D'après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), seulement un généraliste sur cinq aurait participé, au cours des deux années précédant l’enquête, à au moins une action de prévention collective auprès de certaines populations cibles (personnes âgées, habitants de territoires fragiles, scolaires, etc.), sans différence significative selon leurs âges, genres ou volumes d’activité professionnelle.1 Cependant, la moitié de ceux qui exercent en maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ont déclaré avoir participé à au moins une de ces actions. La principale motivation des participants était plutôt de répondre à une opération initiée par des acteurs en santé et moins aux incitations des institutions, unions régionales des professionnels de santé (URPS) ou encore municipalités.1
Cela ne signifie pas pour autant que les généralistes ne font pas de prévention ! Par exemple, en vaccinant, en réalisant ou conseillant des tests de dépistage, ils remplissent plus ou moins explicitement, mais de façon opportuniste, des missions de santé publique. Mais est-ce suffisant ?
Par la connaissance qu’ils ont de leurs territoires d’exercice et de la typologie de leurs patientèles, les généralistes sont à l’interface entre le sociétal et le médical, une condition essentielle pour être de véritables acteurs en santé publique. Pour la Wonca Europe, une des caractéristiques de la médecine générale est bien sa responsabilité spécifique en santé communautaire.2 Une responsabilité qui dépasse donc celle que les généralistes ont à titre individuel envers leurs patients, alors qu’elle devrait être aussi collective. Alors pourquoi la DREES constate-t-elle aussi peu d’investissements dans cette mission ?
En premier lieu, la formation initiale est beaucoup plus consacrée aux soins curatifs que préventifs. Par la suite, l’exercice professionnel reste encore trop individuel ; la rémunération majoritairement à l’acte et le temps médical déjà trop juste pour répondre aux demandes de soins au vu de la démographie actuelle en soins de premier recours laissent peu de temps à la prévention ; sans oublier le clivage entre curatif et préventif de notre système de santé. Alors quelles seraient les pistes d’amélioration à prioriser ?
Mutualiser certains enseignements entre les départements de santé publique et de médecine générale lors du 3e cycle de médecine générale ; poursuivre la restructuration de l’offre de soins surtout vers le pluriprofessionnel comme les MSP ou encore en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) avec la participation croissante de paramédicaux comme des infirmières Asalee ; diversifier les honoraires, comme ceux des consultations complexes ou des rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP) ; proposer des indicateurs de santé publique dans les logiciels métier ; permettre la consultation de données d’autres bases en santé… Cela permettrait de mieux répondre aux campagnes nationales de prévention comme Mois sans tabac ou encore Octobre rose, mais surtout de réaliser des actions coordonnées au niveau de chaque bassin d’exercice en les adaptant aux priorités réelles ou ressenties par la population concernée – un souhait exprimé par les médecins enquêtés par la DREES. Enfin, il serait nécessaire que la médecine générale ne soit plus considérée culturellement comme réservée aux soins curatifs, mais reconnue comme un véritable acteur de la prévention.
Toutefois, restons modestes, la santé des populations ne dépend pas exclusivement de la médecine. Le niveau socio-économique, l’environnement, l’alimentation, les conditions de travail, les modes de vie sont aussi essentiels… ce qui ne doit pas pour autant nous décourager : le médecin généraliste doit être un acteur essentiel de la santé publique, et reconnu comme tel !
Références
1. Metten MA, Buyck JF, David S (ORS Pays de la Loire), et al. Opinions et pratiques des médecins généralistes en matière de prévention. DREES. Études et résultats, juillet 2021, n° 1197. https://bit.ly/3ogbfqT
2. Wonca Europe. La définition européenne de la médecine générale – Médecine de famille. 2002. https://bit.ly/3l2Kvbd