Motif fréquent de consultation chez l’enfant, la difficulté est de distinguer rapidement les rares urgences chirurgicales absolues ou relatives des fréquentes douleurs abdominales médicales ou fonctionnelles. Le diagnostic repose sur un interrogatoire précis de la famille et de l’enfant, un examen clinique soigneux de l’abdomen, qui doit être regardé, palpé et ausculté, et si besoin des examens biologiques simples (bandelette urinaire, numération formule sanguine, dosage de la protéine C réactive [CRP], etc.) complétés par une imagerie abdomino-pelvienne plutôt par échographie que par scanner afin de limiter l’irradiation des enfants.
Il convient d’écarter 5 urgences abdominale qui réclament une intervention chirurgicale en urgence absolue ou relative.
Le volvulus du grêle est diagnostiqué en cas d’association de vomissements verts, d’un abdomen plat et d’un état de choc. En cas de doute, l’échographie abdominale avec Doppler couleur montre la rotation des vaisseaux mésentériques à leur origine et l’absence de perfusion intestinale. Seule une laparotomie en extrême urgence permet la remise de l’intestin grêle en position de mésentère commun et d’éviter la survenue d’un grêle court et des années d’assistance nutritive.
La torsion du testicule ou de l’ovaire est également une urgence chirurgicale absolue, la palpation d’un testicule ascensionné, œdématié et très douloureux permet un diagnostic clinique, tandis que c’est la visualisation d’un kyste unilatéral de l’ovaire mesurant > 2,5 cm de diamètre, de contenu ultrasonore hétérogène et non vascularisé au Doppler qui permet le diagnostic. Seule une intervention chirurgicale en extrême urgence permet de préserver la vitalité gonadique.
L’étranglement herniaire est signé par la constatation d’une tuméfaction inguinale dure et douloureuse. Aidée par une sédation légère, on peut tenter une réduction manuelle de la hernie à l’aide d’une pression douce exercée dans l’axe du canal inguinal. En cas d’échec, il convient d’opérer rapidement afin d’éviter une nécrose de l’anse intestinale incarcérée.
L’invagination intestinale aiguë est détectée par la survenue de crises douloureuses abdominales intermittentes ou d’accès de pâleur associés à des vomissements alimentaires, voire à des rectorragies à un stade tardif. L’échographie abdominale confirme le diagnostic en montrant un boudin d’invagination iléo-­cœcal en sous-hépatique ou en épigastrique. Le lavement pneumatique sous amplificateur de brillance permet d’obtenir la désin­vagination, qui doit être complète et permettre la réalimentation du nourrisson après quelques heures.
L’appendicite aiguë est de diagnostic parfois difficile en raison du manque de spécificité des symptômes et de la variabilité des signes cliniques entre deux observateurs. L’imagerie par échographie abdominale, si besoin complétée par un scanner sans injection, peut mettre en évidence l’appendice dilaté ou le siège d’un stercolithe, objectiver un plastron appendiculaire ou visualiser un épanchement intrapéritonéal. Le dogme de l’appendicectomie en urgence est remis en cause, au profit d’un traitement médical associant antibiothérapie et surveillance clinique suivies d’une appendicectomie « à froid ».
Les douleurs abdominales et lombaires médicales comprennent :
  • la gastroentérite aiguë, pathologie très fréquente chez l’enfant, d’étiologie le plus souvent virale. Le risque principal est celui d’une déshydratation, qui est dans la plupart des cas prévenue par l’utilisation systématique d’un soluté de réhydratation orale. Une diarrhée glairo-sanglante doit faire pratiquer une coproculture, qui guidera une antibiothérapie éventuelle ;
  • la pyélonéphrite aiguë, qui constitue une des infections bactériennes les plus fréquentes chez l’enfant depuis que les vaccinations ont permis d’éradiquer la majorité des otites moyennes aiguës, pneumonies et méningites. Son diagnostic repose sur un recueil aseptique des urines par cathétérisme vésical ou en milieu de jet, la pratique systématique d’une bandelette urinaire qui, si elle est négative, élimine une infection urinaire (IU) et, si elle est positive, doit être confirmée par un examen cytobactériologique des urines (ECBU) dont les critères diagnostiques sont stricts (examen direct, culture, antibiogramme) ;
  • le purpura rhumatoïde, qui se caractérise par des crises douloureuses abdominales, des arthralgies trompeuses jusqu’à ce que survienne l’éruption purpurique vasculaire caractéristique bilatérale et prédominant aux membres inférieurs. Le pronostic de cette vascularite à IgA est conditionné par l’atteinte rénale ;
  • la crise vaso-occlusive, qui constitue la complication la plus fréquente de la drépanocytose. Elle doit être différenciée des autres causes de douleur abdominale et traitée par des antalgiques adaptés aux scores de douleur. Le recours à un antalgique de palier 3 est fréquemment nécessaire.
Les douleurs abdominales fonctionnelles récurrentes comprennent :
  • les coliques du nourrisson, qui se caractérisent par des crises de pleurs alternant avec des périodes de calme où le comportement de l’enfant est normal, crises souvent interprétées par les parents ou certains médecins comme une douleur abdominale, tandis qu’une association entre migraine de l’enfant et coliques du nourrisson évoque un équivalent migraineux ;
  • la constipation, probablement la cause principale de douleur abdominale chez l’enfant. Elle est définie par la survenue de moins de 3 selles par semaine, de consistance dure et difficile à exonérer. Il convient de rechercher une cause organique, mais dans la grande majorité des cas elle est fonctionnelle. Son traitement repose sur l’utilisation préférentielle du PEG par voie orale à posologies adaptées, ce qui permet d’éviter la pratique de lavements évacuateurs traumatisants pour l’enfant ;
  • la gastrite et l’ulcère gastroduodénal à type de crampes continues ou modulées par les repas doivent faire rechercher une infection à Helicobacter pylori sur des biopsies gastriques par endoscopie et, en cas de positivité, entreprendre un traitement associant IPP et deux antibiotiques pendant 14 jours, efficacité contrôlée par les tests non invasifs ;
  • les maladies inflammatoires chroniques intestinales, qui comprennent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, et se caractérisent par une douleur abdominale récurrente et une diarrhée chronique dans un contexte inflammatoire. Leur prise en charge relève d’un service spécialisé ;
  • la survenue de douleurs abdominales fonctionnelles récurrentes, qui doit faire rechercher un contexte familial et psychologique particulier, comme un harcèlement scolaire, une maltraitance, voire une pathologie construite comme dans le syndrome de Münchhausen.