La présentation de la douleur abdominale peut différer par rapport à la clinique du sujet jeune, en raison :
  • de la présentation des symptômes qui peuvent être trompeurs et sont souvent minorés ;
  • des nombreux diagnostics à évoquer chez la personne âgée ;
  • de la coexistence fréquente avec d’autres pathologies (comorbidités) aggravant le pronostic,
  • de l’existence de barrières physiques (surdité…), psychiques (démence…) et sociales (isolement…) liées au grand âge pouvant gêner la prise en charge.
Chez les sujets de plus de 75 ans le tableau clinique classique peut être absent ou survenir plus tardivement avec des symptômes moins marqués ou atypiques. L’examen physique peut être faussement rassurant, même en situation d’urgence, comme la fissure d’anévrisme aortique ou l’ischémie mésentérique. Les patients âgés sont plus vulnérables aux infections sur lithiase biliaire (cholécystites aiguës, angiocholites), l’indication chirurgicale a posteriori étant la plus courante dans cette population. Chez les patients âgés ayant une appendicite, le diagnostic initial est correct dans seulement la moitié des cas, et les taux de mortalité et morbidité sont majorés par rapport au sujet jeune. La multiplicité des traitements médicamenteux, la fréquence des calculs vésiculaires et la consom­mation d’alcool (souvent minimisée ou non suspectée) augmentent le risque de pancréatite pour laquelle l’âge avancé est un indicateur de mauvais pronostic.
La diverticulose compliquée est aussi une cause fréquente de douleur abdominale chez le patient âgé. Les occlusions intestinales du grêle et du côlon, souvent causées par des adhérences ou des tumeurs, augmentent avec l’âge et requièrent fréquemment une prise en charge chirurgicale. En outre, de nombreux diagnostics différentiels doivent être considérés chez la personne âgée. La morbi-mortalité générale est importante, ces patients âgés présentant une douleur abdominale aiguë imposant une hospitalisation prolongée et une prise en charge pluridisciplinaire du fait des comorbidités. Les patients âgés peuvent retarder leur recours aux soins du fait de leur isolement, de leur manque de couverture sociale, des difficultés de déplacement, ou par peur de l’hôpital ou de la mort. Un conjoint dépendant ou la présence d’un animal de compagnie peuvent constituer des freins à une prise en charge médicale. Les problèmes de communication, parfois liés aux maladies préexistantes (démences…), sont aussi un obstacle à une prise en charge optimale.

Pièges potentiels et difficultés diagnostiques

L’anamnèse peut être difficile à retracer, en raison des troubles des fonctions supérieures liés à la fièvre ou à une anomalie hydro-­électrolytique, une diminution de l’attention liée aux traitements, une démence, des troubles auditifs, une intoxication, la barrière de la langue ou des troubles psychiatriques.
Les signes sont parfois trompeurs. La perception et l’expression de la douleur peuvent être altérées en lien avec l’utilisation chronique de traitements antalgiques, ou l’altération des fonctions supérieures. Il faut se souvenir que la fièvre peut manquer, de même que l’hyper­leucocytose, malgré la présence d’une infection ou d’une pathologie chirurgicale. La présence d’une hypothermie a la même signification que la présence d’une fièvre en cas de pathologie intra-abdominale.
Le diagnostic d’une pathologie chirurgicale se fait souvent à un stade avancé. En effet, on observe fréquemment une diminution des signes de défense et de contracture par la faiblesse de la musculature abdominale, la tachycardie pouvant manquer en raison de traitement bradycardisant ou d’une pathologie cardiaque.
Des diagnostics particuliers doivent être recherchés systématiquement quand l’orientation n’est pas évidente, en s’appuyant sur la réalisation d’un examen clinique complet et d’examens paracliniques orientés. On évoque la rétention aiguë d’urine avec ou sans pyélonéphrite, les infections du tractus urinaire, la constipation avec fécalome principalement, la douleur musculaire abdominale, les accidents des anticoagulants (hématomes pariétaux, intestinaux, du psoas, rétropéritonéaux) et les pathologies extra-abdominales : l’infarctus du myocarde (infarctus inférieur), l’embolie pulmonaire, l’insuffisance cardiaque avec foie cardiaque, la pneumopathie ou la pleurésie.
Chez le patient âgé, souvent polymédiqué, le risque iatrogène est élevé. Un grand nombre de médicaments donnent des douleurs abdominales, des ballonnements digestifs et des nausées. Une enquête minutieuse, auprès du médecin traitant par exemple, pour connaître la liste précise des traitements sera nécessaire, notamment ceux introduits récemment. On recherchera particulièrement la prise de pristinamycine, de metformine, de digoxine ou de tramadol.

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