Motif de consultation fréquent en médecine générale, la toux chronique est source de complications physiques et psychologiques. Si aucune cause n’est retrouvée ou si elle est réfractaire à tout traitement, que proposer aux patients ? Aux JNMG, le Dr Danielle Brouquières (service de pneumologie, CHU-hôpital Larrey, Toulouse) a abordé les nouvelles recommandations de prise en charge.
La toux est un réflexe protecteur mis en jeu pour extérioriser des sécrétions bronchiques ou éviter l’intrusion de substances dans les voies aériennes. Chez certains patients, il peut s’exacerber et devenir pathologique. Dans sa forme chronique, c’est une entité à part entière, et non un symptôme banal. Un traitement uniquement symptomatique est donc exclu : une prise en charge rigoureuse s’impose, fondée sur la recherche étiologique.
Si aucune cause n’est retrouvée ou si les traitements ne fonctionnent pas, on parle de toux chronique réfractaire.
Le syndrome de toux chronique par excès de sensibilité a été décrit récemment. Il explique qu’aucune cause ne soit identifiée malgré des explorations chez 7 à 40 % des patients où la toux persiste en dépit d’une prise en charge optimale des causes mises en évidence. Caractéristiques : une augmentation du réflexe de toux avec une sensibilité accrue des récepteurs pour des stimulus peu tussigènes (hypertussie), voire non tussigènes (allotussie). La physiopathologie est très proche de celle des douleurs neuropathiques.
Les symptômes sont peu spécifiques, et le diagnostic est évoqué devant un interrogatoire typique et faute de cause retrouvée (tableau). L’absence de symptôme la nuit, lorsque les stimulus tussigènes manquent, fait que bon nombre de patients ayant un syndrome de toux chronique d’hypersensibilité (STCH) sont considérés comme atteints d’une toux psychogène (encadré), ce qui réduit le champ thérapeutique et accentue leur détresse.
L’European Respiratory Society (ERS) vient d’éditer des recommandations pour la prise en charge de la toux chronique réfractaire. Dans tous les cas, un avis auprès d’un spécialiste est requis. Les sirops antitussifs n’ont aucune place dans sa prise en charge, qu’elle soit réfractaire ou non. L’utilisation de la codéine (12 à 15 mg, 1 à 4 fois par jour) est délicate en raison des risques d’addiction. Elle peut être envisagée sur un temps court (1 semaine). Cette molécule ne figure pas dans les recommandations internationales.
Compte tenu des similitudes avec la douleur neuropathique, différents médicaments sont indiqués mais hors AMM, ce qui explique qu’une concertation entre les divers intervenants et le médecin généraliste soit indispensable.
Une préconisation forte pour la morphine à petite dose a été formulée (20 mg/j de sulfate de morphine par exemple). Cependant, du fait de ses précautions d’emploi, notamment chez des personnes âgées, elle doit être réservée aux patients ayant un handicap important.
Autre option possible : la prégabaline ou la gabapentine. Certaines équipes utilisent également l’amitriptyline.
Tout effet secondaire induit par l’un de ces médicaments doit remettre en question la poursuite du traitement.
Les interventions non pharmacologiques doivent être associées. La rééducation orthophonique est probablement la plus utile. La kinésithérapie et la sophrologie sont également d’une grande aide.
De nouveaux traitements, comme des antagonistes de différents récepteurs à la toux, sont actuellement à l’étude.
Le récepteur P2X3 est impliqué dans le déclenchement de la toux. Sa sensibilité serait à l’origine de la forme chronique réfractaire. Le géfapixant, antagoniste des P2X3, à 45 mg 2 fois par jour réduirait la fréquence de la toux de 17,68 % et 15,79 % comparativement au placebo après 12 et 24 semaines de traitement, respectivement. L’effet secondaire le plus fréquent était la dysgueusie. Il est hautement probable que cette thérapeutique soit disponible dans les années à venir.
D’après : Guilleminault L, Brouquières D. Toux chronique de l’adulte.Rev Prat Med Gen 2020;34(1050);777-81.