Pour les patients ayant été atteints d’un cancer ou d’une hépatite virale C, il existe un « droit à l’oubli » qui permet de ne pas déclarer sa pathologie après un certain délai, lors de la souscription d’un prêt. Ces dispositions ont récemment évolué (délai raccourci, suppression du questionnaire de santé sous certaines conditions…). Tout ce qu’il faut savoir sur les nouveautés et le rôle du médecin traitant.

Le droit à l’oubli, qui existe depuis 2016 dans le cadre de la convention AERAS (« S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé »), se traduit par l’absence d’obligation de déclarer à l’assureur un cancer (quel qu’en soit la localisation et le type histologique) ou une hépatite virale C lors de la souscription d’un emprunt.

Délai réduit pour le droit à l’oubli

Le 1er juin 2022, la loi n° 2022-270 du 28 février 2022 est entrée en vigueur : elle réduit le délai du droit à l’oubli, qui passe de 10 à 5 ans après la fin du protocole thérapeutique, et en l’absence de rechute, pour les cancers diagnostiqués après les 21 ans de l’emprunteur (c’était déjà le cas avant pour les cancers diagnostiqués avant 21 ans).

Le protocole thérapeutique désigne le traitement actif de l’hépatite virale C ou du cancer : chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie (chimiothérapie conventionnelle, immunothérapie, thérapie ciblée…). L’hormonothérapie donnée au long cours (prévention des récidives) n’est pas incluse dans la notion de protocole thérapeutique.

Néanmoins, les éventuelles complications ne font pas partie du droit à l’oubli (v. ci-dessous).

Conditions du droit à l’oubli

Ce dispositif s’applique lorsque les 2 conditions suivantes sont réunies :

– nature du prêt : contrats d’assurance couvrant les prêts à la consommation affectés ou dédiés, les prêts professionnels pour l’acquisition de locaux et/ou de matériels, les prêts immobiliers ;

– l’échéance des contrats d’assurance doit intervenir avant le 71e anniversaire de l’emprunteur.

Les autres pathologies et facteurs de risque, les situations actuelles d’incapacité, d’invalidité ou d’inaptitude au travail, en lien ou non avec l’affection relevant du droit à l’oubli, sont à déclarer à l’assureur en réponse au questionnaire de santé et pourront faire l’objet d’une décision adaptée ou d’une tarification en tant que telle.

Les conséquences de la maladie cancéreuse ou celles des traitements ou de l’hépatite virale C, notamment les effets secondaires et les complications (par exemple, une insuffisance cardiaque apparue à la suite d’une chimiothérapie), ne sont pas couvertes par le droit à l’oubli et doivent donc être déclarées à l’assureur.

Les prêts concernés par le droit à l’oubli ne sont pas plafonnés, contrairement aux autres dispositions pour d’autres patients à risque aggravé de santé qui ne sont pas concernés par le droit à l’oubli (v. ci-dessous).

Les garanties assurées sont le décès, l’invalidité (de l’invalidité permanente partielle [IPP] à la perte totale et irréversible d’autonomie [PTIA]) et l’incapacité temporaire et totale de travail (ITT). La garantie perte d’emploi n’est pas concernée.

Suppression du questionnaire médical : pour qui ?

La loi supprime enfin l’examen de santé ou la transmission à l’assureur de toute information relative à l’état de santé de l’assuré pour les prêts dont la part assurée par personne est inférieure à 200 000 € par personne (400 000 € pour un couple) et dont l’échéance arrive avant le 60e anniversaire de l’emprunteur.

L’absence de questionnaire médical concerne les prêts immobiliers octroyés à des consommateurs pour l’acquisition de biens à usage d’habitation et à usage mixte habitation et professionnel.

Autres personnes ayant un risque aggravé de santé

Pour les personnes qui ne relèvent pas du droit à l’oubli, la convention AERAS élabore une grille de référence (GRA) régulièrement mise à jour en fonction des avancées thérapeutiques. Son but est de faciliter l’accès à l’assurance emprunteur pour un certain nombre de « risques aggravés de santé » (cancers ou autres maladies).

La GRA liste les pathologies pour lesquelles l’assurance est accordée sans surprime ni exclusion de garantie, ou dans des conditions se rapprochant des conditions standard, sans attendre les délais fixés par le droit à l’oubli.

