Les « dispenses de sport », encore trop souvent rédigées pour les élèves d’âge scolaire, font pourtant totalement abstraction de la législation sur le contrôle médical des inaptitudes et posent des problèmes importants en matière de santé publique. Nombreuses sont en effet les études qui montrent l’effet délétère de l’inactivité chez les jeunes. Médecins et enseignants ont le devoir de se mobiliser pour promouvoir l’activité physique chez les jeunes.
Alors que les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) sont des acteurs engagés en faveur de l’inclusion des élèves, perdure, dans leurs classes, une sorte de tradition séculaire consistant à « dispenser » celles et ceux qui se déclarent incapables de pratiquer. Cette coutume mortifère, instituée dans un très grand nombre de collèges et lycées fait totalement abstraction de la législation sur le contrôle médical des inaptitudes et pose des problèmes importants en matière de santé publique. Médecins et enseignants sont mis au pied du mur. Ils ont le devoir d’agir ensemble – et vite – pour endiguer un phénomène qui promeut le développement de conduites sédentaires et menace directement l’espérance de vie des jeunes générations.
Dispense d’EPS, une pratique censée avoir disparu depuis 1988
Dans la majorité des établissements scolaires français, toutes les semaines, des élèves sont dispensés de cours d’EPS. Dans le meilleur des cas, leur activité est pleinement intégrée au scénario de la leçon. À d’autres moments, ces élèves assument des rôles purement occupationnels et vides de sens (trier les chasubles, classer les plots par couleurs, etc.). Dans le pire des cas, ils sont envoyés en salle de permanence ou rentrent chez eux. Ils sont à leur insu les symboles d’une EPS contemplative qui sédentarise des élèves jugés malades, anxieux, blessés, frustrés ou démotivés.
Rappelons tout de même que l’article 1 du décret 88-977 du 11 octobre 1988 met juridiquement un terme aux dispenses d’EPS en fixant les règles suivantes : « Les élèves des établissements d’enseignement du premier et du second degré (…) qui invoquent une inaptitude physique doivent en justifier par un certificat médical indiquant le caractère total ou partiel de l’inaptitude. En cas d’inaptitude partielle, ce certificat peut comporter, dans le respect du secret médical, des indications utiles pour adapter la pratique de l’éducation physique et sportive aux possibilités individuelles des élèves ».
Le certificat médical libellé par le médecin n’a pas vocation à proscrire l’activité physique. Au contraire, il est censé fournir à l’enseignant d’EPS un ensemble d’informations utiles pour l’aider à adapter ses propositions pédagogiques. Il ne s’agit pas de « dispenser les élèves » mais de délimiter les contours d’un cadre, protecteur et ajusté, au sein duquel les enseignants d’EPS pourront accompagner les jeunes. Les restrictions médicales – il est important de le réaffirmer – ne sont pas synonymes d’abandon ou de décrochage de la pratique physique. Elles n’excluent pas, même lorsque les pathologies sont lourdes, la préconisation de certains exercices nécessaires à l’entretien de la santé.
Rappelons tout de même que l’article 1 du décret 88-977 du 11 octobre 1988 met juridiquement un terme aux dispenses d’EPS en fixant les règles suivantes : « Les élèves des établissements d’enseignement du premier et du second degré (…) qui invoquent une inaptitude physique doivent en justifier par un certificat médical indiquant le caractère total ou partiel de l’inaptitude. En cas d’inaptitude partielle, ce certificat peut comporter, dans le respect du secret médical, des indications utiles pour adapter la pratique de l’éducation physique et sportive aux possibilités individuelles des élèves ».
Le certificat médical libellé par le médecin n’a pas vocation à proscrire l’activité physique. Au contraire, il est censé fournir à l’enseignant d’EPS un ensemble d’informations utiles pour l’aider à adapter ses propositions pédagogiques. Il ne s’agit pas de « dispenser les élèves » mais de délimiter les contours d’un cadre, protecteur et ajusté, au sein duquel les enseignants d’EPS pourront accompagner les jeunes. Les restrictions médicales – il est important de le réaffirmer – ne sont pas synonymes d’abandon ou de décrochage de la pratique physique. Elles n’excluent pas, même lorsque les pathologies sont lourdes, la préconisation de certains exercices nécessaires à l’entretien de la santé.
