Les kissing nodules sont la cause la plus fréquente chez l’enfant d’âge scolaire.
C’ est un motif de consultation courant. Sa prévalence, difficile à évaluer, varie entre 6 et 38 % chez l’enfant d’âge scolaire (de 4 à 18 ans).1
Plusieurs types sont décrits : dysphonies sans ou avec lésions acquises des plis vocaux (cordes vocales) ; ou dues à des lésions congénitales dont la symptomatologie est retardée ; ou initialement non diagnostiquées. Une papillomatose laryngée doit être éliminée de façon systématique en raison de sa gravité potentielle.
Toute dysphonie persistant au-delà de 15 jours doit faire l’objet d’un examen ORL qui seul définit la nature du trouble orientant la prise en charge.

Examen clinique

À l’interrogatoire, on s’enquiert du contexte : niveau scolaire, troubles des apprentissages, caractère de l’enfant (insouciant ou stressé, intro- ou extraverti…), place dans la fratrie, activités extrascolaires dont sport et musique. On recherche les antécédents obstétricaux et néonataux, notamment les ligatures du canal artériel (ayant pu léser le nerf récurrent), les épisodes d’intubation, mêmes brefs, une anomalie du premier cri ; un trouble du développement psychomoteur ou de la déglutition.
Exploration clinique de la voix : histoire de la dysphonie, âge du début des troubles, évolution dans le temps (notamment pendant les vacances) ou, au contraire, stabilité.
L’anamnèse permet également d’établir la sévérité. Les épisodes d’aphonie fréquents sont un signe de gravité objectif. L’enfant peut également compléter le pediatric Vocal Handicap Index ou pVHI, qui évalue le retentissement de façon subjective.
L’examen fonctionnel de la voix est réalisé par le médecin grâce à des mesures objectives. Tout d’abord, il écoute l’enfant parler, chanter, lire un texte… Pour un examinateur entraîné, cette appréciation « faite à l’oreille » est fiable et reproductible. Les autres paramètres enregistrés en pratique courante nécessitent un équipement : fréquence fondamentale (encadré 1), intensité, timbre, temps maximal de phonation, jitter (mesure de la perturbation de la fréquence fondamentale) et shimmer (mesure qui apprécie l’intensité du signal acoustique).
L’examen du larynx est essentiel, idéalement en endoscopie rigide. Via cet outil (introduit par la bouche ; fig. 1), on voit les plis vocaux et leur vibration. La fibroscopie (le fibroscope étant introduit par la narine, on visualise le larynx et ses mouvements) est mieux tolérée, mais l’analyse de la mécanique vibratoire des plis vocaux est plus difficile.
Quel que soit l’examen choisi, il est indispensable de rassurer l’enfant et d’expliquer le geste à l’avance pour une meilleure coopération. On observe l’anatomie et la mobilité du larynx, l’absence de salive sur le plan glottique, témoin d’une sensibilité laryngée conservée ; enfin, l’aspect des plis vocaux et de la sous-glotte. En stroboscopie, on évalue les caractéristiques vibratoires des plis vocaux.

Dysphonies dysfonctionnelles

Elles sont liées à une mauvaise coordination des structures de la phonation. Il n’y a pas de lésion visible des plis vocaux.
L’aphonie psychogène, rare chez l’enfant, est évoquée devant la discordance entre les troubles vocaux et la mobilité/anatomie normales du larynx. La prise en charge est initialement orthophonique pour rétablir une sonorisation, puis psychologique.
Deux troubles de la mue(encadré 2) existent : la persistance d’un mécanisme vocal infantile (voix de tête) chez un jeune homme pubère ou la chronicité de la mue durant plus de 1 an. L’examen laryngé stroboscopique, systématique, élimine une origine organique. Le traitement repose sur la rééducation vocale, la manipulation d’abaissement laryngé et une prise en charge psychologique de réassurance personnelle.
Le forçage vocal, lié à une technique de production vocale mal maîtrisée, survient volontiers chez des enfants anxieux, stressés ou sportifs. Il est caractérisé par une inspiration thoracique forcée, et non abdominale, et par une élévation des pressions intrathoraciques à l’expiration. La contraction de la musculature laryngée intrinsèque et extrinsèque est également mal maîtrisée. La vibration résultant de cette contraction excessive globale est dite « en tension », elle est pathologique. Ce phénomène est fréquent chez les garçons (sex-ratio 2:1). La pratique d’un sport collectif et une fratrie importante sont des facteurs de risque.2
Il s’agit de la première étape des dysphonies dysfonctionnelles : il n’y a pas encore de lésion des plis vocaux, mais on peut observer néanmoins une sécrétion inhabituelle du bord libre des plis et des plis vocaux rosés. à ce stade, la dysphonie est intermittente : elle survient après les épisodes de cris, pleurs, colères, les activités sportives, et disparaît en quelques heures. Les enfants se plaignent fréquemment de douleur du larynx, due à la sollici-tation excessive des muscles laryngés.

