Nombreuses causes, symptômes très variés : la démarche diagnostique est complexe.
Malgré plus de 40 000 personnes touchées en France, cette maladie est peu connue. Le mot désigne un symptôme mais aussi un groupe hétérogène de troubles caractérisés par des mouvements anormaux liés à la survenue de contractions musculaires toniques, involontaires, intermittentes ou soutenues, entraînant torsion ou postures anormales. Ces mouvements volontiers stéréotypés, contrairement à la chorée, peuvent aussi être trémulants. Souvent initiés ou aggravés par les gestes volontaires, ils témoignent d’une activité musculaire débordante.1

Reconnaître une dystonie

En raison de ses manifestations variées, cette étape est parfois difficile, d’où un retard diagnostique qui peut aller de 3,7 ans pour la dystonie cervicale à 10 ans pour la crampe de l’écrivain.2
La dystonie peut concerner presque toutes les régions du corps, apparaître à n’importe quel âge, classiquement de façon progressive mais parfois brutalement, et s’accompagner d’autres manifestations neurologiques (myoclonies, spasticité, syndrome cérébelleux ou extrapyramidal…).
Les atteintes généralisées sont plus fréquentes chez l’enfant, contrairement aux formes focales ou segmentaires qui touchent davantage l’adulte (crampe de l’écrivain, torticolis spasmodique, blépharospasme).
Chez le nourrisson, on peut constater initialement une hypotonie axiale, suivie d’une dystonie périphérique. Les formes secondaires affectent plus volontiers l’enfant, ce qui incite à une recherche poussée de l’étiologie (IRM notamment). Si la dystonie se manifeste à cet âge, elle tend à s’aggraver avec le temps. En revanche, celle apparaissant chez l’adulte, plutôt focale ou segmentaire, reste limitée à la partie du corps touchée.
Pour faciliter le diagnostic, une classification récente a été établie selon 2 grands axes, le premier est clinique, le second étiologique (tableau).1 Certaines dystonies sont acquises, d’autres sont génétiques ou hérédodégénératives, mais le plus souvent, elles restent idiopathiques.
La prise de drogues et toxiques est à rechercher à l’interrogatoire (neuroleptiques, lithium, cocaïne…).
Une IRM est nécessaire pour vérifier l’absence de lésion cérébrale, notamment au niveau des noyaux gris centraux, ou chercher des éléments d’orientation (anoxie cérébrale, pathologie métabolique…).
Dans les formes focales, idiopathiques, typiques, l’IRM n’est pas systématique.
Chez l’adulte,les plus fréquentes sont dites primaires (dystonie isolée cliniquement avec un bilan complémentaire négatif). Deux groupes principaux : les dystonies focales, peu évolutives, et les primaires liées à un gène identifié comme la dystonie DYT1 survenant avant 26 ans et représentant plus de 60 % des formes débutant au niveau d’un membre.

Dystonies focales

Dystonie cervicale, crampe de l’écrivain, blépharospasme, dystonie oromandibulaire ou laryngée sont les plus courantes, avec une prévalence évaluée à 1/8 500 personnes.
Premières manifestations : des difficultés à réaliser facilement un mouvement (rotation de la tête, écriture) avec une impression de tension musculaire, rarement douloureuse.
Photosensibilité, intolérance au vent avec larmoiement, puis clignements involontaires peuvent révéler un blépharospasme (qui affecte les muscles des paupières).
Les symptômes sont la plupart du temps continus excepté dans les dystonies de fonction comme la crampe de l’écrivain (qui survient en écrivant, parfois dès la saisie du stylo ou après un délai) ou la dystonie du musicien qui ne se manifeste que lorsque le patient joue de son instrument.
Ils peuvent disparaître spontanément pendant quelque temps (rémission) et parfois à plusieurs reprises, mais ce phénomène est transitoire.

Dystonie cervicale

C’est la plus fréquente des dystonies focales, elle prédomine chez la femme (figure). Elle débute classiquement entre 30 et 60 ans. Des contractions involontaires des muscles du cou et des épaules entraînent des postures ou des mouvements anormaux de la tête et/ou du cou. Parfois visibles, elles peuvent induire une hypertrophie de certains muscles (sterno-cléido-mastoïdien…), avec un pli cutané plus marqué. Le patient peut corriger la posture par une manœuvre appelée geste antagoniste dont l’efficacité décroît avec la durée d’évolution. Elle consiste en un contact cutané léger de la main avec une ou deux zones du visage, par exemple se toucher le menton, appuyer sur l’arrière de la nuque ou presser légèrement la joue, qu’elle soit homo- ou controlatérale à la déviation principale.3

Blépharospasme

La fréquence et l’intensité des clignements augmentent jusqu’à une fermeture involontaire et parfois prolongée des paupières.
Le symptôme survient préférentiellement lorsque le sujet (classiquement âgé de plus de 50 ans) est actif (conduite automobile, marche à l’extérieur), dans un milieu lumineux. Il est soulagé par le repos et l’obscurité. D’autres muscles du visage peuvent aussi être atteints (ceux de la dystonie oromandibulaire), donnant le syndrome de Meige.