L’inactivité physique est une pandémie qui attente à la santé des plus jeunes
Bien que l’EPS ne se réduise pas à la mise en mouvement des élèves (loin de là !), cette discipline scolaire, obligatoire de la maternelle à la classe de terminale, demeure un espace privilégié de pratique d’activité physique.
L’activité physique (AP), telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), décrit tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques et requérant une dépense d’énergie. Elle désigne donc tous les mouvements qu’un individu effectue dans le cadre des loisirs, sur son lieu de travail ou pour se déplacer d’un endroit à un autre. Les préconisations de l’OMS – maintenant bien connues du grand public – indiquent, par tranche d’âge et groupe de population précis, le volume d’activité physique nécessaire à une bonne santé. Ainsi, les enfants et les adolescents de 5 à 17 ans devraient consacrer en moyenne soixante minutes par jour à une activité physique d’intensité modérée à soutenue, principalement d’endurance, tout au long de la semaine. Des activités d’endurance plus intenses, ainsi que celles qui renforcent le système musculaire et l’état osseux, devraient être pratiquées au moins trois fois par semaine. Les périodes de sédentarité devraient être limitées, en particulier le temps de loisir passé devant les écrans.
Pourtant, à l’échelle mondiale, le constat est implacable : depuis plusieurs décennies, on assiste à un effondrement du niveau d’activité physique de la population. Très concrètement, 77 % des garçons et 85 % des filles n’atteignent pas les recommandations de santé publique.1 La France se classe ainsi au 22e rang des 25 pays les plus riches, lorsque l’on observe la quantité d’activité physique quotidienne des 11-17 ans. En ce qui concerne les plus jeunes (6-11 ans), les évaluations à grande échelle, reposant sur des mesures rigoureuses, sont encore insuffisamment développées. Toutefois, une synthèse récente indique qu’en moyenne 70 % des garçons répondent aux préconisations contre seulement 56 % des filles (fig. 1 ).2
Dans un mouvement inverse, le temps passé sur les écrans gagne du terrain, au point d’accaparer la plus grande partie du temps de loisir. Dès le plus jeune âge, les enfants sont surexposés aux écrans. Chez les adolescents, la situation est peut-être encore plus préoccupante. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a donné l’alerte au décours du confinement de 2020, signalant que la moitié des 11-17 ans présentait un risque sanitaire très élevé. Celui-ci est caractérisé par des seuils particulièrement inquiétants : plus de quatre heures trente de temps d’écran journalier et/ou moins de vingt minutes d’activité physique par jour.3
L’activité physique est pourtant un facteur majeur de santé physique et psychique bien identifié depuis l’Antiquité. On sait désormais qu’elle est gage de longévité, à travers le degré de capacité physique qu’elle permet d’atteindre. La capacité physique correspond au niveau d’exercice maximal que l’on peut maintenir pendant cinq minutes. Elle équivaut à la consommation maximale d’oxygène d’un individu (VO2 max) et peut être évaluée par différents tests de complexité variable. Les exercices d’endurance, réalisés sous forme continue ou fractionnée, sont très efficaces pour l’améliorer. Il existe une corrélation entre la capacité physique d’un individu et son espérance de vie : la mortalité, toutes causes confondues, diminue avec le gain d’endurance cardiorespiratoire d’un sujet (fig. 2 ).4 En d’autres termes, plus les élèves sont dispensés d’EPS et plus ils sont nombreux à présenter des pathologies susceptibles d’accroître le risque de mortalité.
