Toute découverte d’une élévation des transaminases hépatiques, même modérée et chez un patient asymptomatique, doit faire rechercher une cause. La démarche étiologique doit être systématique car deux origines peuvent être associées. Une fiche illustrée d’un arbre décisionnel.

Une élévation du taux des aminotransférases au-dessus de la valeur de référence du laboratoire relève une cytolyse. Il a été montré que l’élévation chronique (> 3 mois) des transaminases est associée à une augmentation du risque de mortalité.

Les deux enzymes, alanine aminotransférase (ALAT) et aspartate aminotransférase (ASAT), sont libérées dans la circulation sanguine lorsque la membrane des hépatocytes est lésée, mais il y a une mauvaise corrélation entre l’importance de l’atteinte hépatique et le niveau des transaminases. L’ALAT est essentiellement présente dans le foie et est un marqueur plus spécifique de l’atteinte hépatocellulaire. Les ASAT sont des enzymes présentes dans le foie, mais aussi dans les cellules musculaires cardiaques et squelettiques, le rein, le cerveau, le pancréas, les poumons, les leucocytes et érythrocytes.

Ainsi, devant une hausse isolée des ASAT, il faut éliminer une origine musculaire, liée à une pathologie du muscle ou un effort physique, par un dosage de la créatine phosphokinase (CPK) sérique ; exceptionnellement, elle est le signe d’une hémolyse ou de la formation de macro-ASAT (complexes entre ASAT et les immunoglobulines identifiables par électrophorèse des isoenzymes).

Attention : une augmentation des transaminases liée non pas à la cytolyse mais à la cholestase est définie par une augmentation des phosphatases alcalines associée le plus souvent à une augmentation de la GGT (dans ce cas, l’échographie abdominale est indiquée en 1re intention pour préciser la cause).

Cause : hépatique ou non ?

Chez un patient asymptomatique, la première étape est d’identifier les causes de l’augmentation des transaminases, qu’elles soient hépatiques ou non (encadré 1).

Il faut être systématique, car deux origines peuvent être associées : par exemple, une hépatite virale et une hépatite auto-immune.

Consommation excessive d’alcool

Le diagnostic n’est pas toujours facile car les patients ont du mal à reconnaître une consommation excessive. Une augmentation préférentielle de l’ASAT avec un rapport ASAT/ALAT supérieur ou égal à 2 est en faveur d’un excès de consommation. Une augmentation associée de la GGT, même si elle n’est pas spécifique, est en faveur de l’origine alcoolique.

Cause médicamenteuse

La recherche d’une origine médicamenteuse nécessite un interrogatoire très méticuleux. De nombreux médicaments peuvent être impliqués (encadré 2) : certains antibiotiques, antiépileptiques, statines, AINS, phytothérapie (gentiane…), drogues (cocaïne, ecstasy). Le type de toxicité hépatique (cytolyse, cholestase, forme mixte), les délais d’apparition et de résolution des anomalies biologiques sont variables selon les molécules. Un antécédent d’anomalie du bilan hépatique antérieur conjointement à la prise médicamenteuse est évocateur. L’imputabilité peut être retenue sur des critères précis, mais le simple arrêt du médicament en cause avec un retour à la norme des transaminases peut confirmer le diagnostic.

Causes virales

Les deux virus les plus fréquemment responsables d’hépatite virale chronique sont le virus de l’hépatite C (VHC) et celui de l’hépatite B (VHB). Même si les recommandations françaises sont de tester les personnes ayant un facteur de risque d’infection par le VHC (usager ou ex-usager de drogues, transfusion avant 1992…), une sérologie pour le VHC est justifiée (et complétée par une PCR en cas de positivité). Le diagnostic d’hépatite chronique virale B repose sur la recherche de l’antigène HBs et, en cas de positivité, sur une PCR pour l’ADN du VHB. Une sérologie B positive justifie une recherche d’une infection delta (VHD) associée.