Dystonie de fonction

Elle est spécifique d’une tâche : chez l’écrivain, elle survient durant l’écriture, chez le trompettiste, elle peut affecter la bouche, chez un pianiste ou un guitariste les mains, empêchant la réalisation du geste désiré… Pour la compenser, d’autres muscles sont contractés, entraînant une douleur limitant la réalisation de la tâche. Afin de mettre en évidence les muscles impliqués, on demande au patient qui en souffre d’écrire de la main controlatérale. Apparaît alors, au niveau de la main dominante qui reste normalement au repos, un ou des mouvements reproduisant ceux de la main non dominante et témoignant de l’activité musculaire dystonique. C’est l’épreuve de « l’écriture en miroir ».

Dysphonie spasmodique

Touchant les muscles du larynx, elle altère la voix. Elle affecte préférentiellement les femmes et débute vers 40 ans. Le plus souvent isolée, elle s’accompagne d’une autre atteinte dystonique ou neurologique dans 18 % des cas. La forme la plus fréquente, muscles laryngés en adduction (85 % des malades), donne une voix hachée, forcée, rauque ou spasmée et une fatigue vocale (notamment au téléphone). Elle peut être améliorée par la colère et le cri. La dysphonie en abduction est plus rare, la voix est chuchotée, basse, essoufflée. Les 2 types peuvent être associés. Des difficultés à respirer sont parfois liées à une dyscoordination pneumophonique. La dystonie laryngée dyspnéisante, heureusement rare, peut mettre en jeu le pronostic vital par crise d’asphyxie liée à l’atteinte permanente des muscles constricteurs du larynx.

Dystonie oromandibulaire

Elle peut affecter les muscles de la mâchoire, des lèvres et de la langue à l’origine de mouvements involontaires à l’ouverture ou fermeture de la bouche, des lèvres (par compensation ou atteinte dystonique), de la langue, du muscle peaucier du cou... Le patient a des difficultés pour s’alimenter, pour déglutir ou pour parler, se mord fréquemment la langue ou l’intérieur des joues.

Affections métaboliques et hérédodégénératives

Sont évocateurs de dystonie non primaire : souffrance néonatale (infirmité motrice cérébrale…), dysmorphie, retard de développement, épilepsie, hémidystonie, début brutal, dystonie oromandibulaire prédominante, signes évocateurs d’une pathologie non neurologique (hépatomégalie, splénomégalie).
Ces dernières années, un grand nombre de gènes associés ont été identifiés. Les diagnostics, très nombreux et aux phénotypes variables, ne sont pas abordés ici.
Parmi les causes, de plus en plus de pathologies curables sont identifiées (déficit intracérébral en folates, en créatinine, en transporteur du glucose, maladie de Niemann-Pick type C…). La dystonie sensible à la L-dopa et la maladie de Wilson sont à connaître.

Dystonie sensible à la L-dopa

Y penser devant :
– des troubles de la marche dans l’enfance avec une dystonie des membres inférieurs s’aggravant en fin de journée ;
– toute dystonie, surtout en cas de fluctuations et de signes parkinsoniens, avec une IRM cérébrale normale ;
– une encéphalopathie précoce avec signes dysautonomiques.
Le tableau clinique peut être similaire à celui de la paralysie cérébrale infantile, ou à celui d’une dystonie focale débutant à l’âge adulte, ou même à un syndrome parkinsonien de l’adulte. La prévalence en Europe est estimée à 1-5 par million d’habitants, mais il faut y penser car elle est traitable facilement !
En cas de suspicion, il faut faire un test thérapeutique à la L-dopa : on débute avec de petites doses : 0,5 à 1 mg/kg et on augmente progressivement jusqu’à un pallier de 5 mg/kg pendant 4 semaines, puis si besoin, jusqu’à 600 mg chez l’adulte. L’essai doit durer au moins 3 mois car si certains ressentent rapidement l’effet de la dopa, d’autres l’éprouveront plus tard.
Le patient doit être adressé dans un centre spécialisé pour ponction lombaire avec étude des neurotransmetteurs du LCR.