Au fil des décennies, la capacité physique des jeunes s’amenuise régulièrement et – fait préoccupant – ce constat est planétaire. Depuis les années 1970, tous les dix ans, les enfants perdent en moyenne 5 % de leurs capacités cardiorespiratoires. Les résultats sont valables pour les filles comme pour les garçons, quels que soient l’âge et le pays, comme l’a montré Tomkinson en analysant 50 études menées entre 1964 et 2010, évaluant l’endurance de plus de 25 millions d’enfants âgés de 9 à 17 ans et vivant dans 28 pays différents.5 Ce déclin de l’endurance peut être expliqué, pour une bonne part (de 30 à 60 %), par l’augmentation de la masse graisseuse des jeunes. Bien évidemment, le manque d’activité physique accélère ce processus et réduit les possibilités cardiorespiratoires des sujets (fig. 3 ).
L’activité physique (AP), telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), décrit tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques et requérant une dépense d’énergie. Elle désigne donc tous les mouvements qu’un individu effectue dans le cadre des loisirs, sur son lieu de travail ou pour se déplacer d’un endroit à un autre. Les préconisations de l’OMS – maintenant bien connues du grand public – indiquent, par tranche d’âge et groupe de population précis, le volume d’activité physique nécessaire à une bonne santé. Ainsi, les enfants et les adolescents de 5 à 17 ans devraient consacrer en moyenne soixante minutes par jour à une activité physique d’intensité modérée à soutenue, principalement d’endurance, tout au long de la semaine. Des activités d’endurance plus intenses, ainsi que celles qui renforcent le système musculaire et l’état osseux, devraient être pratiquées au moins trois fois par semaine. Les périodes de sédentarité devraient être limitées, en particulier le temps de loisir passé devant les écrans.
Pourtant, à l’échelle mondiale, le constat est implacable : depuis plusieurs décennies, on assiste à un effondrement du niveau d’activité physique de la population. Très concrètement, 77 % des garçons et 85 % des filles n’atteignent pas les recommandations de santé publique.1 La France se classe ainsi au 22e rang des 25 pays les plus riches, lorsque l’on observe la quantité d’activité physique quotidienne des 11-17 ans. En ce qui concerne les plus jeunes (6-11 ans), les évaluations à grande échelle, reposant sur des mesures rigoureuses, sont encore insuffisamment développées. Toutefois, une synthèse récente indique qu’en moyenne 70 % des garçons répondent aux préconisations contre seulement 56 % des filles (
Dans un mouvement inverse, le temps passé sur les écrans gagne du terrain, au point d’accaparer la plus grande partie du temps de loisir. Dès le plus jeune âge, les enfants sont surexposés aux écrans. Chez les adolescents, la situation est peut-être encore plus préoccupante. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a donné l’alerte au décours du confinement de 2020, signalant que la moitié des 11-17 ans présentait un risque sanitaire très élevé. Celui-ci est caractérisé par des seuils particulièrement inquiétants : plus de quatre heures trente de temps d’écran journalier et/ou moins de vingt minutes d’activité physique par jour.3
L’activité physique est pourtant un facteur majeur de santé physique et psychique bien identifié depuis l’Antiquité. On sait désormais qu’elle est gage de longévité, à travers le degré de capacité physique qu’elle permet d’atteindre. La capacité physique correspond au niveau d’exercice maximal que l’on peut maintenir pendant cinq minutes. Elle équivaut à la consommation maximale d’oxygène d’un individu (VO2 max) et peut être évaluée par différents tests de complexité variable. Les exercices d’endurance, réalisés sous forme continue ou fractionnée, sont très efficaces pour l’améliorer. Il existe une corrélation entre la capacité physique d’un individu et son espérance de vie : la mortalité, toutes causes confondues, diminue avec le gain d’endurance cardiorespiratoire d’un sujet (