Stéatose hépatique et stéatohépatite non alcoolique

Ce sont des causes très fréquentes d’élévation des transaminases. Elles peuvent être associées à : diabète de type 2, obésité, dyslipidémies, syndrome métabolique ; plus rarement à la prise de médicaments, à la nutrition parentérale, à une maladie de Wilson… (encadré 3). Le rapport ASAT/ALAT est inférieur à 1. L’échographie abdominale permet de confirmer la stéatose. Chez ces patients, une évaluation du risque de fibrose hépatique est justifiée (arbre décisionnel : figure ci-contre). En effet, la fibrose hépatique – processus cicatriciel lié à l’inflammation – peut être importante alors même que la cytolyse est minime et en l’absence de signes cliniques. En première ligne, peut être utilisé le score non invasif Fibrosis-4 (FIB-4). Les patients à risque de cirrhose – ceux ayant un FIB-4 > 1,3 – doivent être orientés vers un hépatologue pour la mesure de l’élasticité hépatique par FibroScan et éventuellement une biopsie.

Pour rappel, en cas de stéatose ou de stéatohépatite, il n’y a pas de médicament recommandé. La prise en charge est hygiénodiététique et adaptée en fonction du terrain (diabète, obésité morbide) : régime alimentaire et activité physique ; une réduction de 10 % du poids permet une diminution significative de la stéatose.

Hémochromatose

L’hémochromatose est une maladie génétique fréquente. Le coefficient de saturation de la transferrine dosé à jeun et supérieur à 45 % à deux reprises doit faire rechercher la mutation C282Y du gène HFE avec un bilan martial complet. Le diagnostic posé, le bilan est complété en fonction du stade de la maladie et la prise en charge par saignées adaptée.

Causes moins fréquentes ou inhabituelles

Hépatite auto-immune. Il faut l’évoquer après avoir éliminé les autres causes plus fréquentes d’hépatopathies, en particulier médicamenteuses, surtout chez les femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de maladie auto-immune. L’électrophorèse des protides avec une hypergammaglobulinémie oriente le diagnostic. L’élévation des immunoglobulines de type G justifie de doser les auto-anticorps. Le diagnostic est confirmé par la biopsie hépatique.

Déficit en alpha-1-antitrypsine. Il faut y penser en présence de signes pneumologiques, même s’ils peuvent manquer, et doser dans un premier temps l’alpha-1-antitrypsine et, en cas de déficit confirmé, adresser en consultation spécialisée de pneumologie.

En l’absence de cause hépatique trouvée malgré les explorations, il faut rechercher une cause non hépatique (encadré 1). Une cytolyse est parfois observée dans la maladie cœliaque : au moindre doute, doser les anticorps anti-transglutaminase de type IgA. Autres causes non habituelles de perturbation du bilan hépatique : dysthyroïdies, insuffisance surrénalienne.

En cas d’élévation chronique des tests hépatiques pendant > 6 mois sans diagnostic étiologique retrouvé, adresser au spécialiste.

Encadre

1. Causes d’augmentation chronique de l’activité des transaminases

Causes hépatiques

  • Alcool
  • Médicament
  • Hépatites virales C et B
  • Stéatose et stéatohépatite
  • Hémochromatose
  • Hépatite auto-immune
  • Maladie de Wilson
  • Déficit en alpha-1-antitrypsine

Causes non hépatiques

  • Maladie cœliaque
  • Atteinte génétique du métabolisme musculaire
  • Atteinte musculaire acquise
  • Exercice intense
Encadre

2. Causes médicamenteuses d’augmentation de l’activité des transaminases

Médicaments

Antibiotiques

Pénicillines

Ciprofloxacine

Nitrofurantoïne

Kétoconazole et fluconazole

Isoniazide

Antiépileptiques

Phénitoïne

Carbamazépine

Inhibiteurs HMG-CoA réductase

Simvastatine

Pravastatine

Atorvastatine

Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Sulfonylurée

Glipizide

Autres

Phytothérapie et compléments alimentaires
Drogues

Stéroïdes anabolisants

Cocaïne

Ectasy

Colles et solvants

Encadre

3. Principales causes de stéatose secondaire

Médicaments

Corticostéroïdes

Estrogènes

Amiodarone

Inhibiteurs calciques

Tétracyclines

Antirétroviraux anti-VIH

Tamoxifène

Nutrition et/ou chirurgie

Jeûne prolongé

Nutrition parentérale totale

Bypass jéjuno-iléal

Maladies génétiques ou métaboliques

Maladie de Wilson

Syndromes lipodystrophiques

Hypo-bêtalipoprotidémie

Autres

Toxines industrielles

D’après
Silvain C. Élévation des transaminases hépatiques : que faire ?  Rev Prat Med Gen 2021;35(1057);245-7.
Poujol-Robert A. Hypertransaminasémie modérée et chronique.  Rev Prat Med Gen 2019;33(1024);507-8.

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