Le 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rendait public son avis n° 139 « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité »,1 tandis que le président de la République annonçait la convocation d’une convention citoyenne sur la fin de vie. Depuis, la Convention citoyenne a rendu son rapport, et le président de la République a annoncé l’examen en avril 2024 d’un projet de loi visant à ouvrir une aide à mourir dans des conditions strictement encadrées.
Avis du Comité consultatif national d’éthique
En premier lieu, le CCNE constatait un décalage entre la loi et son application. Il déplorait une application insuffisante des plans en faveur des soins palliatifs et regrettait qu’il n’y ait pas eu de réelles évaluations de l’impact des différentes lois. Contrairement à son avis de 2013 (qui recommandait de ne pas légaliser l’euthanasie ni l’assistance au suicide), le CCNE affirmait en même temps l’existence d’une voie éthique pour la légalisation d’une forme d’aide active à mourir, « à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». En particulier, le CCNE considérait que le renforcement des mesures de santé publique en faveur des soins palliatifs était indissociable d’une législation de la mort administrée. De plus, le comité définissait des critères éthiques majeurs devant être respectés dans les mesures législatives qui seraient prises. Sous ces conditions, « la possibilité d’un accès légal à une assistance au suicide devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ». La demande de mort administrée devrait être exprimée par une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée. La décision de donner suite devrait alors faire l’objet d’une trace écrite argumentée et serait prise par le médecin en charge du patient à l’issue d’une procédure collégiale.
Au nom d’un impératif d’égalité entre citoyens, certains ont proposé que certains patients qui ne seraient pas physiquement aptes à un tel geste puissent disposer d’un accès légal à l’euthanasie, sous la même condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme. À l’inverse, d’autres ont estimé que « la loi ne doit pas établir d’exception à l’interdit de donner la mort », en souhaitant que les décisions médicales face à des cas exceptionnels soient laissées à l’appréciation du juge. Le CCNE estimait, enfin, qu’une clause de conscience devait être assurée aux professionnels de santé, la loi devant être évaluée régulièrement.
Un avis de réserve était cosigné par huit membres du CCNE : « Ce constat partagé qu’on meurt mal en France nous engage davantage à nous interroger sur les racines de ce mal et les moyens humains à développer pour y répondre, plutôt qu’à envisager d’abord une évolution législative en faveur d’une aide active à mourir. » De plus, « quel message enverrait une évolution législative à la société ? », se demandaient les signataires. « De ce fait, quel message enverrait une telle évolution législative aux personnes gravement malades, handicapées ou âgées ? Cette évolution ne risque-t-elle pas d’être perçue comme le signe que certaines vies ne méritent pas d’être vécues ? […] En outre, comment concilier une évolution législative de l’aide active à mourir avec la nécessaire prévention au suicide et les politiques d’accompagnement de la vieillesse ? (…) Enfin, quel message enverrait aujourd’hui une évolution législative au personnel soignant ? ».
Au nom d’un impératif d’égalité entre citoyens, certains ont proposé que certains patients qui ne seraient pas physiquement aptes à un tel geste puissent disposer d’un accès légal à l’euthanasie, sous la même condition d’un pronostic vital engagé à un horizon de moyen terme. À l’inverse, d’autres ont estimé que « la loi ne doit pas établir d’exception à l’interdit de donner la mort », en souhaitant que les décisions médicales face à des cas exceptionnels soient laissées à l’appréciation du juge. Le CCNE estimait, enfin, qu’une clause de conscience devait être assurée aux professionnels de santé, la loi devant être évaluée régulièrement.
Un avis de réserve était cosigné par huit membres du CCNE : « Ce constat partagé qu’on meurt mal en France nous engage davantage à nous interroger sur les racines de ce mal et les moyens humains à développer pour y répondre, plutôt qu’à envisager d’abord une évolution législative en faveur d’une aide active à mourir. » De plus, « quel message enverrait une évolution législative à la société ? », se demandaient les signataires. « De ce fait, quel message enverrait une telle évolution législative aux personnes gravement malades, handicapées ou âgées ? Cette évolution ne risque-t-elle pas d’être perçue comme le signe que certaines vies ne méritent pas d’être vécues ? […] En outre, comment concilier une évolution législative de l’aide active à mourir avec la nécessaire prévention au suicide et les politiques d’accompagnement de la vieillesse ? (…) Enfin, quel message enverrait aujourd’hui une évolution législative au personnel soignant ? ».
