La gêne respiratoire est un motif fréquent de consultation en pédiatrie. L’analyse du type de dyspnée est essentielle pour orienter le diagnostic. Les infections des voies aériennes sont les causes les plus fréquentes de dyspnée.
La fonction respiratoire sert à approvisionner l’organisme en oxygène répondant aux besoins des organes qui en consomment pour leur activité. Sa régulation est d’origine centrale (bulbe rachidien). La dyspnée peut résulter d’une altération des différents acteurs impliqués : commande centrale (le tronc cérébral qui assure la ventilation automatique et le cortex la commande volontaire) ; obstruction ou compression des voies respiratoires hautes (nez, pharynx, larynx) ou basses (trachée et bronches) ; barrière alvéolo-capillaire ; capacité d’éjection de la pompe cardiaque ; transport sanguin de l’oxygène par l’hémoglobine.
La sensation de gêne respiratoire se manifeste de manière différente selon l’âge. S’il s’agit d’un nourrisson (moins de 2 ans), c’est l’entourage qui est alerté. Les enfants plus grands peuvent décrire les symptômes de façon plus précise, ce qui oriente vers une cause. On parle de forme aiguë lorsqu’elle survient de façon brutale et qu’elle peut être associée à une insuffisance respiratoire aiguë (encadré 1).
Chez l’enfant, la fréquence respiratoire varie selon l’âge (tableau 1). La connaissance de ces valeurs permet souvent de rassurer les parents.
En outre, avec la croissance, les voies respiratoires se modifient et les pathologies ont une expression clinique différente. Par exemple, une atrésie des choanes est plus symptomatique chez un nourrisson que chez un enfant plus grand.

Interrogatoire

Tout d’abord, on recherche les antécédents périnataux. La période périnatale n’est pas dénuée de pathologie pulmonaire. Avant l’âge de 3 mois, il faut évoquer une infection materno-fœtale en cas de facteurs de risque (prématurité inexpliquée, liquide teinté, fièvre maternelle au moment du travail ou rupture prématurée de la poche des eaux). Une prématurité ou une détresse respiratoire néonatale peuvent orienter également vers une bronchodysplasie, mais alors la dyspnée est plutôt chronique. L’exposition au tabagisme in utero est aussi à quantifier car elle peut être responsable d’une fragilité pulmonaire ultérieure.
Les antécédents familiaux d’atopie (asthme, allergie et eczéma) chez les parents et la fratrie doivent être identifiés. De même, une histoire d’atopie chez l’enfant peut conforter le diagnostic d’asthme. En cas de ronflements nocturnes, prurit nasal au réveil ou éternuement matinal, il faut évoquer une allergie aux acariens ou une rhinoconjonctivite allergique saisonnière. Dans ces situations, il faut prescrire un antihistaminique (desloratadine, cétirizine) et adresser l’enfant en consultation allergologique.
L’environnement du patient est un élément indispensable à prendre en compte : mode de garde (collectivité type crèche ou nourrice), animaux domestiques, tabagisme passif. On vérifie que les vaccinations prévues au calendrier ont été bien faites.
L’interrogatoire doit également s’attacher au mode d’apparition de la dyspnée (progressif ou brutal) et aux signes associés respiratoires ou extrarespiratoires.
Chez le nourrisson, il faut évaluer le retentissement sur l’alimentation : une difficulté à la prise des biberons (moins de la moitié des quantités habituelles), un ralentissement de la croissance staturo-pondérale doivent alerter.
Le syndrome de pénétration est l’urgence à éliminer systématiquement. Ce diagnostic doit être suspecté quel que soit l’âge de l’enfant, mais il est plus difficile à identifier chez le nourrisson.
Il faut l’évoquer devant une dyspnée de survenue brutale avec toux ± sonore. Le contexte est généralement celui d’un enfant de plus de 6 mois ayant acquis la pince pouce-index et pouvant attraper des objets de petite taille (pièce, cacahuète, pile bouton…). Le plus souvent un témoin de la scène rapporte l’événement soudain.
Au moindre doute, l’enfant est adressé vers un service spécialisé. Le transport doit alors être médicalisé pour éviter toute mobilisation d’un corps étranger. Si ce dernier est radio-opaque, il peut être utile de faire une radiographie thoracique de face. Dans le cas contraire, un cliché thoracique de face en inspiration et en expiration confirme le diagnostic en montrant une hyperclarté en expiration, signe d’un trappage dû à l’effet de valve unidirectionnelle du corps étranger.
S’il persiste une forte suspicion clinique malgré une imagerie normale, une endoscopie bronchique s’impose en milieu spécialisé.

