Survenant à au moins 3 reprises sur une période minimale de 3 mois.
Très fréquentes à l’âge scolaire.
Fonctionnelles dans la majorité de cas.1
Sévères, affectant les activités quotidiennes (absentéisme scolaire par exemple).

Qu’entend-on par fonctionnelles ?

Non attribuables à une autre pathologie selon la classification de Rome IV (2016).
4 entités : dyspepsie fonctionnelle, syndrome de l’intestin irritable, migraine abdominale et douleurs « non spécifiées ailleurs ».2

Dyspepsie fonctionnelle

Au moins 1 des critères suivants, rapporté au moins 4 jours par mois pendant 2 mois : plénitude postprandiale ; satiété précoce ; douleur ou brûlure épigastrique non associée à la défécation.
Causée en partie par un trouble de la vidange gastrique (près de 50 % des cas), déclenchée par une gastroentérite bactérienne (24 %).2
Éviter : caféine, épices, graisses, AINS.2

Intestin irritable

Douleur abdominale 4 jours par mois (depuis au moins 2 mois), en lien avec la défécation et/ou associée à un changement de fréquence et/ou d’apparence des selles. Si constipation, sa résolution ne soulage pas.
Altération du microbiote intestinal (dysbiose) dont le rôle n’est pas clair (cause ou conséquence des troubles ?). Patients décrits comme anxieux, stressés, voire déprimés.2

Migraine abdominale

Épisodes paroxystiques de douleurs intenses, aiguës, péri-ombilicales ou plus diffuses, durant au moins 1 heure, interférant avec les activités normales (école, loisirs).
Avec au moins 2 des symptômes suivants : anorexie, nausées, vomissements, céphalée, photophobie, pâleur.
Séparés d’un intervalle libre de plusieurs semaines ou mois. Ancienneté : plus de 6 mois.2
Âge moyen au diagnostic : entre 3 et 10 ans, avec un pic de fréquence vers 7 ans ; affecte surtout les filles. Antécédent familial de migraine chez les apparentés du 1er degré.3
Physiopathologie et facteurs déclenchants similaires à ceux des céphalées migraineuses.
Traitements : hygiène du sommeil, repos, paracétamol 15 mg/kg/6 h, ibuprofène 10 mg/kg x 3/j au maximum ; éventuellement sumatriptan intranasal prescrit par le spécialiste.
Prophylaxie : éviter les facteurs favorisants (changement de rythme du sommeil, bruit, odeurs spécifiques...).
Propranolol (bêtabloquant), pizotifène ou cyproheptadine (antihistaminique sédatif) au long cours : à discuter.3
Évolution vers une migraine avec ou sans aura : 50 % des cas.

Douleurs abdominales fonctionnelles

4 fois par mois au moins, de manière épisodique ou continue pendant ou en dehors des repas ou des menstruations. Sans rapport avec les troubles fonctionnels cités plus haut.2
Touchent 1,2 à 4,4 % des enfants d’âge scolaire. Causes : sensibilité viscérale particulière, distension digestive, dysbiose intestinale...

Quand s’inquiéter ?

Devant des signes évoquant l’organicité (encadré 1).
Principales pathologies à éliminer : maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), qui peut débuter à l’adolescence ou plus tôt, et maladie cœliaque, aux symptômes volontiers trompeurs (encadré 2).
Bilan de débrouillage : NFS, VS, CRP, albumine, ferritine, IgA anti-transglutaminase et IgA totales.
Si diarrhée glairosanglante : coproculture et virologie des selles pour éliminer une infection. Recherche de toxines de Clostridium difficile car fréquentes si MICI.
Calprotectine fécale, bon marqueur d’inflammation digestive, < 50 mg/g de selles : élimine l’organicité. Mais non remboursée, et ne distingue pas une MICI d’une diarrhée infectieuse.
Échographie abdominale préférable au scanner.
Pas d’ASP, sauf si syndrome occlusif. Niveaux hydro-aériques dans une MICI avec syndrome de König par sténose iléale.
Si MICI : privilégier l’entéro-IRM ou à défaut l’entéroscanner au scanner abdominal classique.
Endoscopie œso-gastro-duodénale ± iléo-coloscopie, selon antécédents personnels et familiaux et examens précédents.
Attention : douleur abdominale fonctionnelle et maladie organique peuvent coexister.

