L’efficacité de la vaccination Covid chez les patients atteints de cancer, en particulier lorsque leur traitement entraîne une immunodépression, est un sujet d’inquiétude, surtout dans le contexte de la vague omicron. La dose de rappel induit-elle, dans cette population particulière, des réponses aussi robustes qu’en population générale, face à ce variant ?

 

Dans cette étude menée au Royaume-Uni, les chercheurs ont effectué des essais de neutralisation avec des virus vivants pour évaluer la réponse humorale au variant omicron du sérum de patients atteints de cancer, vaccinés avec un rappel.

Les participants étaient 199 patients atteints de cancer, dont 115 (58 %) avaient un cancer solide et 84 (42 %) un cancer hématologique (myélome, leucémie aiguë, leucémie lymphoïde chronique, syndrome myélodysplasique, lymphome). Ils ont tous reçu une 3e dose avec le vaccin Pfizer après une primovaccination soit avec AstraZeneca (67 %) soit avec Pfizer (33 %), environ 6 mois après la 2e dose (176 jours en médiane). Un sous-groupe a été constitué pour collecter des échantillons avant la 3e dose à titre de comparaison : 179 patients, dont 100 avec cancers solides et 79 avec des cancers du sang.

Les titres d’anticorps neutralisants contre delta et omicron ont été mesurés dans des délais médians de 11 jours avant puis 23 jours après la 3e dose. L’activité neutralisante était considérée détectable avec des titres supérieurs à 40.

Après la dose de rappel, sur les 115 sujets ayant un cancer solide, l’activité neutralisante était détectable chez 90 % des patients pour omicron, versus 97 % dans le cas de delta et 99 % pour la souche sauvage du SARS-CoV-2. Une augmentation considérable, en comparaison à l’activité neutralisante observée après 2 doses : 37 % pour omicron, versus 56 % contre delta et 97 % contre la souche sauvage.

Chez les patients ayant une hémopathie maligne, la réponse, bien que présente, a été plus faible : après le rappel, 47 des 84 participants (56 %) avaient de titres d’anticorps détectables contre omicron, versus 71 % contre delta et 86 % contre la souche sauvage. Après la 2e dose, ces taux étaient respectivement de 19 %, 39 % et 89 %. Ainsi, dans ce sous-groupe de 79 sujets, parmi les 64 personnes chez qui aucune activité neutralisante contre omicron n’était décelée après la 2e dose, 29 (45 %) ont développé des anticorps contre ce variant après le rappel.

L’analyse statistique a confirmé que le type de cancer était significativement associé à la capacité du rappel à induire une réponse humorale contre omicron : odds ratio = 7,51 pour les cancers solidesversus cancers hématologiques (intervalle de confiance à 95 % : 4,05-14,63). En revanche, aucune association significative n’est apparue avec l’âge, le sexe, ou le type de vaccin administré.

Qui plus est, parmi les patients ayant un cancer hématologique, un traitement par anticorps anti-CD20 dans les 12 mois précédant la vaccination ou par inhibiteurs de la BTK (Bruton’s tyrosine kinase) dans les 28 jours précédents étaient associés à une activité neutralisante indétectable contre omicron. La présence d’un cancer en cours de traitement l’était également (versus un cancer ayant répondu favorablement aux derniers traitements). Pour rappel, en France, ces 3 catégories de patients font partie des groupes à très haut risque de forme sévère de Covid-19 (tels que définis par l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes), pouvant à ce titre bénéficier d’une prophylaxie par anticorps monoclonaux en cas d’échec vaccinal, ainsi que d’un traitement antiviral précoce en cas d’infection (Paxlovid, récemment autorisé).

Ces résultats soulignent l’importance de poursuivre la vaccination des patients les plus fragiles, comme ceux atteints de cancer, mais aussi de proposer systématiquement aux non-répondeurs à la vaccination les traitements prophylactiques disponibles, en particulier aux patients immunodéprimés (dont ceux ayant une hémopathie maligne).

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien 

Pour en savoir plus :

Fendler A, Shepherd STC, Au L, et al. Omicron neutralising antibodies after third COVID-19 vaccine dose in patients with cancer. Lancet 25 janvier 2022.

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Rappel vaccinal : quelles spécificités chez les immunodéprimés ?Rev Prat (en ligne) 5 janvier 2022.

Anticorps monoclonaux dans le Covid : ce qui change avec omicron.Rev Prat (en ligne) 11 janvier 2022.

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