À l’examen : traquer les signes de gravité

À l’inspection, une dyspnée bruyante témoigne d’une obstruction (stridor, cornage, wheezing, frein expiratoire), mais elle peut être silencieuse ou sine materia (cf. ci-dessous). On recherche les signes de gravité : augmentation ou diminution brutale de la fréquence respiratoire, toute anomalie du rythme respiratoire (tableau 2), hypoxémie (cyanose) ou signes de lutte (tirage sous-costal, sus-sternal, battement des ailes du nez…). L’auscultation cardiopulmonaire et un examen général complètent l’analyse sémiologique.
Plusieurs scores de détresse respiratoire existent mais aucun n’a montré de supériorité. En cas de signes de gravité, il faut mettre l’enfant en condition : en position demi-assise, libérer les voies aériennes (désobstruction rhinopharyngée systématique chez le nourrisson), apporter éventuellement de l’oxygène et, si besoin, organiser le transfert médicalisé vers un centre pédiatrique. On évalue la tolérance hémodynamique (choc, hépatomégalie, pouls fémoraux) et l’état neurologique (agitation, somnolence, troubles de la conscience, sueur).

Dyspnée bruyante ou obstructive

Identifier le niveau de l’obstruction n’est pas toujours simple. L’analyse du temps de la dyspnée – essentielle pour préciser la topographie – oriente la démarche diagnostique.

Dyspnée inspiratoire

Elle est le plus souvent d’origine laryngée, avec un stridor et une toux rauque caractéristique, mais une obstruction nasale (rhinopharyngite, corps étranger) ou pharyngée (hypertrophie amygdalienne et adénoïdienne – fréquente notamment chez le jeune enfant – abcès rétropharyngé, corps étranger) doit être éliminée.
La laryngite sous-glottique est la cause la plus courante. Le diagnostic est aisé car sa clinique est typique : toux brutale, rauque, associée à un réveil nocturne avec parfois des signes de lutte. L’origine étant virale, les antibiotiques ne sont pas indiqués. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour confirmer le diagnostic. La conduite à tenir dépend de la tolérance de la dyspnée et un d’éventuel stridor au repos. En l’absence de signe de gravité, un simple traitement par corticoïdes oraux pour une durée de 3 à 5 jours est préconisé (1 mg/kg/j de prednisolone ou 16 gouttes/kg/j de bétaméthasone). En cas de signes de lutte et de stridor au repos, la prise en charge est hospitalière : nébulisations d’adrénaline et corticothérapie orale. Une surveillance rapprochée est recommandée initialement. Il faut bien informer les parents de la persistance d’une toux rauque pendant quelques jours suivant l’épisode aigu.
Si au décours apparaît un stridor dans les premières semaines ou premiers mois de vie, une consultation ORL doit être envisagée afin d’éliminer une anomalie congénitale, notamment un angiome sous-glottique ou une laryngomalacie (absence de rigidité du larynx, stridor musical polyplasique).
L’urgence à éliminer est toujours le corps étranger avec un syndrome de pénétration à rechercher à l’interrogatoire (âge > 6 mois, acquisition de la pince pouce-index). En cas de doute, la nasofibroscopie permet de confirmer le diagnostic et doit alors être couplée à son extraction.
L’épiglottite aiguë a quasiment disparu et n’est à évoquer qu’en l’absence de vaccination anti-Haemophilus b. Elle est caractérisée par une dyspnée inspiratoire avec tirage souvent majeur, une hypersalivation, une hyperémie importante, un tableau septique et un enfant se maintenant en position assise (surtout ne pas le coucher) ; c’est une urgence médicale.

Dyspnée aux deux temps

Elle correspond à un obstacle trachéal (bruit de drapeau si celui-ci est mobile). La compression vasculaire par un arc aortique (fig. 1) est toujours à rechercher. Une radiographie thoracique de face permet de vérifier la bonne position du bouton aortique (normalement l’aorte descendante est toujours positionnée le long du bord gauche du rachis). En contexte fébrile, il faut évoquer une laryngotrachéobronchite bactérienne.

