L’utilisation généralisée de l’antigène spécifique de la prostate (Prostate-Specific Antigen [PSA]) à partir des années 1990 comme marqueur sérique a révolutionné le diagnostic du cancer de la prostate. 

Le taux de PSA total n’est pas spécifique : il peut être augmenté (supérieur à 4 ng/mL, étant le seuil le plus largement accepté pour définir une valeur anormale) dans l’hypertrophie bénigne de la prostate, l’infection urinaire masculine ou dans d’autres situations non malignes.

Pour autant, le risque de cancer de la prostate augmente avec la valeur du PSA total.

Dépistage ou détection précoce ?

Le dosage systématique du PSA a été associé à une augmentation exponentielle de l’incidence du cancer de la prostate, avec, en 2005, un pic de 63 243 nouveaux cas diagnostiqués en France métropolitaine. Cette augmentation du nombre de cas a conduit à diagnostiquer et traiter des cancers indolents de bas grade qui, s’ils n’avaient pas été diagnostiqués, n’auraient compromis ni la survie ni la qualité de vie des patients. En découlent de nombreuses controverses autour du dépistage du cancer de la prostate.

Ainsi, en 2012, aux États-Unis, le groupe de travail sur les services de prévention (US Preventive Services Task Force) a recommandé de ne plus informer les patients de la possibilité du dosage du PSA. À la suite de ces préconisations, il a malheureusement été observé une recrudescence des formes évoluées et métastatiques au moment du diagnostic.2 Depuis, la situation s’est stabilisée et les recommandations se sont adaptées.3 Le dépistage de masse n’est plus à l’ordre du jour. Désormais, une stratégie de détection précoce dans le cadre d’une discussion individuelle entre le patient et son médecin est préconisée, de même que la généralisation d’une stratégie de surveillance active sans traitement initial pour tous les cancers de bas grade diagnostiqués. Le comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (AFU) a émis des recommandations claires quant à l’utilisation du dosage du PSA dans cette stratégie de détection précoce, résumées ici.

Individualiser le dépistage

La détection précoce du cancer de la prostate s’envisage à l’échelle individuelle et non à celle de la population. Elle concerne le médecin et son patient, et ne s’intègre pas dans une démarche de santé publique organisée. Elle consiste à rechercher la maladie chez un patient asymptomatique considéré individuellement. La prise en charge diagnostique doit obligatoirement être précédée d’une information sur les facteurs de risque, les bénéfices et les incertitudes de la détection précoce, la pertinence de réaliser une biopsie, le risque de surdiagnostic et les options de prise en charge thérapeutique.

Les hommes informés et éligibles à un diagnostic précoce doivent être évalués par un dosage du PSA total et par un toucher rectal. La stratégie de détection précoce recommandée est résumée dans le tableau.

Dépistage renforcé en cas de terrain génétique à risque

Certaines anomalies identifiées, comme la mutation des gènes BRCA2 ou HOXB13, prédisposent à une augmentation du risque de cancer de la prostate, avec une sur-représentation des formes agressives par rapport à la population générale.4 Chez ces patients, l’AFU recommande un dépistage annuel dès l’âge de 40 ans par toucher rectal et PSA sérique.

Comment interpréter le taux de PSA ?

Le PSA est un marqueur imparfait du cancer de la prostate, avec une variabilité intra-individuelle importante, de l’ordre de 20 à 30 % de sa valeur. Un dosage répété, à trois mois d'intervalle, est particulièrement utile pour des valeurs comprises entre 4 et 10 ng/mL. En cas de valeur confirmée supérieure à 4 ng/mL, une consultation auprès d’un urologue est indiquée. Une IRM pelviprostatique multiparamétrique doit être réalisée avant toute biopsie de la prostate. Si l’IRM est non suspecte, la réalisation de biopsies peut alors être différée, permettant d’éviter le surdiagnostic des formes indolentes.

Affiner le dépistage en sensibilisant le taux de PSA

La densité du PSA est devenue un outil indispensable : il s’agit du rapport du taux de PSA sérique sur le volume de la prostate apprécié par échographie ou IRM prostatique. Une densité supérieure à 0,15 plaide en faveur d’un cancer de la prostate cliniquement significatif. Cet outil très simple est désormais largement utilisé dans la stratégie de détection précoce, avec plusieurs applications concrètes. 

En cas d’élévation du PSA avec IRM normale (score PI-RADS 1 et 2), une densité du PSA inférieure à 0,15 permet d’abandonner les biopsies prostatiques, le risque de cancer significatif étant de 5 %. 

Il en va de même en cas d’IRM équivoque (score PI-RADS 3), une densité inférieure à 0,15 pouvant permettre d’éviter les biopsies après discussion et décision partagée avec le patient (risque de cancer significatif de 10 à 15 %).

En revanche, le rapport PSA libre/PSA total, qui permettait de distinguer une hypertrophie bénigne de la prostate (rapport supérieur à 25 %) d’un cancer de la prostate (rapport inférieur à 10 - 15 %), n’est désormais plus recommandé en raison d’un intérêt clinique limité à l’ère des nouvelles modalités de diagnostic intégrant l’IRM. Cet examen est beaucoup plus coûteux qu’un simple dosage sérique du PSA total et est devenu obsolète dans la pratique de l’urologue.

Références
1. Thompson IM, Pauler DK, Goodman PJ, et al. Prevalence of prostate cancer among men with a prostate-specific antigen level < or =4.0 ng per milliliter. N Engl J Med 2004;350(22):2239-46.
2. Burgess L, Aldrighetti CM, Ghosh A, et al. Association of the USPSTF Grade D Recommendation Against Prostate-Specific Antigen Screening With Prostate Cancer-Specific Mortality. JAMA Netw Open 2022;5(5):e2211869.
3. Ploussard G, Fiard G, Barret E, et al. French AFU Cancer Committee Guidelines - Update 2022-2024: prostate cancer - Diagnosis and management of localised disease. Prog Urol 2022;32(15):1275-372.
4. Page EC, Bancroft EK, Brook MN, et al. Interim Results from the IMPACT Study: Evidence for Prostate-specific Antigen Screening in BRCA2 Mutation Carriers. Eur Urol 2019;76(6):831-42. 

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