Une augmentation du nombre de cas importés de diphtérie est observée en France et en Europe. Devant une angine blanche chez un sujet originaire d’un pays étranger ou d’un département d’outre-mer, il est important de savoir évoquer cette pathologie et avoir le réflexe de prélever, isoler, traiter et déclarer.
Alors que la France rapportait depuis les dernières décennies quelques cas sporadiques annuels, le Centre national de référence a répertorié, depuis début 2022, 29 cas de diphtérie (7 cas d’infection à C. ulcerans et 22 cas d’infection à C. diphtheriae). Cette augmentation concerne à la fois Mayotte, La Réunion et la métropole, où 6 cas importés de diphtérie cutanée ont été déclarés depuis le 30 juin 2022, et pourrait être la conséquence d’une baisse de la couverture vaccinale contre la diphtérie dans certains pays. Quand y penser ?
Les bactéries en cause
Corynaebacterium diphtheriae est un bacille à Gram positif, dont l’homme est le seul hôte. La transmission interhumaine s’effectue surtout par les sécrétions rhinopharyngées. Certaines souches de cette bactérie sécrètent une toxine qui diffuse dans tout l’organisme et agit sur le cœur et le système nerveux périphérique.
D’autres corynébactéries peuvent provoquer une diphtérie, comme C. ulcerans chez les sujets âgés ou immunodéprimés, transmis par le lait cru ou le contact avec les bovins. Une autre espèce, C. pseudotuberculosis, transmise par contact avec des chèvres, provoque une lymphadénite isolée.
Des tableaux cliniques variés
Après une incubation de 2 à 5 jours, l’angine diphtérique blanche se manifeste par la formation de fausses membranes, de façon bilatérale et asymétrique. Cliniquement, ces dernières prennent un aspect blanc nacré, lisse, adhérant aux muqueuses (v. figure) et s’accompagnent d’adénopathies cervicales et d’une fièvre modérée. Dans le cas le plus grave, la voix est éteinte, un œdème cervical important se forme, provoquant une asphyxie rapidement mortelle (croup). Deux diagnostics différentiels peuvent être envisagés : l’angine blanche (d’origine virale ou bactérienne) et la mononucléose infectieuse – dont l’une des manifestations typiques est l’angine érythémato-pultacée, rarement à fausses membranes.
La forme généralisée est causée par la toxine, qui diffuse par voie sanguine. Elle peut être à l’origine de myocardite, paralysie du voile du palais ou des membres inférieurs, insuffisance rénale, respiratoire et cardiaque d’évolution mortelle.
Traiter rapidement
Des prélèvements pharyngés sont effectués sans délai pour identifier la bactérie. L’antibiothérapie (amoxicilline ou macrolides) est initiée immédiatement après le prélèvement, avant même la confirmation diagnostique. La sérothérapie antitoxique, instituée en urgence, permet de neutraliser la toxine circulante mais est inefficace en cas de fixation aux cellules cibles. En cas de croup, une trachéotomie est pratiquée en urgence (cette forme est heureusement devenue rarissime).
Prévenir
La prévention repose sur la vaccination (toxine diphtérique purifiée et inactivée) obligatoire dès la petite enfance (vaccin combiné hexavalent). Des injections de rappel sont administrées tous les vingt ans chez l’adulte. C’est une maladie à déclaration obligatoire. Toute survenue d’un cas amène à une surveillance clinique et microbiologique des sujets contacts, avec prescription d’une antibiothérapie prophylactique, contrôle de l’état vaccinal et rappel si nécessaire.
Il est essentiel d’insister sur l’importance de la vaccination dans tous les pays.
Infovac. Bulletin n°9 Septembre 2022. 16 septembre 2022.
Bourrée P, Slama D, Bisaro F, et al. Diphtérie : une affection encore mortelle. Rev Prat Med Gen 2022;36(1068);278-80.