Écouter et rassurer

Prendre en compte le retentissement psychosocial important et l’inquiétude des parents, qui peinent parfois à accepter l’absence de cause.
Avant tout : écoute de la plainte et réassurance familiale, établir une relation de confiance.
Expliquer que fonctionnelle ne signifie pas « dans la tête ». Faire accepter l’inutilité des examens complémentaires. Impliquer psychologue/psychothérapeute, et éventuellement diététicien(ne).
Hypnothérapie et thérapies cognitives et comportementales recommandées en 1re intention car efficaces à long terme.1, 2
Tenter : éviction du lactose, du gluten ou appauvrissement en FODMAP (fermentescibles oligo- et disaccharides, monosaccharides et polyols) pendant 15 jours-1 mois. Poursuivre uniquement si amélioration des symptômes.1 Alimentation riche en fibres : pas d’effet.4
Le Lactobacillus rhamnosus GG, LGG, serait un probiotique intéressant, en particulier si intestin irritable, mais études de qualité faible à modérée.4
Antidépresseurs, antibiotiques, antispasmodiques, antagonistes de la sérotonine : pas efficaces.5
Encadre

1. Douleurs abdominales récurrentes : quand craindre une organicité

Histoire familiale de MICI, maladie cœliaque ou ulcère peptique

Douleur abdominale persistante au niveau de l’hypochondre ou de la fosse iliaque droite

Dysphagie, odynophagie

Vomissements persistants

Diarrhée glaireuse et/ou sanglante

Selles nocturnes

Aphtose buccale

Lésion périanale (fissure, fistule)

Arthrite, en particulière d’horaire inflammatoire

Érythème noueux

Perte de poids involontaire, ralentissement de la croissance pondérale et/ou staturale

Puberté retardée

Fièvre inexpliquée

Encadre

2. MICI : particularités chez l’enfant

Maladie de Crohn (MC), rectocolite hémorragique (RCH) et colite indéterminée (ou MICI inclassée).

Font suspecter une MC : douleurs abdominales avec réveils nocturnes, pouvant être localisées en FID si iléite, avec possible syndrome de König. Cassure pondérale, voire staturale. Aphtose buccale, lésions périanales et atteintes extradigestives.

RCH et colite indéterminée : rectorragies et diarrhées+++ parfois syndrome dysentérique. Syndrome inflammatoire inconstant et état général conservé.

Formes atypiques de MICI avec manifestations aspécifiques au premier plan : inconfort digestif, nausées et/ou vomissements, dénutrition, retard de croissance/pubertaire, aménorrhée secondaire, érythème noueux, pyoderma gangrenosum (ulcère chronique), pancréatite, cholangite sclérosante, uvéite.

Encadre

Que dire à l’enfant et aux parents ?

Ne jamais sous-estimer ou nier les douleurs

Expliquer leur histoire naturelle

Convaincre parents et enfant de l’absence d’organicité

Montrer la normalité de la courbe de croissance

Affirmer qu’une organicité a été éliminée

Insister sur leur fréquence à cet âge

Traiter une constipation, même minime

Ne surtout pas dévaloriser l’enfant, au contraire

Pas de nouveaux examens complémentaires !

Favoriser le retour à l’école

Discuter une prise en charge psychologique

Évoquer l’aide d’un spécialiste de la douleur

Références
1. Brusaferro A, Farinelli E, Zenzeri L, Cozzali R, Esposito S. The Management of Paediatric Functional Abdominal Pain Disorders: Latest Evidence. Paediatr Drugs 2018;20:235-47.
2. Hyams JS, Di Lorenzo C, Saps M, et al. Childhood functional gastrointestinal disorders: Child/Adolescent. Gastroenterology 2016;150:1456-68.e2.
3. Mani J, Madani S. Pediatric abdominal migraine: current perspectives on a lesser known entity. Pediatr Heal Med Ther 2018;9:47-58.
4. Newlove-Delgado TV, Martin A, Abbott RA, et al. Dietary interventions for recurrent abdominal pain in childhood. Cochrane Database Syst Rev 2017;3: CD010972.
5. Martin AE, Newlove-Delgado TV, Abbott RA, et al. Pharmacological interventions for recurrent abdominal pain in childhood. Cochrane Database Syst Rev 2017;3:CD010973.

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