Lésions acquises

La pathologie nodulaire est l’étiologie de dysphonie chronique la plus fréquente (55 à 68 %).3
Le forçage au long cours entraîne la formation de kissing nodules,lésions siégeant sur les plis vocaux.4 La dysphonie résultante est constante mais variable dans la journée. La voix est rauque et voilée. Le fondamental laryngé est abaissé. Les nodules, visibles en fibroscopie, sont blanchâtres, bilatéraux et symétriques, arrondis ou spiculés, situés au point nodulaire (fig. 2).
En l’absence de prise en charge, ils s’aggravent progressivement, puis s’améliorent significativement lors de la mue (agrandissement laryngé).5
Dans les formes simples, les plus fréquentes, la prise en charge repose sur la rééducation orthophonique, prescrite par l’ORL : en général une vingtaine de séances hebdomadaires, de 30 à 60 minutes, en fonction de l’âge de l’enfant. Elle a plusieurs objectifs : prise de conscience du geste respiratoire, rééducation de la ventilation diaphragmatique (dite abdominale), réapprentissage du geste vocal afin de mieux poser sa voix, techniques de prise de parole pour se faire entendre sans crier.
Il est possible d’y adjoindre des séances de relaxation, quelle que soit la méthode utilisée (sophrologie, psychologue, etc.).
L’exérèse chirurgicale, très rare, est indiquée dans les formes polypoïdes avec dysphonie sévère, après échec de la prise en charge orthophonique.
Œdème en fuseau et pseudokyste séreux sont des pathologies nodulaires rares chez l’enfant. L’analyse histologique fait le diag- nostic. Le traitement est identique à celui des kissing nodules.
Le polype n’est pas courant. Cette formation inflammatoire unilatérale est implantée sur le bord libre d’un pli vocal (fig. 3). La dysphonie est généralement aiguë, sévère. Une résection est de mise.
Le kyste muqueux est dû à l’obstruction du canal excréteur d’une glande muqueuse. La dysphonie apparaît souvent au décours d’un épisode infectieux des voies aériennes. Le traitement est chirurgical, après l’âge de 10-11 ans (chez l’enfant jeune, le risque de lésion du ligament vocal immature est trop important).

Lésions congénitales

Les signes cliniques ne sont pas spécifiques. Néanmoins, il faut évoquer le diagnostic en cas de dysphonie ancienne avec caractère altéré de la voix en tonalité ou en timbre depuis la première enfance ; contraste entre les troubles vocaux importants et des habitudes vocales « peu traumatisantes » de l’enfant ; caractère « familial » ; certaines caractéristiques acoustiques (difficulté de sonorisation à voix faible et difficultés de modulations de l’intensité) ; fluctuation vocale sans facteur causal évident, en particulier en l’absence de surmenage ou de malmenage.
La palmure laryngée a une symptomatologie variable, allant de la dyspnée néonatale à la dysphonie légère du grand enfant, sans répercussion ventilatoire. L’aspect fibroscopique de diaphragme muqueux reliant les plis vocaux est pathognomonique (fig. 4). Il faut suspecter une microdélétion 22q11, fréquemment associée.6 échographie cardiaque et consultation génétique sont systématiques.
L’urgence du traitement ne dépend pas de la dysphonie mais de la tolérance respiratoire. La résection chirurgicale sous anesthésie générale élargit les voies aériennes et améliore les symptômes. Néanmoins, une légère dysphonie persiste.
Le kyste dermoïde (fig. 5) est une formation épidermique bien limitée située dans le chorion du pli vocal. Une lésion nodulaire réactionnelle siège parfois en regard. La chirurgie, après l’âge de 10 ans, est suivie d’une prise en charge orthophonique.
La vergeture, lésion congénitale, est une source de dysphonie invalidante s’aggravant avec l’âge. La voix est soufflée. L’aspect de glotte ovalaire et de sillon atrophique du bord libre est typique (fig. 6). L’atrophie s’accentue à la puberté, diminuant d’autant la vibration des plis vocaux. Le risque chirurgical de lésion de l’espace de Reinke (ou lamina propria superficielle, une des couches constituant le pli vocal) étant très important, le traitement préférentiel est la rééducation orthophonique.7

