Interpellée avec véhémence, au cours d’une conférence de presse consacrée à l’obligation vaccinale, par un militant antivaccin aux propos surréalistes qui lui demandait si elle assumerait la catastrophe sanitaire qu’une telle décision entraînerait immanquablement selon lui, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait répondu : « Je vais parfaitement assumer cette responsabilité que de sauver la vie de dizaines d’enfants et de jeunes. Et ces familles ne pourront même pas me remercier mais ça n’est pas grave. Quand on regarde le débat sur la vaccination, il faut regarder qui est l’émetteur et qui prend des risques. Eh bien je prends les risques que je dois prendre pour sauver la vie des enfants et je l’assume. »
Presqu’au même moment, le Premier ministre Édouard Philippe s’engageait pour que la vitesse sur les routes secondaires soit abaissée à 80 km/h. Il déclarait dans le Journal du Dimanche : « Il y a 3 500 morts et 70 000 blessés par an, 70 000 ! Après des décennies de progrès, nos résultats se sont dégradés. Eh bien je refuse de considérer cela comme une fatalité. Chaque fois qu’un responsable politique a eu le courage de s’engager, les résultats ont été spectaculaires (…) Je sais que si nous annonçons cette mesure je serai critiqué. Mais je sais qu’elle va sauver des vies (…) Et si pour sauver des vies il faut être impopulaire, j’accepte de l’être. »
Il y avait longtemps que l’on n’avait pas entendu des responsables politiques affirmer avec autant de force leur intérêt à promouvoir des actions favorables à la santé publique. Après 10 années de stagnation dans ce domaine, on ne peut que s’en réjouir. Pour autant, ce bel élan sera-t-il durable ? Les sujets ne manquent pas, en effet, dont le traitement appelle la détermination et le courage. Bien sûr, au premier plan, la lutte contre le tabagisme en constatant déjà combien la première augmentation du prix du paquet de cigarettes est assimilée par certains à une mesure de réduction du pouvoir d’achat, au même titre que celles liées à l’augmentation de la CSG ou à la diminution des APL, ce qui laisse présager bien des difficultés pour les augmentations ultérieures, seul moyen significatif pourtant de réduire la consommation. Du courage il en faudrait aussi pour lutter contre les atteintes à la loi Evin, diminuer la consommation d’alcool, réduire les inégalités sociales de santé, prendre à bras-le-corps la question de la dépendance des sujets âgés et celle des structures d’accueil des enfants et des adultes atteints de troubles autistiques, rendre la ville accessible aux personnes handicapées, favoriser la recherche sur les perturbateurs endocriniens, imposer une diminution de la quantité de sel dans les aliments, obliger les industriels de l’alimentation à adopter le logo Nutri-Score, dérembourser l’homéopathie, réformer la pharmacovigilance… une liste qu’il est facile d’allonger. Quel ministre de la Santé aura, par exemple, le courage de dire que si le thermalisme est une activité honorable, source d’emplois et de retombées économiques majeures, ce n’est pas à l’Assurance maladie de le subventionner ?
Face aux lobbies économiques et idéologiques, la promotion de la santé publique est avant tout une affaire de courage, mais n’est-ce pas aussi le meilleur moyen de renforcer la confiance que portent les citoyens à l’action publique ?