Propositions de la Convention citoyenne sur la fin de vie
Le 3 avril 2023, la Convention citoyenne sur la fin de vie rendait son rapport définitif, après neuf sessions organisées par le Conseil économique, social et environnemental.2 Les participants à la Convention citoyenne estimaient que « le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie n’est pas adapté aux différentes situations rencontrées », en raison, d’abord, de l’inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie. Face à ce constat, les citoyens formulaient plusieurs propositions, parmi lesquelles le renforcement de l’accès aux soins palliatifs pour tous et partout, le développement de l’accompagnement à domicile, le soutien à la formation des professionnels de santé sur les prises en charge palliatives.
Au-delà de ces réponses consensuelles, 75,6 % des citoyens se sont positionnés en faveur de la mort administrée, avec des approches variées. Ainsi, 39,9 % des membres souhaitaient une liberté de choix entre le suicide et l’assisté, lorsque 28,2 % des participants à la Convention considéraient que le suicide assisté doit prévaloir et l’euthanasie demeurer une exception. Les 23,2 % des citoyens qui se sont prononcés contre une ouverture de l’aide active à mourir ont mis en avant les risques de dérive que celle-ci pourrait faire peser sur les personnes vulnérables ainsi que les risques de déstabilisation de notre système de santé, face aux réticences fortes d’une partie des professionnels de santé.
Au-delà de ces réponses consensuelles, 75,6 % des citoyens se sont positionnés en faveur de la mort administrée, avec des approches variées. Ainsi, 39,9 % des membres souhaitaient une liberté de choix entre le suicide et l’assisté, lorsque 28,2 % des participants à la Convention considéraient que le suicide assisté doit prévaloir et l’euthanasie demeurer une exception. Les 23,2 % des citoyens qui se sont prononcés contre une ouverture de l’aide active à mourir ont mis en avant les risques de dérive que celle-ci pourrait faire peser sur les personnes vulnérables ainsi que les risques de déstabilisation de notre système de santé, face aux réticences fortes d’une partie des professionnels de santé.
Opposition des soignants en soins palliatifs
Dans ce contexte, les soignants ont eu à cœur de faire part de leur expérience au chevet des patients. Selon une enquête OpinionWay pour la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) publiée en septembre 2022,3 seuls 2 % des soignants en soins palliatifs sont favorables à l’ouverture d’un droit à l’euthanasie. En cas de légalisation, 69 % d’entre eux déclarent qu’ils quitteront leur poste ou qu’ils utiliseront leur clause de conscience. Le 16 février 2023, treize organisations professionnelles pluridisciplinaires* représentant 800 000 soignants ont publié un avis éthique et pratique sur les conséquences d’une potentielle légalisation de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté.
D’après les cosignataires, le corpus déontologique et législatif définissant et encadrant la pratique soignante est incompatible avec la mise en œuvre de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté. En conséquence, ces actes ne peuvent en aucune manière être considérés comme des soins, sauf à en subvertir fondamentalement la définition. La mort provoquée impose aux soignants une action contraire à leur mission : le médecin ne peut pas être celui qui soigne et celui qui tue. En outre, les soignants estiment que les exemples étrangers montrent que les pratiques d’euthanasie entraînent un recul quantitatif et qualitatif des soins palliatifs. Cette évolution se fait au détriment des patients les plus vulnérables, et en abîmant la liberté et la conscience professionnelle des soignants qui ont à exécuter l’acte létal.
Depuis la publication de cet avis, les soignants réunis au sein de ce collectif informel ont pu se faire entendre par les responsables politiques, notamment dans le cadre de groupes de travail mis en place par le ministère de la santé. Plus récemment, des parlementaires de tous bords ont appelé à distinguer aide active à mourir et développement des soins palliatifs, alors qu’un texte unique semblait envisagé.
D’après les cosignataires, le corpus déontologique et législatif définissant et encadrant la pratique soignante est incompatible avec la mise en œuvre de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté. En conséquence, ces actes ne peuvent en aucune manière être considérés comme des soins, sauf à en subvertir fondamentalement la définition. La mort provoquée impose aux soignants une action contraire à leur mission : le médecin ne peut pas être celui qui soigne et celui qui tue. En outre, les soignants estiment que les exemples étrangers montrent que les pratiques d’euthanasie entraînent un recul quantitatif et qualitatif des soins palliatifs. Cette évolution se fait au détriment des patients les plus vulnérables, et en abîmant la liberté et la conscience professionnelle des soignants qui ont à exécuter l’acte létal.
Depuis la publication de cet avis, les soignants réunis au sein de ce collectif informel ont pu se faire entendre par les responsables politiques, notamment dans le cadre de groupes de travail mis en place par le ministère de la santé. Plus récemment, des parlementaires de tous bords ont appelé à distinguer aide active à mourir et développement des soins palliatifs, alors qu’un texte unique semblait envisagé.