Au fil des décennies, la capacité physique des jeunes s’amenuise régulièrement et – fait préoccupant – ce constat est planétaire. Depuis les années 1970, tous les dix ans, les enfants perdent en moyenne 5 % de leurs capacités cardiorespiratoires. Les résultats sont valables pour les filles comme pour les garçons, quels que soient l’âge et le pays, comme l’a montré Tomkinson en analysant 50 études menées entre 1964 et 2010, évaluant l’endurance de plus de 25 millions d’enfants âgés de 9 à 17 ans et vivant dans 28 pays différents.5 Ce déclin de l’endurance peut être expliqué, pour une bonne part (de 30 à 60 %), par l’augmentation de la masse graisseuse des jeunes. Bien évidemment, le manque d’activité physique accélère ce processus et réduit les possibilités cardiorespiratoires des sujets (
Face à cette urgence sanitaire, médecins et enseignants ont le devoir de se mobiliser
Dès lors, si rien n’est fait pour inverser la tendance, il est raisonnable de penser que les jeunes générations auront une espérance de vie inférieure à la nôtre. En cause, le développement des maladies chroniques dites « non transmissibles », devenues première cause de mortalité dans le monde et cibles de plans successifs portés par l’OMS en vue de leur contrôle. Les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, les cancers et les maladies respiratoires sont les fléaux modernes. Leur apparition est consécutive, pour 25 % des cas en moyenne, au manque d’activité physique et à la sédentarité, et elle tend à se produire de plus en plus tôt dans la vie. Même si le niveau d’activité physique des jeunes se maintenait au niveau actuel, il faudrait s’attendre à l’émergence de 6 millions de nouveaux cas de maladies chroniques en France d’ici à 2030.6 Imaginons alors la situation si la condition physique des enfants et des adolescents continue à se dégrader, comme cela semble se confirmer régulièrement…
L’EPS apparaît donc comme une discipline vitale ! Elle a pour mission d’inculquer aux enfants le goût du mouvement et de la dépense physique. En permettant aux élèves de vivre des expériences diversifiées, elle fixe les conditions d’un apprentissage de l’effort censé guider le pratiquant tout au long de son existence. Les compétences que les élèves développent en EPS font partie d’une littératie physique aussi fondamentale que l’écriture, la lecture ou le calcul. Par ailleurs, un enfant qui n’a pas appris très tôt à mener une vie physiquement active deviendra, avec une forte probabilité, un adulte inactif et sédentaire.
D’autant que les bénéfices ne se situent pas uniquement sur le plan cardiorespiratoire. Le développement du squelette se fait pendant la croissance et jusqu’à la fin de la puberté, le capital osseux d’un individu culminant autour de vingt ans. La densité minérale osseuse atteint son maximum à ce stade, et sa qualité est totalement dépendante des contraintes mécaniques auxquelles a été soumis le squelette ; d’où l’importance majeure d’une pratique sportive variée, comportant des sauts, des impacts et des sollicitations osseuses vigoureuses. Sans quoi, avec le déclin inéluctable de la densité osseuse au cours des années, les nouveaux adultes seront exposés très tôt au risque de fractures et d’ostéoporose.
En outre, les bienfaits de l’activité physique régulière se mesurent non seulement au niveau physique mais également sur le plan psychique et mental. Nous faisons actuellement face à une « épidémie » surajoutée : celle des crises d’angoisse et des dépressions qui sévit chez les jeunes, et parfois même chez les très jeunes,7 soumettant ces derniers à une prise en charge médicamenteuse. La prescription d’anxiolytiques et/ou d’antidépresseurs chez les enfants n’est plus un fait rare, elle a bondi en quelques années, comme le souligne le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, dans son rapport de mars 2023.8 Pourtant, une récente méta-analyse a confirmé l’efficacité indiscutable de l’activité physique sur ce point : elle fait mieux que les antidépresseurs sur les dépressions légères à modérées et peut s’associer au traitement médicamenteux dans les cas plus sévères.9
