentérique, caractérisé par des selles de faible volume mais fréquentes et glaireuses ou sanglantes, et par d’autres symptômes associés comme une douleur abdominale, un ténesme ou de la fièvre. Les pathogènes plus fréquemment retrouvés sont les bactéries comme Salmonella, Shigella, Campylobacter, E. coli entéro-hémorragique (EHEC) ou entéro-invasif (EIEC), Clostridium difficile, Entamoeba histolytica et Yersinia. Ce syndrome peut ne pas être d’origine infectieuse et être présent lors d’une poussée de maladie inflammatoire intestinale (dont la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn), d’une colite liée à une irradiation ou ischémique ou d’une diverticulite.
Enfin, il est important de préciser les antécédents et de rechercher les terrains à risque, en particulier les patients atteints d’immunodépression (dont l’infection par le VIH avec moins de 200 lymphocytes CD4), les patients sous chimiothérapie anticancéreuse, les patients transplantés d’organe ou atteints d’un déficit immunitaire congénital.

Examen clinique

Il doit s’efforcer à rechercher des signes de gravité. Il faut mesurer la pression artérielle (PA), la fréquence cardiaque, la température et éventuellement une fréquence respiratoire et saturation périphérique en oxygène.
1. Une PA basse (PA systolique inférieure à 100 mmHg ou PA moyenne inférieure à 65 mmHg) associée à une fréquence cardiaque élevée (> 120 batt/min) doit faire suspecter un tableau de déshydratation sévère.
2. Si une histoire de fièvre (température supérieure à 38,3 °C) est associée, un état septique avec (sepsis) ou sans défaillance d’organe doit être évoqué. On pourra retrouver, dans ce cas, des signes d’hypoperfusion périphérique se traduisant par des troubles de la conscience et, à l’inspection, des marbrures, un temps de recoloration cutanée de plus de trois secondes et des extrémités froides et pâles.
Dans les deux cas, le patient doit être pris en charge en urgence.
Les signes en faveur d’une déshydratation extracellulaire sont : pli cutané, cernes périorbitaires, hypotonie des globes oculaires, soif, hypotension artérielle d’abord orthostatique (pincement de la pression artérielle) et tachycardie, oligurie, et des veines jugulaires plates en position semi-assise.
Plus rarement, en cas de déshydratation globale, d’autres signes peuvent y être associés, dont des muqueuses sèches (face inférieure de la langue) et des troubles de la vigilance.
Si possible, il faut peser le patient, ce qui permet de quantifier la perte de poids aiguë et de la formuler en pourcentage du poids habituel. Cette formule est utile dans le calcul de la quantité d’eau ou de soluté de réhydratation à prescrire au patient, pour qu’il soit réhydraté.
L’examen de l’abdomen, le plus souvent, ne met en évidence qu’une sensibilité diffuse à la palpation de tous les quadrants abdominaux. Rarement, il peut mettre en évidence une sensibilité élective, le plus fréquent au niveau des fosses iliaques ou des flancs, évoquant une inflammation iléocolique droite ou colique gauche, voire du sigmoïde.
L’examen clinique doit être complet, comme toujours, afin de rechercher des signes de mauvaise tolérance ou l’atteinte d’autres organes se révélant par la diarrhée.

