Compte tenu des derniers résultats d’études épidémiologiques majeures, comme LEAP et EAT, les experts de la Société française d’allergologie (SFA) ont revu les recommandations sur l’introduction des aliments, notamment des allergènes alimentaires à haut risque, comme l’arachide et les fruits à coque chez les nourrissons, afin de « contenir l’augmentation préoccupante des allergies alimentaires ».
Prévention primaire de l’APLV (chez tous les nourrissons)
Les laits à hydrolyse partielle, dit laits hypoallergéniques (HA), ne sont plus recommandés par les différentes sociétés savantes pédiatriques, car ils n’ont pas d’effets protecteurs, que ce soit pour la prévention de l’allergie aux protéines du lait de vache (APLV), des autres allergies ou des pathologies allergiques.
Si l’allaitement maternel exclusif est souhaité :
– à la maternité, ne pas donner de compléments de lait 1er âge en attendant la montée de lait (ils favorisent l’APLV ultérieure) ; si nécessaire, utiliser un hydrolysat poussé de protéines de lait de vache ou de protéines de riz, ou une formule d’acides aminés ;
– chez un nourrisson à risque atopique, discuter avec la famille de l’introduction précoce des PLV (10 mL par jour à la petite cuillère ou à la seringue tout en préservant l’allaitement maternel). En effet, plusieurs études observationnelles ont suggéré que l’introduction de lait de vache avant 3 mois diminuait nettement le risque d’APLV.
Si l’allaitement mixte est souhaité : introduire le lait 1er âge de façon quotidienne dès les premières semaines en complément de l’allaitement.
Prévention de l’allergie à l’œuf, l’arachide et les fruits à coque
Règles générales
On l’a déjà dit, la diversification alimentaire devrait être débutée dès 4 mois pour tous les aliments : fruits et légumes, œufs, viandes, poissons, lait et produits laitiers, céréales dont le pain, mais aussi arachide et fruits à coque. En particulier, l’introduction de yaourt pendant la première année de vie a été significativement associée à un moindre risque de dermatite atopique et à une diminution du risque d’asthme et d’allergie alimentaire à 6 ans.
De plus, il est très important de faire comprendre à la famille qu’une fois introduit dans l’alimentation, l’allergène doit être consommé régulièrement durant toute l’enfance (durée nécessaire non connue) pour éviter la survenue d’une allergie (la consommation d’un allergène suivie d’une période d’éviction serait encore plus à risque d’entraîner une allergie). C’est la raison pour laquelle les allergènes introduits précocement doivent être des aliments consommés habituellement par la famille. En pratique, l’idée est d’introduire 2 g par semaine de protéines d’œuf et d’arachide et, si possible, les fruits à coque les plus souvent consommés par la famille et l’entourage (cf. ci-dessous).
L’introduction peut être faite à la maison ; en l’absence de dermatite atopique sévère et/ou d’allergie alimentaire, il n’est pas nécessaire de réaliser des prick tests (PT) au préalable. Si le nourrisson a déjà une dermatite atopique sévère et/ou une allergie alimentaire, les experts recommandent de réaliser en consultation des PT aux blanc d’œuf cuit, arachide et fruits à coque. En cas de difficulté d’accès aux PT, un dosage d’IgE spécifiques peut être envisagé pour : blanc d’œuf, ovomucoïde, arachide, noisette, noix de cajou. Si les tests sont négatifs, les parents peuvent démarrer l’introduction à domicile. S’ils sont positifs, orienter vers l’allergologue.
Comment introduire l’œuf ?
Le plus simple, c’est de proposer à l’enfant des boudoirs du commerce (Brossard, par exemple), sauf pour les enfants allergiques au lait de vache (marques sans lait comme Pepti-Junior).
Entre 4 et 5 mois : un boudoir par jour écrasé et mélangé à la compote pendant 1 mois (ce qui correspond à environ 1,5 g de protéines par semaine). À partir de 5 à 6 mois : œuf dur, en augmentant progressivement les quantités.
Comment introduire l’arachide et les fruits à coque ?
Les pâtes (beurre ou purée) sont faciles d’emploi (à mélanger initialement dans une compote). On peut utiliser celles contenant un seul allergène (pâte 100 % beurre de cacahuètes : 1 petite cuillère à café 4 fois par semaine, ce qui correspond à 2 g de protéine d’arachide par semaine) ou, pour faciliter cette introduction précoce, une purée contenant un mélange de plusieurs fruits à coque (par exemple, pâte arachide/noisette/cajou La Vie Claire : 1 cuillère à café rase 5 fois par semaine permet de fournir 2 g de protéines par aliment par semaine).
Attention à la voie cutanée
Si la voie orale, digestive, est tolérogène, le contact précoce de la peau du nourrisson avec l’allergène, avant l’introduction par voie orale, favorise l’allergie. En effet, une association significative entre la consommation domestique d’arachide, d’amande ou de noix et la sensibilisation à ces mêmes allergènes a été démontrée, en corrélation avec la dermatite atopique de l’enfant.
Il est donc très important de conseiller aux parents d’éviter le contact de la peau du nourrisson avec des protéines alimentaires les premiers mois de vie (tant que l’enfant n’en a pas consommé), soit de façon indirecte lorsque les parents en consomment (éviter les apéritifs où ces produits sont consommés, ou au moins se laver les mains avant de toucher l’enfant !), soit par application d’émollients contenant des protéines alimentaires (huile d’amande, de coco, beurre de karité, etc.).
Enfin, en cas de dermatite atopique, pour éviter la sensibilisation par voie cutanée aux trophallergènes, le traitement actif par émollients et dermocorticoïdes est recommandé dans le but de rétablir la barrière cutanée, avec un traitement anti-staphylocoque s’il existe une surinfection.
Sabouraud-Leclerc D, Bradatan E, Moraly T, et al. Primary prevention of food allergy in 2021: Update and proposals of French-speaking pediatric allergists. Arch Pediatr 2022;29(2):81-9.