Enfin, et cette action n’est pas des moindres, l’activité physique améliore les performances scolaires ! Une littérature abondante documente le lien existant entre la santé cardiorespiratoire d’un élève et sa réussite à des tests académiques.10 La forme physique influence le fonctionnement du cerveau, de la mémoire et de l’attention, en améliorant les fonctions exécutives (capacité de passer rapidement d’une tâche à l’autre), avec un impact mesurable sur les résultats en mathématiques et en français (grammaire, orthographe, vocabulaire).11 Des mécanismes d’amélioration de l’oxygénation cérébrale et d’augmentation des connexions neuronales sous l’action de molécules sécrétées lors d’un effort physique, telles que le BDNF (brain-derived neurotrophic factor), sont évoqués. Le volume de l’hippocampe (structure profonde du cerveau jouant un rôle important dans la mémoire et les apprentissages) est d’autant plus important qu’un enfant a une bonne capacité cardiorespiratoire et est corrélé à une meilleure mémoire relationnelle.12
Pour toutes ces raisons, l’EPS devrait être considérée comme une discipline « indispensable » et non négociable. Au-delà, il est même raisonnable de penser qu’augmenter son volume hebdomadaire aurait un effet positif sur les résultats scolaires de l’ensemble des élèves. Malheureusement, le niveau d’activité physique recommandé est atteint uniquement par des élèves pratiquant une activité sportive extrascolaire (instituée ou non) et bénéficiant le plus souvent d’un accompagnement parental soutenu. Les heures d’EPS sont, pour de nombreux jeunes, les seules heures d’activité physique hebdomadaire significatives. Elles sont réduites – faut-il le rappeler – au triste nombre de deux heures au lycée, soit environ quarante-cinq à soixante minutes de pratique physique effective par semaine ! À cela s’ajoute la diffusion régulière des certificats d’inaptitude à l’EPS, dénommée abusivement « dispenses ». Leur nombre prolifère actuellement, au point d’inquiéter le Conseil des sages de la laïcité, qui a constitué un groupe de travail spécifique avec des représentants de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).13
L’EPS apparaît donc comme une discipline vitale ! Elle a pour mission d’inculquer aux enfants le goût du mouvement et de la dépense physique. En permettant aux élèves de vivre des expériences diversifiées, elle fixe les conditions d’un apprentissage de l’effort censé guider le pratiquant tout au long de son existence. Les compétences que les élèves développent en EPS font partie d’une littératie physique aussi fondamentale que l’écriture, la lecture ou le calcul. Par ailleurs, un enfant qui n’a pas appris très tôt à mener une vie physiquement active deviendra, avec une forte probabilité, un adulte inactif et sédentaire.
D’autant que les bénéfices ne se situent pas uniquement sur le plan cardiorespiratoire. Le développement du squelette se fait pendant la croissance et jusqu’à la fin de la puberté, le capital osseux d’un individu culminant autour de vingt ans. La densité minérale osseuse atteint son maximum à ce stade, et sa qualité est totalement dépendante des contraintes mécaniques auxquelles a été soumis le squelette ; d’où l’importance majeure d’une pratique sportive variée, comportant des sauts, des impacts et des sollicitations osseuses vigoureuses. Sans quoi, avec le déclin inéluctable de la densité osseuse au cours des années, les nouveaux adultes seront exposés très tôt au risque de fractures et d’ostéoporose.