Examens complémentaires à demander

Des examens complémentaires doivent être prescrits d’emblée chez l’adulte si le patient présente :
  • des antécédents d’immunodépression, des comorbidités majeures ou un terrain vulnérable, notamment les personnes âgées chez lesquelles une infection bactérienne non traitée pourrait évoluer et menacer le pronostic vital ;
  • une diarrhée sans amélioration depuis au moins 3 jours : dans ce cas, la probabilité d’être en présence de troubles hydro­électrolytiques significatifs augmente. Les pertes digestives par diarrhée comportent de l’eau, du sodium (environ 50 mmol/L), du potassium et des bicarbonates. Les vomissements aggravent les pertes et limitent les apports ;
  • une diarrhée hémorragique associée ou pas à un syndrome dysentérique ;
  • des signes de déshydratation majeure ou de sepsis grave ;
  • une douleur abdominale localisée (témoignant d’une atteinte colique ou du sigmoïde) ou si une infection bactérienne est suspectée.
Sur le plan biologique, il faut demander un ionogramme sanguin (natrémie, kaliémie, réserve alcaline), une protidémie et les paramètres de fonction rénale (urémie, créatininémie, avec calcul de la clairance ou du débit de filtration glomérulaire).
Les arguments biologiques en faveur d’une déshydratation sont : hémoconcentration (hématocrite > 50 %), hyperprotidémie, insuffisance rénale fonctionnelle avec natriurèse effondrée ; acidose (due à une perte en bicarbonates) avec hypokaliémie paradoxale (du fait des pertes digestives en potassium).
Un ionogramme urinaire est utile en cas d’insuffisance rénale pour confirmer l’étiologie fonctionnelle due à une déshydratation.
Il faudra prescrire par ailleurs :
  • une numération formule sanguine (NFS) ;
  • un dosage de la protéine C réactive (PCR) ;
  • une coproculture. La présence d’E. coli non typé, de S. aureus (pathogène seulement via l’ingestion de toxines) et de Candida albicans n’est pas pathogène en soi, témoignant seulement d’un portage sain. En cas de suspicion d’infection nosocomiale ou d’antibiothérapie dans les 2 mois précédents, il faut demander, spécifiquement, la recherche de toxines de Clostridium difficile ;
  • un examen parasitologique des selles, surtout en cas de voyage à l’étranger récent. Cet examen doit être demandé séparément de la coproculture.
Les nouvelles méthodes de détection moléculaire des pathogènes par PCR sont déjà très utilisées en pratique courante lors du diagnostic étiologique des infections respiratoires et, à ce jour, deviennent de plus en plus utiles chez les patients ayant une diarrhée aiguë, pouvant être une alternative à la coproculture. Elles permettent de détecter des virus, bactéries et parasites avec un même échantillon et fournissent un résultat en quelques heures, ayant comme désavantage, par rapport à la coproculture, de ne pas réaliser de test de sensibilité aux antibiotiques. Dans le cas de détection d’une bactérie par une méthode moléculaire, il est donc recommandé de réaliser une coproculture avec antibiogramme.
Le tableau 2 résume les principaux virus et bactéries responsables de diarrhée.
En cas de diarrhée hémorragique et/ou de syndrome dysentérique, une recto-sigmoïdoscopie (voire une coloscopie si elle est possible) permet d’apercevoir les éventuelles lésions muqueuses et de réaliser des biopsies pour l’analyse histologique et la culture bactériologique.
Devant un patient septique, il faut également demander une hémoculture et un dosage du lactate qui, s’il est supérieur à 2 mmol/L, est en soi un critère de gravité.

Conduite à tenir

Symptomatologie présente depuis moins de 3 jours, sans signes de gravité clinique, diarrhée cholériforme

La majorité des diarrhées infectieuses, en particulier virales, sont de résolution spontanée en moins de 5 jours et ne nécessitent pas d’exploration particulière ni traitements supplémentaires.
Lorsqu’un patient consulte un médecin généraliste dans les premières 48 heures de l’évolution, celui-ci doit s’assurer que la diarrhée n’est pas d’origine médicamenteuse et doit donner des recommandations d’hydratation, d’alimentation et d’hygiène.
L’hydratation est un des aspects principaux de la prise en charge de ces patients. Il faut encourager le patient à prendre des boissons régulièrement, spécialement du thé noir sucré, des jus de fruits ou une solution de réhydratation qui peut être préparée par le patient (1 L d’eau + ½ cuillère à café de sel + 8 cuillères de sucre + 1 verre de jus d’orange). Il existe également des produits de réhydratation commerciaux. Contrairement à ce qui est de croyance courante dans la population, le Coca-Cola n’est pas conseillé, vu sa teneur faible en sodium et potassium.
Les aliments moins riches en fibres, comme les bananes, les toasts, les flocons d’avoine, le riz blanc, les compotes de pommes et le potage, peuvent aider à donner de la consistance aux selles et à améliorer les symptômes, s’ils sont bien tolérés.
La prescription d’un traitement symptomatique par ralentisseurs du transit ou antisécrétoires se justifie si le patient est très sympto­matique, avec plusieurs accès de diarrhée. Le lopéramide est néanmoins à éviter en cas de diarrhée glairo-sanglante ou devant un tableau de sepsis grave car il peut être responsable d’une aggravation des infections intestinales sévères.
Le traitement par probiotiques n’a pas montré d’intérêt dans la diarrhée aiguë à ce jour, sauf en cas de diarrhée post-antibiotique.