Maladie de Wilson

Génétique, autosomique récessive, elle est due à une accumulation de cuivre essentiellement dans le foie et le système nerveux central. Les manifestations cliniques sont polymorphes, 40 % des patients ont une atteinte hépatique.
Les formes neurologiques s’observent volontiers chez l’adolescent plus âgé. Le tableau est alors très polymorphe, associant à des degrés variables tremblement, dysarthrie, dystonie focale notamment faciale – donnant un sourire sardonique – ou généralisée, troubles de l’écriture, de la déglutition. Les affections psychiatriques sont fréquentes, syndrome dépressif en particulier.

Prise en charge

En dehors des cas liés à une pathologie sous-jacente curable, le traitement de la dystonie est le plus souvent celui du symptôme moteur. Les médicaments Rivotril (clonazépam), Artane (chlor-hydrate de trihexyphénidyle), Xenazine (tétrabénazine) sont hélas décevants et non dénués d’effets secondaires. La kinésithérapie spécialisée est fondamentale.
Une démarche centrée sur le bien-être, la gestion du stress (sophrologie, yoga, prise en charge psychologique) est capitale en raison de l’impact de la maladie sur la qualité de vie, le stress étant un facteur aggravant.
Pour les dystonies focales, la toxine botulique, traitement de référence administré tous les 3 mois, est très efficace, en particulier dans le torticolis spasmodique et le blépharospasme. Injectée dans les muscles cervicaux, elle peut provoquer des troubles de la déglutition ; dans l’orbiculaire des paupières : ptosis possible.
Dans les formes sévères, les dystonies généralisée, ou focales, sous certaines conditions, une stimulation cérébrale profonde peut être proposée.
La chirurgie a des indications très limitées (dénervation périphérique dans la dystonie cervicale…).
Une prise en charge en service de neurologie spécialisé dans les pathologies du mouvement est recommandée.
Encadre

Formes particulières à connaître

Certaines dystonies se manifestent de façon paroxystique, le plus souvent chez le sujet jeune. La sémiologie et le caractère fluctuant des troubles ne doivent pas faire oublier les causes organiques ou iatrogènes sous-jacentes :

• les dystonies paroxystiques durant quelques secondes, minutes ou heures (principalement génétiques, occasionnellement symptomatiques) ;4

• les médicaments (Primpéran) ;

• les dyskinésies paroxystiques kinésigéniques ou non kinési- géniques d’origine génétique, induites par l’exercice ;4

• la SEP ou un AVC ;

• les mitochondriopathies (dont le déficit en pyruvate déshydro- génase) ;

• l’hypoparathyroïdie, l’hypothyroïdie, le trouble du transfert de la T3 ;

• l’hémiplégie alternante liée au gène ATP1A3.

La dystonie DYT12 liée également à une mutation sur le gène ATP1A3 peut s’installer rapidement en quelques heures, au décours d’un stress, et être prise à tort pour une manifestation neurofonctionnelle.4

références
1. Albanese A, Bhatia K, Bressman SB, et al. Phenomenology and classifi-cation of dystonia: a consensus update. Mov Disord 2013;28:863-73.

2. Macerollo A, Superbo M, Gigante AF, Livrea P, Defazio G. Diagnostic delay in adult-onset dystonia: data from an Italian movement disorder center. J Clin Neurosci 2015;22:608-10.

3. Müller J, Wissel J, Masuhr F, Ebersbach G, Wenning GK, Poewe W. Clinical characteristics of the geste antagoniste in cervical dystonia. J Neurol 2001;248:478-82.

4. Méneret A, Roze E. Paroxysmal movement disorders: An update. Rev Neurol (Paris) 2016;172:433-45.

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essentiel

Avant 3 ans : dystonie rarement isolée, chercher une cause hérédodégénérative +++.

Entre 3 et 26 ans : parfois isolée, elle tend à se généraliser et peut avoir une explication génétique (dystonie primaire de type DYT1). Chercher aussi une cause neurologique.

Après 26 ans, plus souvent focale ou segmentaire, elle peut être primaire ou secondaire. En présence de tableaux neurologiques plus complexes, évoquer une cause hérédodégénérative.

IRM si sujet jeune, distribution hémicorporelle, autres signes neurologiques, installation rapide (en l’absence de prise de neuroleptique).

Adresser à un neurologue spécialisé dans les troubles du mouvement.

Prise en charge multidisciplinaire (kiné, psychologue, neurologue) à 100 % (ALD hors liste).