Dyspnée expiratoire

Le wheezing ou des sibilants témoignent d’une atteinte bronchique ou bronchiolaire. Les causes sont multiples mais surtout infectieuses. Là encore, l’inhalation de corps étranger doit être éliminée (radiographie de thorax, notion de syndrome de pénétration).
Un premier épisode de dyspnée sifflante chez un nourrisson de moins de 2 ans est une bronchiolite le plus souvent. En cause, une infection virale aiguë, généralement par le virus respiratoire syncytial (VRS), responsable d’épidémies automnales-hivernales. Elle débute par une rhinorrhée, puis progressivement des signes de lutte respiratoire apparaissent, avec des sibilants expiratoires à l’auscultation. Ce tableau clinique peut s’accompagner d’une baisse de la prise alimentaire et nécessite une surveillance rapprochée du poids. Aucune thérapeutique spécifique n’est disponible.
La prise en charge repose uniquement sur des traitements symptomatiques. Le premier, et le plus important, est la désobstruction rhinopharyngée (DRP) au sérum physiologique (pas de respiration buccale lors des premiers mois de vie) plusieurs fois par jour et avant chaque repas. Il faut y associer le fractionnement de l’alimentation (moitié des rations 2 fois plus souvent). Pas d’indication à instaurer des bronchodilatateurs (BD) ou des corticoïdes inhalés, qui sont inutiles. La corticothérapie orale n’a pas de place s’il s’agit d’une première bronchiolite typique.
La kinésithérapie respiratoire peut être discutée, même si d’après les études récentes elle ne réduit pas la durée d’hospitalisation ni n’améliore le confort des enfants. Dans certaines situations, elle peut être utile pour assurer une surveillance clinique au domicile (bébés de moins de 6 mois par exemple) ou lors d’une complication à type d’atélectasie pulmonaire. Enfin, les antibiotiques n’ont pas d’indication (étiologie virale) sauf en cas de surinfection bactérienne (otite moyenne aiguë ou pneumonie).
L’évolution est généralement bénigne, en environ une semaine. Plus l’enfant est petit, plus le tableau peut être sévère et nécessiter une hospitalisation (encadré 2).
À partir du 3e épisode de bronchiolite avant 2 ans, le diagnostic d’asthme doit être porté et un bronchodilatateur de courte durée d’action doit être administré en cas de crise.
Il faut cependant bien retenir que toute dyspnée sifflante n’est pas de l’asthme (tableau 3). Devant la répétition de tels épisodes, tout nourrisson considéré comme étant asthmatique doit bénéficier d’un cliché thoracique de face, afin d’écarter les diagnostics différentiels et notamment une anomalie vasculaire.
L’asthme est fréquent mais pas toujours identifié (prévalence de 9 % chez l’enfant). La dyspnée est alors d’origine bronchique et s’accompagne d’une toux sèche avec des sibilants expiratoires à l’auscultation.
Le traitement de la crise dépend de la sévérité (tableau 4). Il repose sur les bronchodilatateurs de courte durée d’action, administrés la plupart du temps avec une chambre d’inhalation.
Une corticothérapie orale peut être associée (béta- méthasone 12 à 15 gouttes/kg ou prednisolone 1,5 à 2 mg/kg sans dépasser 60 mg) en 1 prise le matin pour une durée de 3 à 5 jours avec arrêt brutal.
En cas d’hypoxie (saturation < 95 %) ou si l’enfant n’est pas amélioré par les bêta-2 mimétiques en chambre d’inhalation à domicile, une hospitalisation est nécessaire (fig. 2).
Si les crises se répètent, un traitement de fond par corticoïdes inhalés doit être mis en place pour une durée minimale de 3 mois, également avec chambre d’inhalation.

Dyspnée silencieuse

L’auscultation cardiopulmonaire et le reste de l’examen physique (hémodynamique, neurologique...) permettent le plus souvent d’orienter le diagnostic.
Tout d’abord, il faut éliminer une insuffisance cardiaque qui peut se manifester par différents signes : difficultés chroniques à la prise alimentaire, hépatomégalie, souffle cardiaque, cardiomégalie sur un cliché thoracique.
Il faut alors pratiquer une échographie cardiaque et un bilan biologique (troponine, peptide natriurétique de type B [BNP]). Les étiologies les plus fréquentes chez l’enfant sont la myocardite, la cardiopathie congénitale et les troubles du rythme cardiaque.
Les pathologies parenchymateuses à type de pneumopathies infectieuses (bactériennes ou virales) sont impliquées le plus souvent.
Le diagnostic repose sur l’association d’une dyspnée fébrile et d’une toux ; un tableau clinique aspécifique à type de fièvre isolée ou douleur abdominale fébrile doit aussi y faire penser. Une auscultation normale n’élimine pas le diagnostic, qui doit être confirmé par une radiographie thoracique prescrite dans les 24 heures.
En l’absence de signe de gravité (encadré 3), le traitement ambulatoire probabiliste repose sur une anti- biothérapie par amoxicilline (80-100 mg/kg/j en 3 prises toutes les 8 heures pendant 5-7 jours. En cas d’allergie aux bêtalactamines, les alternatives sont la pristinamycine chez l’enfant de plus de 6 ans ou la ceftriaxone (IV ou IM) chez les plus jeunes.
Si le tableau évoque une bactérie atypique (Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae), une antibiothérapie par macrolide (clarithromycine) est recommandée (15 mg/kg/j en 2 prises pendant 10 jours).
Les affections bronchiques comme l’asthme ou la bronchiolite peuvent provoquer des dyspnées silencieuses, sans wheezing, avec ou sans signes de lutte.
Enfin, les pathologies pariétales – fractures de côtes – ou pleurales (pneumothorax, pleurésie) doivent être recherchées. La radiographie thoracique apporte des arguments indispensables à leur identification.