Symptomatologie présente depuis plus de trois jours

Lorsqu’une diarrhée aiguë se prolonge plus de 3 jours malgré le traitement symptomatique, la probabilité que la cause de la diarrhée soit une infection bactérienne ou parasitaire augmente. Il faut donc demander des examens complémentaires :
  • pour les patients ayant peu de comorbidités et tolérant bien la diarrhée, l’initiation d’un traitement par antibiotique peut être décalée afin d’attendre les résultats de la coproculture et de voir comment évolue la diarrhée ;
  • pour les autres patients ayant des comorbidités importantes ou une diarrhée mal tolérée, il faut débuter un traitement probabiliste.
Les antibiotiques de la famille des fluoroquinolones (comme la ciprofloxacine et l’ofloxacine) ou macrolides, comme l’azithromycine, sont les antibiotiques à prescrire en première intention comme traitement probabiliste car ils sont efficaces sur la plupart des bactéries entéropathogènes.
Les fluoroquinolones doivent être prescrites pendant 3 à 5 jours per os. Les molécules le plus souvent utilisées sont la ciprofloxacine et la lévofloxacine. Il faut prévenir le patient du risque de tendino­pathie.
Les macrolides, comme l’azithromycine, sont à prescrire préférentiellement en cas de suspicion de diarrhée et/ou colite à Campylobacter mais peuvent être aussi une alternative aux fluoroquinolones (en cas de contre-indication ou de prise récente de fluoroquinolone) et peuvent être prescrits en dose unique (par exemple 1 000 mg d’azithromycine ou 500 mg en 2 prises pendant 1 jour). Il ne faut pas oublier de réaliser un électrocardiogramme (ECG) avant de débuter un macrolide afin de dépister un allongement de QT qui contre-indiquerait cette classe.
Lorsqu’une bactérie pathogène est identifiée par la culture, le traitement initialement introduit doit être réévalué en fonction du test de résistance aux antibiotiques testés.
Le tableau 3 résume les traitements à prescrire en fonction de l’espèce bactérienne retrouvée à la coproculture.
L’identification d’un pathogène du type parasite à l’examen parasitologique des selles justifie la prescription d’un traite­ment antiparasitaire spécifique. Le tableau 4 résume les principaux para­sites, quand y penser, et le tableau 5 le traitement recommandé.

Prise en charge de la déshydratation

Les patients qui présentent une déshydratation supérieure à 8 % du poids corporel, des vomissements importants ou des signes de gravité doivent être hydratés par voie intraveineuse par du sérum salé isotonique.
Le volume d’hydratation est individualisé, en fonction des constantes et du résultat du bilan biologique. Dans les 6 premières heures, 50 % des pertes volumiques estimées doivent être perfusées et ensuite il faudra poursuivre l’hydratation pendant les 18 heures suivantes. Les jours d'après, l’hydratation est à adapter en fonction des résultats biologiques.

