Le taux de CPK peut être augmenté dans de nombreuses situations, physiologiques ou pathologiques, ou après la prise de certains médicaments comme les statines. Comment s’orienter ? Une fiche pour la pratique.

Les créatine phosphokinases (CPK) comprennent trois iso-enzymes :

  • CPK-MM (95 %), d’origine musculaire ;
  • CPK-MB (5 %) venant du muscle cardiaque ;
  • CPK-BB, d’origine diverse. Pas de formes circulantes.

Pas toujours pathologique

Des élévations physiologiques sont observées dans les situations suivantes :

  • sujets à peau noire ;
  • personne à forte masse musculaire (taux 2 à 3 fois > à la norme) ;
  • à la suite de tout effort physique (décroissance progressive durant 1 à 2 semaines après arrêt de l’effort) ;
  • chez les athlètes (course, football, natation…), taux parfois 2 à 6 fois plus élevé que chez les non-sportifs ;
  • après toute chirurgie ou accouchement ;
  • après injection IM (classiquement, surtout pour les AINS, pic à 12 heures) ;
  • après un électromyogramme.

En dehors de ces situations particulières, une élévation des CPK signe une souffrance cellulaire. On peut alors distinguer 2 grands contextes : les étiologies qui relèvent de l’urgence (atteinte cardiaque ou rhabdomyolyse aiguë) et les causes subaiguës-chroniques (musculaires ou non).

En contexte d’urgence

Origine cardiaque :

  • infarctus du myocarde (élévation 4 à 8 heures après l’ischémie, avec un pic à 24-36 heures, normalisation en 3 à 6 heures). Mais ce marqueur est depuis longtemps supplanté par la troponine, qui monte beaucoup plus rapidement ;
  • toute lésion du muscle cardiaque : myocardite, tachycardie ventriculaire, syndrome de Tako-Tsubo ou geste endomyocardique (biopsie).

Écrasement musculaire :

  • traumatique ou séjour au sol prolongé ;
  • crush syndrome : manifestations locales et générales secondaires à l’ischémie prolongée de masses musculaires importantes, liées à une compression intense et durable ;
  • l’élévation des CPK témoigne de l’intensité de la myolyse et du risque d’insuffisance rénale secondaire.

Origine infectieuse :

  • virale : grippe, Coxsackie ;
  • bactérienne : fasciites nécrosantes, pyomyosite (infection musculaire par staphylocoque) ;
  • parasitaire : trichinellose (zoonose par ingestion de viande de porc ou chevaline).

Hyperthermie maligne :

  • d’effort : en contexte de forte chaleur (course sous le soleil) ;
  • anesthésique : déclenchée par halothane, curarisant, sur terrain génétique particulier.

Épilepsie généralisée :

  • hausse maximale 3 heures après la crise, taux parfois élevés ;
  • peut contribuer au diagnostic si perte de connaissance sans témoin.

Médicaments : toujours y penser

Les statines sont le plus souvent en cause :

  • chez environ 10 % des patients traités : myalgies, crampes, fatigabilité. Dans 7 % des cas, les CPK sont augmentées ;
  • chez environ 0,1 % des sujets : rhabdomyolyses sévères en début de traitement ;
  • augmentation favorisée par certaines circonstances (encadré 1) ;
  • attention : les CPK peuvent rester élevées 2 à 3 mois après l’arrêt de la statine ;
  • modalités de surveillance précises (encadré 2).

En cas de persistance très à distance de l’arrêt, évoquer une myopathie sous-jacente, ou la très rare myosite nécrosante induite avec anticorps anti-HMG CoA réductase.

Fibrates : souvent incriminés.

Autres hypolipémiants :

  • sous lécithine de soja, quelques cas de rhabdomyolyse ont été rapportés ;
  • la levure de riz rouge, proposée en substitut des statines, contient une substance très proche de la lovastatine : elle a les mêmes inconvénients que les autres statines.

Autres médicaments en cause :

  • antirétroviraux (zidovudine et dérivés) ;
  • inhibiteurs de protéine kinase (bosutinib indiqué dans la LMC) ;
  • colchicine au long cours (neuromyopathies proximales), hydroxychloroquine.

Toxiques

Le plus fréquent : alcoolisme (CPK augmentées dans 40 à 50 % après ivresse aiguë).

Cocaïne, opioïdes.

Intoxication aux produits industriels : organophosphorés, toluène…

Envenimation par vipéridés, ciguatera (intoxication alimentaire à phycotoxines marines), ingestion de champignons (Tricholome equestre).

Myopathies

Myopathies inflammatoires

Rares, aiguës ou subaiguës, elles associent myalgies, faiblesse musculaire, et le plus souvent syndrome inflammatoire et franche élévation des CPK. Divers anticorps (regroupés dans le Dot Myosite) contribuent au diagnostic.

Dermatomyosites/polymyosites classiques :

  • CPK 2 à 50 fois la normale ;
  • faiblesse musculaire à prédominance proximale ;
  • association possible de signes cutanés : œdème liliacé des paupières, lésions érythémato-squameuses du dos des mains, inflammation de la sertissure unguéale (signe de la manucure) ;
  • respiration et déglutition parfois menacées ;
  • néoplasie sous-jacente à rechercher systématiquement.

Autres myosites :

  • certaines s’associent à des pneumopathies interstitielles (syndrome des antisynthétases…), d’autres accompagnent des maladies systémiques, dont la sclérodermie ;
  • myosites à inclusions (début plus subaigu, histologie spécifique).

Myopathies métaboliques

Après effort, survenue d’une rhabdomyolyse franche : myalgies, faiblesse, parfois myoglobinurie (CPK très élevés en phase aiguë). Le plus souvent, une anomalie génétique est retrouvée (maladie de McArdle, déficit en carnitine palmitoyltransférase [CPT]). Le diagnostic repose sur la biopsie musculaire.

Myopathies dégénératives

Souvent, du fait de l’histoire familiale, elles sont assez facilement diagnostiquées chez l’enfant. Le diagnostic est parfois tardif chez l’adulte (faiblesse musculaire progressive prédominant aux ceintures et élévation permanente des CPK).

Causes diverses

Neurologiques : SLA, atrophies musculaires spinales.

Endocrinologiques : l’hypothyroïdie peut s’accompagner d’une élévation de 5 à 6 N des CPK.

Syndrome d’apnées du sommeil : 30 % d’élévation modérée des CPK qui régresse sous ventilation nocturne.

Élévation asymptomatique chronique isolée

En cas d’une hausse non expliquée par les causes citées précédemment, il faut évoquer une anomalie génétique (mutation du gène de la Cavéoline-3) ou penser aux Macro-CPK (liaison de la CPK avec une macromolécule sérique responsable d’une élévation artéfactuelle de l’activité enzymatique correspondante).

En pratique

Devant une élévation de CPK :

  • la confirmer par des dosages répétés à distance de l’effort physique (> 1 à 2 semaines après), des IM ou du traitement hypolipémiant (2 ou 3 mois) ;
  • éliminer les causes physiologiques, un alcoolisme ou la prise de toxique, ainsi qu’une éventuelle hypothyroïdie ;
  • rechercher des myalgies, un déficit moteur discret, une symptomatologie d’effort, des signes associés (au niveau de la peau, des articulations, neurologiques…) ;
  • doser les marqueurs de l’inflammation (VS – CRP-fibrinogène) et éventuellement les auto-anticorps ;
  • si augmentation stable et isolée, on pensera aux anomalies génétiques ou aux macro-CPK ;
  • en cas de signes cliniques, CPK > 5 N et/ou dont le taux est croissant, syndrome inflammatoire, histoire familiale, orienter le patient vers un spécialiste pour réaliser un électromyogramme voire une biopsie musculaire en milieu spécialisé (seul examen qui permet un diagnostic de certitude d’une myopathie).

Encadre

1. Facteurs favorisant ou aggravant la toxicité musculaire des statines

Anomalies constitutionnelles du cytochrome P450

Association à d’autres médicaments : fibrates, macrolides, digoxine, amiodarone, diltiazem, warfarine, imidazolés, ciclosporine

Prise d’alcool, jus de pamplemousse et canneberge

Hypothyroïdie

Insuffisance rénale et hépatique

Âge avancé

Origine asiatique

Encadre

2. Que faire en cas de myalgies sous statines ?

Selon les recommandations 2019 de prise en charge des dyslipidémies :

1. Évaluer le lien avec le traitement.

2. Analyser si les symptômes justifient la modification du traitement.

3. Doser les CPK. Si elles sont :

  • < à 4 fois la normale : proposer un arrêt de 2-4 semaines. Si les symptômes persistent, rechercher une autre cause. Si les symptômes s’améliorent, changer de dose et/ou de statine ;
  • > à 4 fois la normale : proposer un arrêt de 6 semaines et essayer une autre statine à faible dose.

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