Facile d’accès, peu coûteuse, non irradiante, l’échocardiographie s’est imposée comme une imagerie incontournable dans l’évaluation des pathologies cardiovasculaires (CV). Le champ des indications et des opérateurs s’est élargi grâce notamment au développement de nouveaux outils ultraportables. Et si les médecins généralistes de demain disposaient au cabinet d’un appareil de ce type en complément ou même à la place du stéthoscope ?
Le principe physique de l’image échographique est fondé sur la propagation d’ondes ultrasonores et leurs interactions avec le milieu tissulaire (les ondes – en se réfléchissant sur les parois des organes – produisent un écho, dont le retour fournit des images de la zone examinée). Les applications cliniques sont nombreuses : évaluation d’affections cardiovasculaires aiguës, appréciation/suivi de la fraction d’éjection ventriculaire gauche, analyse et retentissement des valvulopathies, estimation des pressions artérielles pulmonaires, d’un épanchement péricardique…

Petit mais moins complet

Les ultraportables sont des appareils sans fil fonctionnant sur batterie (autonomie : 1 heure) et pesant moins de 1 kg. Plusieurs sont disponibles avec des spécificités variables, selon le constructeur. L’écran – souvent équivalent à celui d’un smartphone – et la sonde sont de taille réduite (fig. 1).1 Grâce à des applications, mobiles, smartphone ou tablette servent d’écrans, une fois connectés à la sonde de l’échographe. Cependant, actuellement, l’évaluation morphologique et fonctionnelle est partielle. Notamment il n’y a pas de quantification hémodynamique par étude des flux en doppler pulsé, continu et tissulaire. Seule l’analyse bidimensionnelle (2D), le doppler couleur et des modalités de mesures limitées sont possibles avec ce type d’appareil. Les résultats sont bien corrélés à ceux des échographies classiques (notamment FEVG et épanchement péricardique ; fig. 2).
Selon les recommandations 2011 de la Société européenne d’imagerie cardiovasculaire,2 l’échographie ultraportable doit être utilisée comme outil complémentaire à l’examen clinique et ne remplace pas une évaluation échocardiogra- phique complète (on doit informer le patient des limites de la machine ; tableau).

Formation : indispensable

Cet examen ciblé du système cardiovasculaire doit être effectué par un médecin préalablement formé. Prolongement de l’examen clinique, il est pratiqué selon un protocole préétabli d’acquisition d’image, et doit être considéré comme une aide au diagnostic.
Il a fait l’objet de recommandations de la Société américaine d’échocardiographie.3 De nombreuses études ont évalué son intérêt dans les SAU, les SAMU et en réanimation.
Une formation complète est indispensable pour une utilisation appropriée et précise.
Aux médecins non cardiologues, la dernière conférence de consensus (2018) de la Société européenne d’imagerie cardiovasculaire4 recommande :
– une formation théorique sur les ultrasons, l’anatomie et la fonction cardiaque, la genèse des images, les maladies CV ;
– un programme pratique d’interprétation d’examens ;
– et un entraînement à l’acquisition des images.

Applications cliniques

En comparaison avec une échocardiographie classique, différentes structures peuvent être analysées, avec de bonnes sensibilité et spécificité.
Taille et fonction globale du VG. L’interprétation de troubles de la cinétique segmentaire (évoquant une atteinte artérielle coronaire) est cependant plus difficile et requiert une échographie complète faite par un cardiologue sur une machine plus perfectionnée, disposant de toutes les modalités ultrasonores de quantification.
Taille des cavités droites et pression dans l’oreillette droite. Cette dernière via l’analyse du diamètre de la veine cave inférieure (valeur seuil 21 mm) et de sa compliance (< ou > 50 % de variation de calibre entre l’inspiration, dimensions minimales, et l’expiration, dimensions maximales). Une VCI fine (< 21 mm) et compliante (variation > 50 %) est associée une POD à 3 mmHg ; dilatée (> 21 mm) et non compliante (variation < 50 %) : la POD est à 15 mmHg.
Valvulopathies. L’échographie ultra- portable confirmerait les résultats d’une auscultation anormale et aurait aussi un rôle dans le dépistage des vices valvulaires, aboutissant à une sténose ou à une régurgitation. Lorsque l’atteinte des valves dépasse le stade modéré, une échographie plus complète est nécessaire.
Aorte, notamment en cas de suspicion de syndrome aortique aigu (dissection, hématome intramural, ulcère athéromateux pénétrant).
Épanchement péricardique et/ou tamponnade.
Insuffisance cardiaque, en particulier pour guider la démarche diagnostique (fonction ventriculaire gauche, statut volémique).
Patient en soins intensifs (évaluations itératives des fonctions ventriculaires et du statut volémique).
L’échocardiographie occupe une place croissante dans la pratique quotidienne du cardiologue et de plus en plus du non-cardiologue s’il a bénéficié d’une formation adéquate. Grâce aux progrès technologiques et à une intégration progressive dans le programme de formation des futurs médecins (y compris généralistes), l’échographie ciblée réalisée sur une machine ultraportable en extrahospitalier pourrait devenir un outil d’utilisation quotidienne.
Encadre

Glossaire

Bidimensionnel (2D) : modalité échocardiographique permettant de reconstruire une image anatomique cardiaque en 2 dimensions en mouvement grâce à la juxtaposition de lignes ultrasonores.

Doppler : modalité permettant l’évaluation des vélocités sanguines.

Doppler couleur : réalise une cartographie en 2 dimensions des flux sanguins et de leur direction. Localise les fuites valvulaires et les communications anormales entre 2 cavités.

Doppler pulsé : enregistre les flux à basse vitesse (< 1,5 m/s) et permet une analyse localisée du flux en regard de la position du volume d’échantillonnage. Mesure les débits cardiaques, notamment au niveau des valves aortiques pulmonaires et mitrales.

Doppler continu : enregistre les flux à haute vélocité et analyse en continu le trajet du faisceau ultrasonore.

Doppler tissulaire : permet l’acquisition des vitesses intra-myocardiques.

Références
1. Chamsi-Pasha MA, Sengupta PP, Zoghbi WA. Handheld Echocardiography: Current State and Future Perspectives. Circulation 2017;136:2178-88.
2. Sicari R, Galderisi M, Voigt JU, et al. The use of pocket-size imaging devices: a position statement of the European Association of Echocardiography. Eur J Echocardiogr 2011;12:85-7.
3. Spencer KT, Kimura BJ, Korcarz CE, Pellikka PA, Rahko PS, Siegel RJ. Focused Cardiac Ultrasound: Recommendations from the American Society of Echocardiography. J Am Soc Echocardiogr 2013;26:567-81.
4. Neskovic AN, Skinner H, Price S, et al. Focus cardiac ultrasound core curriculum and core syllabus of the European Association of Cardiovascular Imaging. Eur Heart J Cardiovasc Imaging 2018;19:475-81.

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essentiel

Nouvel outil utile, en complément de l’examen clinique.

Il ne remplace pas une évaluation échocardiographique et doppler complète avec quantification morphologique et hémodynamique.

Examen ciblé du système cardiovasculaire réalisé le plus souvent sur un appareil portable/ultraportable. Formation indispensable.

Nombreuses applications pratiques : évaluation de la taille et fonction VG/VD, valvulopathie, aorte, péricarde, volémie…