Critères d’hospitalisation

Ce sont les suivants :
1. Patients ayant des comorbidités qui décompensent.
2. Vomissements rendant l’hydratation impossible.
3. Déshydratation supérieure à 8 % du poids corporel.
4. Insuffisance rénale aiguë, troubles ioniques.
5. Troubles de la vigilance.
6. État septique sévère/choc septique.
7. Diarrhée fébrile au retour d’un pays d’endémie palustre.
8. Diarrhée fébrile chez patient immunodéprimé.
9. Isolement ou milieu social défavorisé.

Globalement (figure)

Cas particuliers


Diarrhée du voyageur

Appelée régulièrement « turista », elle débute souvent durant la première semaine de voyage et dure moins de 7 jours, généralement 3 à 5 jours. Son début est souvent brutal et est accompagné de crampes abdominales et de nausées, vomissements.
La « turista » est, dans 80 % des cas, d’étiologie bactérienne : surtout due à E. coli entérotoxicogène (ETEC) et aussi E. coli entéroagrégatif (EAEC), dont la fréquence est en cours d’augmentation. Shigelles et Campylobacter en sont également responsables. 15 % des cas sont d’origine virale et 5 à 10 % d’origine parasitaire (Giardia, Cryptosporidium, Cyclospora).
Les pathogènes responsables des diarrhées du voyageur peuvent varier en fonction du tableau :
  • pas de fièvre, courte durée de diarrhée : virus et cryptosporidies ;
  • fièvre, diarrhée non spécifique : paludisme, typhoïde ;
  • diarrhée fébrile : shigelles, Campylobacter, salmonelle (dont la typhoïde) ;
  • pas de fièvre, diarrhée persistante : parasites comme la giardiose et amœbose.
Le traitement par antibiotiques est recommandé, de façon probabiliste, puis il est à adapter en fonction des résultats de la coproculture ou de la recherche de parasites dans les selles.

Diarrhée dues à E. coli

Les Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC) sont, parmi les E. coli, caractérisés par leur capacité à produire des cytotoxines de la famille des shiga-toxines et font partie d’un groupe plus important qui est appelé Shiga toxin-producing E. coli (STEC).
Les EHEC sont responsables d’une symptomatologie variée allant d’une simple diarrhée aqueuse bénigne avec peu de fièvre à une colite hémorragique peu fébrile, pouvant évoluer vers des formes graves telles que le syndrome hémolytique et urémique (SHU) chez les enfants et le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) chez les adultes.
Le réservoir de ces bactéries est majoritairement le tube digestif des ruminants – la transmission à l’homme se fait principalement par la consommation d’aliments insuffisamment cuits (viande de bœuf notamment).
Il est déconseillé de traiter par antibiotique en raison du risque majoré de PTT en cas de prise d’antibiotique, qui favorise la libération de toxines.

Toxi-infection alimentaire familiale ou collective (TIAC)

Les TIAC se définissent par l’apparition d’au moins deux cas groupés similaires de symptomatologie digestive dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire (restaurants, cantines, hôpitaux, maisons de retraite…) et doivent être déclarés à l’agence régionale de santé (ARS). Elles sont provoquées par des toxines de Staphylococcus aureus, Bacillus cereus ou Clostridium botulinum, entre autres (tableau 2). Un traitement par anti­biotique n’est pas recommandé.