Dyspnée sine materia

Les dyspnées sans signe de lutte ni anomalies auscultatoires peuvent traduire une atteinte du système nerveux central (traumatisme crânien, méningite, encéphalite), une acidose isolée (intoxication, décompensation de maladie métabolique), un choc hémorragique. L’interrogatoire et l’examen clinique orientent les examens : NFS, gaz du sang, bandelette urinaire, recherche de toxiques (sang, urine), scanner cérébral, ponction lombaire…

Encadre

1. Reconnaître la détresse respiratoire

L’analyse de la ventilation repose sur plusieurs paramètres :

Fréquence respiratoire : ses normes varient chez l’enfant selon l’âge (tableau 1), la fièvre, l’agitation, l’anxiété ; le premier mécanisme de compensation en cas de pathologie respiratoire est la polypnée ; la bradypnée, rare chez le nourrisson, est un signe de gravité qui marque l’épuisement.

Travail respiratoire, à évaluer en recherchant des signes de lutte : battement des ailes du nez ; balancement thoraco-abdominal ; tirage (sus-sternal, intercostal, sous-costal) ; entonnoir xiphoïdien ; geignement expiratoire ou grunting ; volume courant ; évaluation de l’expansion du thorax (amplitude, symétrie) et auscultation.

Oxygénation : évaluée par la coloration cutanée et la saturation (mesurée au saturomètre avec capteurs pédiatriques) ; la cyanose apparaît plus ou moins rapidement selon le taux d’hémoglobine et peut être tardive en cas d’anémie.

Encadre

2. Critères d’hospitalisation en cas de bronchiolite

Nourrisson de moins de 6 semaines, ou de moins de 3 mois d’âge corrigé pour les prématurés de moins de 32 semaines d’aménorrhée.

Polypnée, apnées.

Signes de lutte intense.

Aspect « toxique », troubles de la conscience.

Cyanose, saturation capillaire < 94 % en air ambiant, enfant éveillé, malgré des désobstructions rhinopharyngées efficaces.

Troubles alimentaires (moins de la moitié des rations habituelles, vomissements itératifs).

Pathologie sous-jacente à risque de décompensation (bronchodysplasie, mucoviscidose, déficit immunitaire).

Difficultés psychosociales ou d’accès aux soins.

Encadre

3. Pneumopathie : connaître les critères d’hospitalisation

Enfant de moins de 6 mois

Polypnée, apnées

Signes de lutte intense

Impossibilité de parler, troubles de la conscience

Cyanose, saturation capillaire < 95 % en air ambiant

Pleuro-pneumopathie, abcès pulmonaire, atteinte plurilobulaire

Pathologie sous-jacente à risque de décompensation (drépanocytose, déficit immunitaire, cardiopathie, pathologie neuromusculaire)

Absence d’amélioration à 48 heures

Pour en savoir plus
- Masson A. Dyspnée du nourrisson. Pas à pas en pédiatrie. Elsevier Masson SAS, Archives de pédiatrie, 2019. https://bit.ly/2nTAyBN
- Drummond D. Dyspnée aiguë. In: de Blic J, Delacourt C, eds. Pneumologie pédiatrique. Paris: Lavoisier; 2018.
- Bourrillon A. Détresse respiratoire du nourrisson. In: Bourrillon A, Chouraqui JP, Dehan M, et al., eds. Pédiatrie. Paris: Masson; 2008: 672-6.

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essentiel

Interrogatoire, inspection et auscultation caractérisent le type de dyspnée.

Toujours éliminer un syndrome de pénétration et envisager une endoscopie bronchique si besoin.

Les pathologies infectieuses sont la cause la plus fréquente de dyspnée silencieuse.