Il faut saluer la tenue de la première session des Examens cliniques objectifs et structurés (Ecos) qui se sont déroulés sur deux journées, fin mai, dans l’ensemble des facultés de médecine de France.
C’est une première et une gageure.
Première car, de façon inédite – et au-delà de l’intention maintes fois répétée au cours des dernières décennies sans jamais être véritablement appliquée –, le comportement pratique et clinique des étudiants en médecine a fait l’objet d’une évaluation décisive pour la suite de leur cursus de formation. En corollaire, on peut espérer un recul du bachotage des QCM et assimilés, devenu prépondérant depuis quelques années.
Et une gageure en raison de la prouesse logistique que constitue l’organisation simultanée (à la minute près), dans une trentaine de sites universitaires distincts sur l’ensemble du territoire métropolitain, d’épreuves cliniques qui impliquent, pour chaque étudiant (et pour un effectif total de près de 9 000 étudiants !), d’accomplir un parcours où elle ou il est invité(e) à résoudre différentes situations pratiques, dans un temps bref et limité ; le tout dans des conditions rigoureuses de confidentialité. Prouesse « logistique » également quand on évoque la mobilisation de milliers de personnels administratifs et hospitalo-universitaires des facultés, afin d’assurer le bon déroulement des Ecos ; avec une mention particulière pour les « binômes » d’enseignants (un enseignant local et un second extérieur à la faculté) qui se sont succédé pendant une longue journée pour assurer une double correction/notation, sur grille critériée, de chaque étudiant pour chacune des situations cliniques du parcours. Bref, une réussite alors que des doutes pouvaient prévaloir.1
Au-delà, il faut maintenant s’interroger sur le devenir de ces Ecos. D’abord du point de vue pédagogique. Les Ecos sont en réalité une « francisation », via un passage par le Québec et l’Amérique du Nord, d’une méthode d’évaluation des étudiants mise au point voilà près de cinquante ans par un fameux pédagogue de l’université écossaise de Dundee, le professeur désormais émérite Ronald M. Harden. Harden souhaitait que le comportement clinique des étudiants soit réellement pris en compte dans le cursus. À cette fin, il avait mis au point les OSCE* (objective structured clinical examination, à prononcer OSKEEE avec l’accent écossais). Il importe maintenant d’analyser ces Ecos réalisés en France en 2024 – notamment leur pouvoir discriminant – et de déterminer pour l’avenir les compétences cliniques à développer et évaluer prioritairement chez les futurs médecins. On sait bien qu’en raison de la « loi de l’apprentissage » énoncée par le psychologue Edward Thorndike, voilà près d’un siècle, ce qui détermine la façon d’apprendre des étudiants, c’est la forme que prend l’évaluation.
Toujours du point de vue pédagogique, il faut surtout se demander si les Ecos doivent persister comme épreuve « classante » dans la procédure d’accès à l’internat et de choix de spécialité, ou bien s’il faut les maintenir uniquement comme épreuve « validante » dont la réussite serait nécessaire pour accéder au troisième cycle ; en effet, l’intervention humaine dans la réalisation des Ecos (autant dans la conception des diverses situations cliniques que dans leur correction/notation par les binômes d’enseignants) est de nature à se traduire par des « défauts d’objectivité » et, en conséquence, à susciter des contestations.
Dans cette dernière éventualité, d’autres modalités d’organisation devraient être envisagées pour soulager le poids du lot d’incertitudes et d’angoisses qu’ont dû supporter autant les étudiants que les enseignants au cours de cette dernière semaine de mai 2024 et, plus largement, tout au long des deux ou trois dernières années de mise en œuvre de la réforme. Au-delà, il faut souhaiter que la publication imminente du classement final ne provoque pas des contestations d’où pourraient prospérer les contentieux.