En outre, les bienfaits de l’activité physique régulière se mesurent non seulement au niveau physique mais également sur le plan psychique et mental. Nous faisons actuellement face à une « épidémie » surajoutée : celle des crises d’angoisse et des dépressions qui sévit chez les jeunes, et parfois même chez les très jeunes,7 soumettant ces derniers à une prise en charge médicamenteuse. La prescription d’anxiolytiques et/ou d’antidépresseurs chez les enfants n’est plus un fait rare, elle a bondi en quelques années, comme le souligne le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, dans son rapport de mars 2023.8 Pourtant, une récente méta-analyse a confirmé l’efficacité indiscutable de l’activité physique sur ce point : elle fait mieux que les antidépresseurs sur les dépressions légères à modérées et peut s’associer au traitement médicamenteux dans les cas plus sévères.9
Enfin, et cette action n’est pas des moindres, l’activité physique améliore les performances scolaires ! Une littérature abondante documente le lien existant entre la santé cardiorespiratoire d’un élève et sa réussite à des tests académiques.10 La forme physique influence le fonctionnement du cerveau, de la mémoire et de l’attention, en améliorant les fonctions exécutives (capacité de passer rapidement d’une tâche à l’autre), avec un impact mesurable sur les résultats en mathématiques et en français (grammaire, orthographe, vocabulaire).11 Des mécanismes d’amélioration de l’oxygénation cérébrale et d’augmentation des connexions neuronales sous l’action de molécules sécrétées lors d’un effort physique, telles que le BDNF (brain-derived neurotrophic factor), sont évoqués. Le volume de l’hippocampe (structure profonde du cerveau jouant un rôle important dans la mémoire et les apprentissages) est d’autant plus important qu’un enfant a une bonne capacité cardiorespiratoire et est corrélé à une meilleure mémoire relationnelle.12
Pour toutes ces raisons, l’EPS devrait être considérée comme une discipline « indispensable » et non négociable. Au-delà, il est même raisonnable de penser qu’augmenter son volume hebdomadaire aurait un effet positif sur les résultats scolaires de l’ensemble des élèves. Malheureusement, le niveau d’activité physique recommandé est atteint uniquement par des élèves pratiquant une activité sportive extrascolaire (instituée ou non) et bénéficiant le plus souvent d’un accompagnement parental soutenu. Les heures d’EPS sont, pour de nombreux jeunes, les seules heures d’activité physique hebdomadaire significatives. Elles sont réduites – faut-il le rappeler – au triste nombre de deux heures au lycée, soit environ quarante-cinq à soixante minutes de pratique physique effective par semaine ! À cela s’ajoute la diffusion régulière des certificats d’inaptitude à l’EPS, dénommée abusivement « dispenses ». Leur nombre prolifère actuellement, au point d’inquiéter le Conseil des sages de la laïcité, qui a constitué un groupe de travail spécifique avec des représentants de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR).13
Des procédures archaïques ou complaisantes mettent en danger la santé des élèves
Le certificat médical établi par le médecin de famille doit permettre un dialogue entre l’enseignant et le médecin dans l’intérêt premier de l’élève. Or, dans la réalité, les usages sont variés. Certains documents remis en tant que « certificats médicaux » par les élèves favorisent la « dispense ». Par exemple, il existe encore des modèles préremplis sur lesquels apparaît la case « dispense d’EPS ». De même, de nombreux certificats mentionnant des prescriptions telles que « dispense de natation », « dispense de course » ou « dispense de boxe » sont utilisés fréquemment par les médecins pour régler d’un seul coup de plume le sort des élèves dans ces activités. Enfin, certains parents n’hésitent pas à rédiger eux-mêmes des mots dans les carnets de liaison des enfants. Souvent de bonne volonté, ils ne mesurent pas suffisamment la portée symbolique de leur geste. En se rendant complices des élèves, ils font totalement abstraction de la législation sur le contrôle des inaptitudes et envoient un message aux conséquences dévastatrices : « Si tu ne te sens pas très bien aujourd’hui, tu n’es pas obligé(e) de pratiquer en EPS. » Dans une société où le goût pour l’effort physique s’étiole dangereusement, de tels messages ne font que renforcer des attitudes sédentaires déjà bien ancrées chez les enfants et les adolescents.
Leviers pour lutter contre les dispenses d’EPS et agir sur la santé des jeunes
Pour toutes ces raisons, il nous faut continuer à œuvrer ensemble pour la promotion de l’activité physique.
Dans les universités tout d’abord, en consolidant la formation des futurs enseignants d’EPS. En effet, alors que la filière STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) comporte de nombreuses spécialités, parmi lesquelles « Éducation et motricité » et « Activité physique adaptée et santé », trop rares sont les UFR (unités de formation et de recherche) qui proposent l’enrichissement réciproque de ces deux parcours dans le but de former des enseignants d’EPS ayant une connaissance plus fine des pathologies et des processus de gestion des inaptitudes fonctionnelles ou psycho-sociales. Des personnels mieux formés pourraient accueillir plus facilement, au sein de leur classe, des élèves présentant des problèmes de santé.
