Pour évaluer le risque cardiovasculaire dans la population active asymptomatique, un ECG de repos est couramment réalisé au Japon, mais son intérêt pronostique n’est pas bien établi. Une étude de cohorte à l’échelle nationale parue dans le JAMA est édifiante.

Examen non invasif, un ECG de repos systématique annuel est réalisé au Japon chez les personnes d’âge moyen, afin d’identifier précocement les sujets asymptomatiques à risque cardiovasculaire et de mettre en œuvre une prévention. Cette approche repose sur certaines études, qui sont toutefois anciennes et ont de nombreuses limites.

Aussi, une équipe japonaise a mené une étude de cohorte nationale incluant plus de 3,5 millions d’adultes japonais en âge de travailler inscrits au programme national de contrôle annuel de la santé, l’objectif étant d’analyser le lien entre les résultats de l’ECG et le risque d’événements cardiovasculaires. Outre son ampleur, l’originalité de cet essai, par rapport aux études antérieures, repose sur le fait que les auteurs se sont intéressés à un large panel d’anomalies de l’ECG, y compris des mineures (par exemple : bloc de branche droit, amplitude anormale des ondes P ou T, bradycardie sinusale, extrasystoles…).

L’étude , parue dans le JAMA Internal Medicine , a inclus un total de 3 698 429 sujets ayant passé un ECG en 2016 sans antécédents de maladie cardiovasculaire ou d’anomalies majeures de l’ECG l’année précédente. Les participants ont été suivis pendant 5 ans. L’âge moyen était de 47,1 ans, 33,4 % étaient des femmes et 66,6 % des hommes. La prévalence de l’hypertension était de 14,1 % ; du diabète, 3,6 % ; de la dyslipidémie, 8,1 %.

Parmi les personnes incluses, 1,5 % avaient des anomalies majeures de l’ECG, 16,8 % une anomalie mineure et 3,9 % avaient deux ou plus de deux anomalies mineures. Les sujets avec une anomalie majeure de l’ECG étaient plus âgés et avaient plus de comorbidités comparativement à ceux sans anomalie majeure de l’ECG.

Corrélation entre le risque CV et les anomalies à l’ECG

Les auteurs ont évalué le risque composite de décès, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral et insuffisance cardiaque. L’incidence de ces événements a été de 92,7 cas pour 10 000 personnes-années chez les personnes sans anomalies à l’ECG, de 128,5/10 000 personnes-années chez celles ayant une anomalie mineure, de 159,7/10 000 personnes-années chez celles ayant au moins deux anomalies mineures et 266,3 / 10 000 personnes-années en cas d’anomalie majeure.

Ainsi, une anomalie mineure était associée à une augmentation de 19 % du risque de décès ou de pathologie cardiovasculaire majeure. Le risque était augmenté de 37 % avec deux anomalies mineures ou plus et il était pratiquement doublé en cas d’anomalie majeure. Ces élévations de risque étaient observées après prise en compte des comorbidités.

Par ailleurs, les analyses de régression multivariée de Cox ont montré que, parmi les 29 types d’anomalies mineures, 18 étaient associées à une incidence accrue du risque composite : par exemple, le hazard ratio (HR) pour le bloc auriculo-ventriculaire (phénomène de Wenckebach) était de 2,06 [IC à 95 %, 1,26 - 3,36] ; pour l’amplitude élevée de l’onde P, 1,91 [IC à 95 %, 1,71 - 2,12] ; pour la haute tension ventriculaire gauche, 1,71 [IC à 95 %, 1,67 - 1,75] ; pour le changement non spécifique de l’onde ST-T, 1,70 [IC à 95 %, 1,63 - 1,77] ; et pour l’onde T anormale, 1,56 [IC à 95 %, 1,52 - 1,60]. Parmi les 24 types d’anomalies majeures de l’ECG, 19 étaient associées à une incidence accrue du risque composite.

Les chercheurs japonais ont également noté que le fait d’avoir une ou plusieurs anomalies mineures augmentait le risque d’avoir une anomalie majeure à l’ECG par la suite.

En effet, le modèle de régression multivarié de Cox a montré que les personnes avec des anomalies mineures de l’ECG étaient à haut risque de développer une nouvelle anomalie majeure de l’ECG après ajustement pour les confondants potentiels (HR ajusté, 2,52 [IC à 95 %, 2,49 - 2,55] pour une anomalie mineure de l’ECG et 3,61 [IC à 95 %, 3,55 - 3,67] pour ≥ 2 anomalies mineures de l’ECG).

Qu’en retenir ?

Dans cette étude de cohorte nationale portant sur plus de 3,5 millions d’adultes actifs au Japon, les anomalies de l’ECG de repos étaient associées à une incidence accrue de décès global et d’hospitalisation liée aux maladies cardiovasculaires. Elles étaient également associées de manière indépendante à une incidence accrue de développement d’une nouvelle anomalie majeure de l’ECG.

Ces résultats confirment donc que le dépistage systématique par ECG peut aider à identifier les sujets à haut risque de développer des événements cardiovasculaires.

Les auteurs soulignent toutefois que ces résultats, s’ils identifient des personnes à risque, ne prouvent pas que des interventions qui pourraient être mises en place auraient un bénéfice, et que des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les stratégies de suivi optimales pour les anomalies majeures et mineures de l’ECG.

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