Ces conditions d’acceptation se font par garantie (décès, PTIA et garantie invalidité spécifique [GIS]). La grille fixe, le cas échéant, des taux de surprimes maximaux et des délais adaptés à chacune de ces pathologies.

La dernière version de la grille (mars 2022) peut être retrouvée sur ce lien.

Contrairement au droit à l’oubli, même si une personne peut bénéficier des conditions inscrites dans la grille de référence, il est nécessaire qu’elle déclare la pathologie.

Les dispositions de la GRA s’appliquent lorsque les 3 conditions suivantes sont réunies :

– nature du prêt : contrats d’assurance couvrant les prêts professionnels pour l’acquisition de locaux et/ou de matériels ou les prêts immobiliers ;

– montant assuré : les opérations de prêts immobiliers dont la part assurée n’excède pas 320 000 €, sans tenir compte des crédits relais, lorsqu’il s’agit de l’acquisition d’une résidence principale. Dans les autres cas de prêts immobiliers et de prêts professionnels, il s’applique aux contrats relatifs à un encours cumulé de prêts dont la part assurée n’excède pas 320 000 € ;

– l’échéance des contrats d’assurance doit intervenir avant le 71e anniversaire de l’emprunteur.

Quel rôle pour le médecin ?

La lecture et l’interprétation du droit à l’oubli et de la GRA peuvent être complexes : de ce fait, selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, « le rôle du médecin est d’éclairer au mieux le patient sur la nécessité de déclarations complètes et sincères et de l’aider dans ses démarches ».

Il existe deux types de questionnaires de santé : le premier est le questionnaire standard soumis à tous les demandeurs d’assurance préalablement à la demande ; le second porte sur les événements de santé ou pathologies déclarés dans le premier questionnaire et vient donc en complément des informations préalablement recueillies.

Ainsi, le médecin, qu’il soit généraliste ou spécialiste, peut assister ses patients dans le remplissage des différents questionnaires et lui remettre les documents nécessaires pour justifier de son état de santé.

Mais il peut aussi être conduit à répondre, à la demande d’un patient, à un questionnaire proposé par l’assurance et ciblé sur la pathologie (deuxième type de questionnaire). Les informations délivrées par le médecin s’en tiennent aux seules données objectives du dossier médical et ne concernent que la pathologie déclarée.

Le médecin n’a pas à masquer volontairement (de son fait) une information (en principe, un médecin ne peut omettre de signaler une donnée significative, ce serait considéré un mensonge par omission qui pourrait lui être reproché), mais il faut garder à l’esprit que le questionnaire de santé complété par le médecin est remis au patient et non à l’assurance. C’est le patient qui ensuite en fait la remise à son assurance (et qui donc juge des informations qu’il souhaite remettre).

En pratique, dans le cadre du cancer ou de l’hépatite C (et donc du droit à l’oubli), si les conditions sont respectées (5 ans après la fin du protocole thérapeutique en absence de récidive pour les adultes), étant donné que le patient n’a pas à en faire la déclaration, le médecin n’a pas à le mentionner. En revanche, s’il y a une complication, celle-ci doit être déclarée car elle ne fait pas partie du droit à l’oubli.

Si la demande concerne une pathologie en particulier (deuxième type de questionnaire), comme mentionné ci-dessus, la réponse du médecin ne doit porter que sur la demande de l’assurance.

Plus largement, pour les antécédents, il y a généralement une notion de temps dans les questionnaires (antécédents présents au cours des 10 dernières années), ceux-ci devant être déclarés.

Pour éviter toute contestation par la suite, il est préférable que ces points soient abordés par le patient et son médecin lors de la complétion du certificat, et que le médecin en garde note dans son dossier patient. À noter qu’un assureur ne peut exploiter ces informations si elles sont mentionnées par excès.

Pour en savoir plus
AERAS. Le « droit à l’oubli » et la grille de référence AERAS. 11 avril 2022.
Légifrance. Loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur (1). 1er mars 2022.
Bousquet PJ, Lafay L. Assurabilité et antécédents de cancer.Rev Prat 2019 ;69(4) ;454-8. (attention : les délais mentionnés dans cet article sont obsolètes)

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