Sur le terrain ensuite, en multipliant les initiatives visant à réglementer le contrôle médical des inaptitudes en EPS. À ce titre, un travail d’envergure a été engagé sur plusieurs académies, permettant la coordination des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) EPS, des médecins et de l’agence régionale de santé (ARS). Développées dans le cadre d’un plan régional « Sport, Santé, Bien-être », ces collaborations ont abouti à la création d’un certificat médical* approuvé par les médecins du CHU de Rennes. Ce document commence à être diffusé aux enseignants et aux personnels de santé scolaire, tandis que le concours de l’ARS et de l’assurance maladie assure un rayonnement en direction des médecins du secteur civil et hospitalier. L’originalité du certificat tient aux illustrations concises et synthétiques soulignant le bénéfice de l’activité physique pour diverses pathologies.
Le certificat médical n’est pas un horizon indépassable, mais il peut constituer, pour les équipes éducatives qui le souhaitent, une ressource susceptible d’être annexée au règlement intérieur de chaque collège ou lycée. Il ne s’agit aucunement de substituer le professeur d’EPS au thérapeute, bien au contraire. Il s’agit de rétablir l’ordinaire, à savoir que l’activité physique est possible pour tous, qu’elle conditionne l’éducation des jeunes générations d’élèves et qu’elle constitue un déterminant essentiel de santé.
Dans les universités tout d’abord, en consolidant la formation des futurs enseignants d’EPS. En effet, alors que la filière STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) comporte de nombreuses spécialités, parmi lesquelles « Éducation et motricité » et « Activité physique adaptée et santé », trop rares sont les UFR (unités de formation et de recherche) qui proposent l’enrichissement réciproque de ces deux parcours dans le but de former des enseignants d’EPS ayant une connaissance plus fine des pathologies et des processus de gestion des inaptitudes fonctionnelles ou psycho-sociales. Des personnels mieux formés pourraient accueillir plus facilement, au sein de leur classe, des élèves présentant des problèmes de santé.
Sur le terrain ensuite, en multipliant les initiatives visant à réglementer le contrôle médical des inaptitudes en EPS. À ce titre, un travail d’envergure a été engagé sur plusieurs académies, permettant la coordination des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) EPS, des médecins et de l’agence régionale de santé (ARS). Développées dans le cadre d’un plan régional « Sport, Santé, Bien-être », ces collaborations ont abouti à la création d’un certificat médical* approuvé par les médecins du CHU de Rennes. Ce document commence à être diffusé aux enseignants et aux personnels de santé scolaire, tandis que le concours de l’ARS et de l’assurance maladie assure un rayonnement en direction des médecins du secteur civil et hospitalier. L’originalité du certificat tient aux illustrations concises et synthétiques soulignant le bénéfice de l’activité physique pour diverses pathologies.
Le certificat médical n’est pas un horizon indépassable, mais il peut constituer, pour les équipes éducatives qui le souhaitent, une ressource susceptible d’être annexée au règlement intérieur de chaque collège ou lycée. Il ne s’agit aucunement de substituer le professeur d’EPS au thérapeute, bien au contraire. Il s’agit de rétablir l’ordinaire, à savoir que l’activité physique est possible pour tous, qu’elle conditionne l’éducation des jeunes générations d’élèves et qu’elle constitue un déterminant essentiel de santé.
* En flashant le QR code ci-joint vous pourrez consulter et télécharger le certificat médical en version Word et PDF : CERTIFICAT MÉDICAL ET ACTIVITÉ PHYSIQUE - Espace pédagogique https://pedagogie.ac-rennes.fr/ https://vu.fr/FSGIV
Références
1. Guthold R, Stevens GA, Riley LM, Bull FC. Global trends in insufficient physical activity among adolescents: A pooled analysis of 298 population-based surveys with 1.6 million participants. The Lancet, Child and Adolescent Health 2020;4(1):23-35.