Papillomatose laryngée

La papillomatose respiratoire récurrente (PRR) est une infection virale à HPV, le plus souvent 6 ou 11. Les lésions exophytiques, récidivantes (fig. 7) sont disséminées dans l’ensemble des voies respiratoires. L’analyse anatomopathologique et le sérotypage in situ confirment le diagnostic.
C’est une maladie grave : les papillomes peuvent obstruer le larynx, provoquant une dysphonie et une dyspnée inspiratoire majeure. Dans ce cas, l’exérèse (à la pince, au microdébrideur ou au laser, en endoscopie sous anesthésie générale) est une urgence vitale. Le pronostic est lié à l’agressivité de l’infection, son impact obstructif, aux lésions chirurgicales des exérèses itératives, à l’atteinte pulmonaire et à la transformation maligne (3 % après plusieurs années d’évolution).
Encadre

1. Physiologie vocale : très complexe

La voix est la résultante de 3 mécanismes imbriqués : le souffle, la vibration, la résonance. Le larynx, organe clé de la phonation qui abrite les plis vocaux, est constitué de plusieurs cartilages et de nombreux muscles permettant de contrôler leurs articulations.

Au décours d’un flux expiratoire, le mouvement d’adduction des plis vocaux permet leur vibration. Le point de contact initial des plis, ou point nodulaire, est situé à la jonction du tiers médian et du tiers antérieur.

Pour produire les différents sons de la voix, les vibrations provoquées dans le larynx (fréquence fondamentale laryngée) sont modulées par plusieurs résonateurs (fréquences harmoniques) : la cavité buccale (dont la géométrie est pilotée par la position de la langue, de la mâchoire et des lèvres), les fosses nasales et les sinus paranasaux.

Encadre

2. Pourquoi la voix mue-t-elle ?

La mue est liée à la croissance et la descente du larynx, l’allongement des plis vocaux, la modification de leurs caractéristiques vibratoires, et le changement de mécanique ventilatoire.

La fréquence fondamentale laryngée baisse d’une octave chez l’homme, d’une tierce chez la femme.

La mue a lieu environ 2 ans après le démarrage pubertaire.

références
1. Martins RH, Hidalgo Ribeiro CB, Fernandes de Mello BMZ, Branco A, Tavares ELM. Dysphonia in children. J Voice 2012;26:674.e17-20.

2. Song BH, Merchant M, Schloegel L. Voice Outcomes of Adults Diagnosed with Pediatric Vocal Fold Nodules and Impact of Speech Therapy. Otolaryngol Head Neck Surg 2017;157:824-9.

3. Zacharias SR, Weinrich B, Brehm SB, et al. Assessment of Vibratory Characteristics in Children Following Airway Reconstruction Using Flexible and Rigid Endoscopy and Stroboscopy. JAMA Otolaryngol Neck Surg 2015;141:882-7.

4. Tuzuner A, Demirci S, Oguz H, Ozcan KM. Pediatric Vocal Fold Nodule Etiology: What Are Its Usual Causes in Children? J Voice 2017;31:506.e19-23.

5. Mackiewicz-Nartowicz H, Sinkiewicz A, Bielecka A. Long term results of childhood dysphonia treatment. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2014; 78:753-5.

6. Denoyelle F, Froehlich P, Couloigner V, Nicollas R. Le larynx de l’enfant. Paris: SFORL; 2011: 603.

7. Hartnick CJ. Management of complex pediatric voice disorders. Laryngoscope 2012;122 (Suppl 4):S87-8.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel