L’augmentation de l’activité des transaminases est le reflet d’une atteinte hépatique ; elle est associée à la mortalité par maladie du foie. Ces enzymes hépatiques pourraient être aussi des marqueurs de mortalité toutes causes confondues, donc non liées au foie, incluant surtout les maladies cardio- ou cérébrovasculaires, le diabète et les cancers.1
Les deux enzymes, alanine aminotransférase (ALAT) et aspartate aminotransférase (ASAT), sont libérées dans la circulation sanguine lorsque la membrane des hépatocytes est lésée. Il existe une mauvaise corrélation entre l’importance de l’atteinte hépatique et le niveau des transaminases. L’ALAT est essentiellement présente dans le foie et est donc un marqueur plus spécifique d’une atteinte hépatique. La cytolyse est définie par une augmentation isolée des transaminases, quelle que soit cette augmentation, au-dessus de la valeur de référence du laboratoire.2 Lorsqu’il existe une cytolyse, il faut rechercher une cause hépatique, quelles que soient l’importance de la cytolyse et sa durée. Le bilan sanguin doit être complété par le dosage sérique des phosphatases alcalines, de la gamma-glutamyltransférase (GGT), de la bilirubine afin de rechercher s’il existe une cholestase associée et une insuffisance hépatocellulaire évaluée par les valeurs du taux de prothrombine, de l’albumine et de l’hémogramme.
Cinq circonstances
– La mise en évidence d’une augmentation des transaminases chez un patient asymptomatique est plus en faveur d’une atteinte chronique, donc évoluant depuis plus de trois mois au moins.
– En cas de maladie hépatique connue, le dosage des transaminases fait partie de la surveillance. L’importance de l’augmentation n’est habituellement pas un facteur de gravité de la maladie initiale mais peut être le témoin d’une acutisation. Une augmentation de l’ASAT au-dessus de celle de l’ALAT est en faveur d’une évolution cirrhogène dans les hépatites virales chroniques.
– Une cytolyse aiguë est le signe d’une situation sévère pouvant nécessiter une prise en charge urgente.
– Une augmentation des transaminases liée non pas à la cytolyse mais à la cholestase est définie par une augmentation des phosphatases alcalines associée le plus souvent à une augmentation de la GGT. L’échographie abdominale est l’examen de première intention pour préciser la cause intra- ou extrahépatique.
– L’évaluation en population générale de la fibrose hépatique se fait par une méthode non invasive, en particulier le FIB-4 (
Chez un patient asymptomatique
La première étape est d’obtenir une histoire complète de la maladie afin d’identifier les principales causes d’augmentation des transaminases, qu’elles soient hépatiques ou non hépatiques (
Il faut être systématique, car deux causes peuvent être associées : par exemple, une hépatite virale et une hépatite auto-immune. Lorsque ce premier bilan est négatif ou à l’inverse qu’une cause est trouvée, le patient doit être référé à un hépato-gastroentérologue pour le bilan complémentaire et le traitement.
Outre la cause de la cytolyse, il est nécessaire d’évaluer les conséquences et surtout la fibrose hépatique, qui est le processus cicatriciel secondaire à l’inflammation et qui peut être importante alors même que la cytolyse est minime et en l’absence de signes cliniques. Une évaluation de la fibrose hépatique est donc recommandée. Si l’élasticité est en faveur d’une fibrose hépatique significative en faveur d’une cirrhose et/ou d’une hypertension portale, le patient doit être adressé à un hépato-gastroentérologue.4
Consommation excessive d’alcool
Le diagnostic n’est pas toujours facile car les patients ont du mal à reconnaître une consommation excessive. Une augmentation préférentielle de l’ASAT avec un rapport ASAT/ALAT supérieur ou égal à 2 est en faveur d’un excès de consommation. Une augmentation associée de la GGT, même si elle n’est pas spécifique, est en faveur de l’origine alcoolique. Le questionnaire AUDIT peut aider au diagnostic et à la prise en charge.
Cause médicamenteuse
La recherche d’une origine médicamenteuse nécessite un interrogatoire très méticuleux. Un antécédent d’anomalie du bilan hépatique antérieur conjointement à la prise médicamenteuse est évocateur (
Causes virales
Les deux virus les plus fréquemment responsables d’hépatite virale chronique sont le virus de l’hépatite C (VHC) et celui de l’hépatite B (VHB). Même si les recommandations françaises sont de tester les personnes ayant un facteur de risque d’infection par le VHC (usager ou ex-usager de drogues, transfusion avant 1992), une sérologie pour le VHC est justifiée et complétée par une polymerase chain reaction (PCR) pour le VHC en cas de positivité de la sérologie. Dès que l’infection chronique par le VHC est confirmée, un traitement d’éradication de ce virus doit être proposé. L’évaluation de la fibrose hépatique est recommandée avant d’envisager le traitement qui permet l’éradication virale dans près de 100 % des cas. Le diagnostic d’hépatite chronique virale B repose sur la recherche de l’antigène HBs et, en cas de positivité, sur une PCR pour l’ADN du VHB. Une sérologie B positive justifie une recherche d’une infection delta (VHD) associée en effectuant dans un premier temps une sérologie delta complétée par une PRC pour le VHD si elle est positive. Le traitement de l’hépatite chronique virale B sera discuté par l’hépatologue. La biopsie hépatique n’est pas obligatoire avant d’envisager un traitement anti-VHB.
Hémochromatose
L’hémochromatose est une maladie génétique fréquente. Le coefficient de saturation de la transferrine dosé à jeun et supérieur à 45 % à deux reprises doit faire rechercher la mutation C282Y du gène HFE avec un bilan martial complet. Le diagnostic posé, le bilan est complété en fonction du stade de la maladie et la prise en charge par saignées adaptée. En fonction du contexte, la recherche d’autres mutations et l’évaluation de la surcharge en fer par une IRM hépatique et/ou splénique relèvent des centres de référence.
Stéatose hépatique et stéatohépatite non alcoolique
Ce sont des causes très fréquentes d’élévation des transaminases (
Hépatite auto-immune
Il faut évoquer ce diagnostic après avoir éliminé les autres causes plus fréquentes d’hépatopathies, en particulier médicamenteuse. L’électrophorèse des protides avec une hypergammaglobulinémie oriente le diagnostic. L’élévation des immunoglobulines de type G justifie de doser les auto-anticorps. Le diagnostic est confirmé par la biopsie hépatique.
Maladie de Wilson
Cette maladie est à évoquer si des signes neurologiques ou neuropsychiatriques sont présents. Le diagnostic, en consultation spécialisée, repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques.
Déficit en alpha-1-antitrypsine
Il faut y penser en présence de signes pneumologiques, même s’ils peuvent manquer, et doser dans un premier temps l’alpha-1-antitrypsine et, en cas de déficit confirmé, adresser en consultation spécialisée de pneumologie.
En l’absence de cause hépatique trouvée, il faut rechercher une cause non hépatique (
Prise en charge
En cas de stéatose ou de stéatohépatite, il n’y a pas de médicament recommandé. La prise en charge est hygiéno-diététique et adaptée en fonction du terrain (diabète, obésité morbide) : régime alimentaire et activité physique ; une réduction de 10 % du poids permet une diminution significative de la stéatose.
En cas de cytolyse aiguë sévère, le patient doit être hospitalisé ; en cas d’insuffisance hépatocellulaire avec diminution du taux de prothrombine, voire de survenue d’une encéphalopathie en faveur d’une hépatite fulminante, il doit être transféré dans un centre de transplantation hépatique.
La mise en évidence d’un marqueur de fibrose élevé justifie un avis spécialisé.
1. Yuwaki K, Shimazu T, Yamagiwa Y, et al. Association between serum liver enzymes and all-cause mortality: The Japan Public Health Center-based Prospective Study. Liver Int 2019;39(8):1566-76.
2. Newsome PN, Cramb R, Davison SM, et al. Guidelines on the management of abnormal liver tests. Gut 2018;67(1):6-19.
3. Pratt DS, Kaplan MM. Evaluation of abnormal liver-enzyme results in asymptomatic patients. N Engl J Med 2000;342(17):1266-71.
4. Boursier J, Vergniol J, Guillet A, et al. Diagnostic accuracy and prognostic significance of blood fibrosis tests and liver stiffness measurement by FibroScan in non-alcoholic fatty liver disease. J Hepatol 2016;65(3):570-8.
5. Srivastava A, Gailer R, Tanwar S, et al. Prospective evaluation of a primary care referral pathway for patients with non-alcoholic fatty liver disease. J Hepatol 2019;71(2):371-8.