2. Activité physique et sédentarité de l’enfant et de l’adolescent. Nouvel état des lieux en France. Édition 2022. Site de l’Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (ONAPS). https://vu.fr/drYy
3. Inactivité physique et sédentarité chez les jeunes : l’ANSES alerte les pouvoirs publics. Site de l’ANSES. 23 novembre 2020. https://vu.fr/aJtw
4. Juneau M. Quantité d’exercice et longévité. Site de l’Observatoire de la prévention de l’Institut de cardiologie de Montréal. 12 novembre 2019. https://vu.fr/ApygY
5. Tomkinson GR, Olds TS. Secular changes in pediatric aerobic fitness test performance: The global picture. Medicine and Sport Science 2007;50:46-66.
6. Évaluer les impacts économiques du sport-santé en France 2022 : nouveau rapport inédit. Site de l’Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps). https://vu.fr/QcdOi
7. Trebossen V, Khoury E, Delorme R. Impacts de la pandémie de Covid-19 sur les enfants et adolescents. La Revue du Praticien 2022;2(10);1067-70. https://vu.fr/ukWTF
8. Conseil de l’enfance et de l’adolescence. HCFEA. Rapport « Quand les enfants vont mal : comment les aider ? ». Mars 2023. https://vu.fr/mCND
9. Singh B, Olds T, Curtis R, Dumuid D, Virgara R, Watson A, et al. Effectiveness of physical activity interventions for improving depression, anxiety and distress: An overview of systematic reviews. Br J Sports Med 2023;bjsports 2022;106195.
10. Álvarez-Bueno C, Hillman CH, Cavero-Redondo I, Sánchez-López M, Pozuelo-Carrascosa DP, Martínez-Vizcaíno V. Aerobic fitness and academic achievement: A systematic review and meta-analysis. J Sports Sci 2020;38(5):582-9.
11. Yangüez M, Bediou B, Hillman CH, Bavelier D, Chanal J. The indirect role of executive functions on the relationship between cardiorespiratory fitness and school grades. Medicine & Science in Sports & Exercise 2021;53(8):1656-65.
12. Chaddock L, Erickson KI, Prakash RS, Kim JS, Voss MW, Vanpatter M, et al. A neuroimaging investigation of the association between aerobic fitness, hippocampal volume, and memory performance in preadolescent children. Brain Res 2010;1358:172-83.
13. L’évitement des cours d’éducation physique et sportive et le recours à des certificats médicaux non justifiés. Rapport du Conseil des sages de la laïcité. Mars 2022.
2. Activité physique et sédentarité de l’enfant et de l’adolescent. Nouvel état des lieux en France. Édition 2022. Site de l’Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (ONAPS). https://vu.fr/drYy
3. Inactivité physique et sédentarité chez les jeunes : l’ANSES alerte les pouvoirs publics. Site de l’ANSES. 23 novembre 2020. https://vu.fr/aJtw
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11. Yangüez M, Bediou B, Hillman CH, Bavelier D, Chanal J. The indirect role of executive functions on the relationship between cardiorespiratory fitness and school grades. Medicine & Science in Sports & Exercise 2021;53(8):1656-65.
12. Chaddock L, Erickson KI, Prakash RS, Kim JS, Voss MW, Vanpatter M, et al. A neuroimaging investigation of the association between aerobic fitness, hippocampal volume, and memory performance in preadolescent children. Brain Res 2010;1358:172-83.
13. L’évitement des cours d’éducation physique et sportive et le recours à des certificats médicaux non justifiés. Rapport du Conseil des sages de la laïcité. Mars 2022.
Dans cet article
- Dispense d’EPS, une pratique censée avoir disparu depuis 1988
- L’inactivité physique est une pandémie qui attente à la santé des plus jeunes
- Face à cette urgence sanitaire, médecins et enseignants ont le devoir de se mobiliser
- Des procédures archaïques ou complaisantes mettent en danger la santé des élèves
- Leviers pour lutter contre les dispenses d’EPS et agir sur la santé des jeunes