Un calendrier qui se précise
Selon les récentes déclarations du président de la République,4,5 le projet de loi qui sera examiné en avril 2024 prévoit que les patients majeurs, atteints d’une maladie incurable, aux souffrances physiques ou psychologiques « réfractaires ou insupportables » et dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme, pourront demander à bénéficier d’une substance létale. La décision sera prise par un médecin, après concertation d’au moins un autre médecin qui ne connait pas le patient et d’un membre de l’équipe paramédicale. L’un des deux médecins devra être spécialiste de la pathologie dont le patient est porteur.
La décision devra intervenir dans les quinze jours suivant la demande. Une possibilité de recours juridique est ouverte en cas de décision insatisfaisante pour le patient. En cas d’accord, les patients disposeront d'un délai de réflexion de deux jours minimum pour réitérer leur volonté.
Le cas échéant, ils devront ensuite en principe s'administrer eux-mêmes cette substance. Ils pourront désigner une personne volontaire pour les aider dans l’ingestion ou procéder à l’injection, s’ils sont en incapacité de le faire. Un professionnel de santé doit obligatoirement être présent lors de la prise du produit létal.
Ce projet, déposé au Conseil d’état, pourra ensuite être modifié tout au long de la procédure parlementaire.
En réaction, les soignants continuent de faire part de leur expérience quotidienne au chevet de ceux qui vont mourir, en alertant sur les bouleversements qu’une légalisation de la mort administrée ferait porter sur la nature de leur engagement.
La décision devra intervenir dans les quinze jours suivant la demande. Une possibilité de recours juridique est ouverte en cas de décision insatisfaisante pour le patient. En cas d’accord, les patients disposeront d'un délai de réflexion de deux jours minimum pour réitérer leur volonté.
Le cas échéant, ils devront ensuite en principe s'administrer eux-mêmes cette substance. Ils pourront désigner une personne volontaire pour les aider dans l’ingestion ou procéder à l’injection, s’ils sont en incapacité de le faire. Un professionnel de santé doit obligatoirement être présent lors de la prise du produit létal.
Ce projet, déposé au Conseil d’état, pourra ensuite être modifié tout au long de la procédure parlementaire.
En réaction, les soignants continuent de faire part de leur expérience quotidienne au chevet de ceux qui vont mourir, en alertant sur les bouleversements qu’une légalisation de la mort administrée ferait porter sur la nature de leur engagement.
* 2SPP (Société française de soins palliatifs pédiatriques), Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos), Association nationale française des infirmier.e.s en pratique avancée (Anfipa), Association pour la clarification du rôle du médecin dans le contexte des fins de vie (Claromed), Conseil national professionnel de gériatrie (CNPG), Conseil national professionnel infirmier (CNPI), Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR), Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), Société française du cancer (SFC), Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), Unicancer.
Références
1. Comité consultatif national d’éthique. Avis 139. Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité. 2022 https://vu.fr/ssavc
2. Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, 2023. Les propositions de la Convention citoyenne sur la fin de vie. https://vu.fr/sdKEa
3. Enquête OpinionWay pour la SFAP. Enquête soins palliatifs. Septembre 2022. https://vu.fr/wggKB
4. Equy L, Raulin N (Libération) et d’Abbundo A et Laurent C (La Croix). Fin de vie : Emmanuel Macron se prononce en faveur d’une « aide à mourir », dans une interview à « Libération ». Libération. 10 mars 2024. https://vu.fr/XgQDL
5. d’Abbundo A, Laurent C (La Croix) et Equy L, Raulin N (Libération). Emmanuel Macron sur la fin de vie : « Avec ce projet de loi, on regarde la mort en face ». La Croix. 10 mars 2024. https://vu.fr/PjNhF
2. Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, 2023. Les propositions de la Convention citoyenne sur la fin de vie. https://vu.fr/sdKEa
3. Enquête OpinionWay pour la SFAP. Enquête soins palliatifs. Septembre 2022. https://vu.fr/wggKB
4. Equy L, Raulin N (Libération) et d’Abbundo A et Laurent C (La Croix). Fin de vie : Emmanuel Macron se prononce en faveur d’une « aide à mourir », dans une interview à « Libération ». Libération. 10 mars 2024. https://vu.fr/XgQDL
5. d’Abbundo A, Laurent C (La Croix) et Equy L, Raulin N (Libération). Emmanuel Macron sur la fin de vie : « Avec ce projet de loi, on regarde la mort en face ». La Croix. 10 mars 2024. https://vu.fr/PjNhF