Diarrhée post-antibiotique

Une des raisons de limiter l’utilisation des antibiotiques est le risque de modification du microbiote intestinal ayant comme conséquence le développement de pathogènes, ce qui survient chez environ 10 % des patients prenant des antibiotiques.
Le plus souvent, il s’agit d’une diarrhée bénigne, apparaissant 3 à 5 jours après le début du traitement, transitoire, vite régressive à l’arrêt de l’antibiothérapie, et ne s’accompagnant pas de fièvre. Dans ce cas, il ne faut pas réaliser d’examens complémentaires ni débuter de traitement.
Plus rarement (10 %), la diarrhée est due à la sélection et au développement d’un germe pathogène, particulièrement Clostridium difficile et, moins souvent, Klebsiella oxytoca.
La colite pseudomembraneuse est la forme la plus sévère d’infection liée à C. difficile : elle se manifeste en général par une diarrhée abondante s’accompagnant de fièvre et un retentissement sur l’état général.
Le diagnostic est fait par une PCR sur les selles qui permet de détecter l’ADN de Clostridium. La positivité de ce test signifie la présence de Clostridium potentiellement toxinogène mais ne donne pas d’information vis-à-vis de la production de toxines. La mise en évidence des toxines A et B dans les selles confirme le diagnostic. En cas de doute, il faut faire une rectosigmoïdo-scopie ou une coloscopie, qui mettra en évidence des pseudomembranes caractéristiques.
Le traitement de première intention est la vancomycine à 125 mg x 4/j par voie orale si le tableau est peu sévère. Le métronidazole est actuellement un traitement de deuxième intention, à 500 mg x 4/j pendant dix jours. Les deux antibiotiques peuvent être administrés par voie intraveineuse en cas de tableau sévère. La fidaxomicine, un antibiotique de la famille des macrocycliques, a reçu l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2012 pour le traitement de Clostridium difficile ; c’est un traitement de première intention, mais moins utilisé du fait de son prix élevé.
Les colites hémorragiques à K. oxytoca régressent en général rapidement à l’arrêt de l’antibiothérapie responsable. Si ce n’est pas le cas, un traitement par quinolones est indiqué.

Diarrhée nosocomiale

Une diarrhée aiguë est dite nosocomiale lorsqu’elle survient plus de 3 jours après l’admission du patient en milieu hospitalier.
Les facteurs de risque principaux sont l’antibiothérapie, l’âge, la présence d’un voisin de chambre et la durée du séjour.
L’agent infectieux le plus souvent en cause est le C. difficile, puis viennent les salmonelles, les virus et certains parasites (Giardia intestinalis), tous potentiellement responsables de cas sporadiques ou d’infections collectives.

Septicémie, voire choc septique

Si un patient présente des signes de gravité clinique, un traitement antibiotique à large spectre est recommandé d’emblée par céphalosporines de 3e génération (C3G) et du métronidazole, par voie parentérale.

Immunodépression

Patients infectés par le VIH et CD4 inférieurs à 200/mm3 : les pathogènes à rechercher sont Cryptosporidium, Microsporidium, Isospora belli et Mycobacterium avium-intracellulare. L’examen parasitologique doit être prescrit en demandant spécifiquement la recherche de Cryptosporidium et Microsporidium. En dessous de 100 CD4/mm3, les colites à cytomégalovirus sont possibles et peuvent être diagnostiquées par mesure de la charge virale du cytomégalovirus et par coloscopie avec biopsies à la recherche d’inclusions virales.
Patients recevant une chimiothérapie anticancéreuse : ils sont à risque d’infection à C. difficile, même s’ils ne reçoivent pas d’antibiotiques. Une diarrhée aiguë est fréquente dans les jours suivant une chimiothérapie et est souvent liée à la toxicité intestinale des antimitotiques, si elle est isolée (tableau 1). En cas de fièvre et/ou de neutropénie, cette diarrhée est bien évidemment à explorer.
Un contexte vénérien (rapports sexuels anaux) et la présence d’une rectite doivent être évocateurs d’une infection par Herpes simplex virus, Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoea et Treponema pallidum.•
Points forts
Diarrhée aiguë et déshydratation chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte

POINTS FORTS À RETENIR

Diarrhée aiguë = plus de 3 selles par jour depuis moins de 15 jours.

Étiologie infectieuse prédominante (surtout virale).

Évolution spontanément favorable en 3-5 jours.

Reconnaître les signes de gravité : déshydratation sévère (hypotension et tachycardie) et sepsis potentiellement grave (fièvre associée à une tachycardie et hypotension).

Examens complémentaires et traitement antibiotique probabiliste recommandés si symptômes évoluant depuis plus de 3 jours sans amélioration, comorbidités importantes ou retour du voyage.

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