Les bénéfices de l’activité physique en psychiatrie sont prouvés. Comment le généraliste peut-il inciter ces patients à la pratiquer ? Retour sur l’intervention du Pr Florian Ferreri (hôpital Saint-Antoine) lors de la 19e édition des Journées nationales de médecine générale du 1er et 2 octobre 2020.

 

La diminution de l’espérance de vie des patients souffrant de troubles psychiatriques est connue. Parmi les causes, le sur-risque de troubles métaboliques et la surmortalité cardiovasculaire sont avérés, et leurs facteurs multiples : génétique, perturbations immuno-métaboliques, sur-représentation dans cette population de la consommation de tabac et d’alcool, hygiène de sommeil et alimentation souvent mauvaises, mais aussi une plus grande sédentarité. En effet, seuls 25 % de ces patients atteignent les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé de réaliser une activité physique d’intensité soutenue 25 minutes 3 fois par semaine, contre 35 % en population générale. 

Certains facteurs liés à ces pathologies ne favorisent certes pas l’activité physique : des symptômes psychotiques comme l’apragmatisme, la désorganisation ou le repli, aux symptômes dépressifs tels l’émoussement et la perte d’intérêt, en passant par l’impact des traitements médicamenteux (effets sédatifs, prise de poids). Pourtant, la sédentarité et l’hygiène de vie sont bien des facteurs modifiables et en aucun cas accessoires, et leur amélioration doit faire partie de la prise en charge, au même titre que les traitements médicamenteux et psychothérapeutiques.

Insister sur cet aspect est fondamental, car le bénéfice est double : au-delà de réduire le risque cardiométabolique du patient, l’activité physique joue un rôle dans la prévention et le traitement de la maladie psychiatrique elle-même. La dernière expertise collective de l’Inserm sur ce sujet (2019) montre des niveaux de preuve solides sur l’effet bénéfique de l’activité physique sur les pathologies mentales : réduction de la symptomatologie dépressive (grade A), des rechutes ou épisodes dépressifs (grade B), des suicides associés à une dépression (grade C), et même des symptômes négatifs de la schizophrénie (grade C). 

Promener un chien, faire le tour du pâté de maisons, voire passer l’aspirateur peuvent suffire ! La notion d’activité physique est ample, et peut ainsi d’autant mieux s’intégrer au quotidien des patients qu’elle ne se limite pas à l’exercice physique, parfois plus difficile à mettre en place pour des raisons d’organisation, d’accessibilité ou de coût et même de pénibilité. 

L’exercice d’intensité soutenue, quand il peut être réalisé, doit être encouragé (75 min par semaine, ou 150 min d’exercice modéré), par ses bénéfices supplémentaires : il favorise l’expérience sociale, augmente l’estime de soi, l’énergie et la vigilance. Ses effets neurologiques sont importants : il favorise la sécrétion de certains neurotransmetteurs qui agissent sur l’humeur, la concentration, l’attention et le plaisir, comme la noradrénaline, la dopamine et la sérotonine (celle-ci pouvant également être synthétisée à partir du tryptophane que l’on trouve dans les aliments riches en protéines, d’où l’importance d’une bonne alimentation !), et agit aussi sur la neurogenèse et la mémoire

Néanmoins, quand celui-ci n’est pas réalisable, l’activité physique par petites tranches (10 min) est aussi bénéfique, et les activités légères de la vie quotidienne ne sont surtout pas à négliger, et peuvent être revues à la hausse par des astuces aussi simples que descendre une station de bus avant ! Certains patients sont friands d’outils connectés, comme les podomètres, qui peuvent ainsi s’avérer très utiles dans l’encouragement de ces activités. 

Le simple fait de modifier la posture corporelle peut avoir un effet bénéfique et doit aussi être encouragé – inciter le patient à faire une balade en se tenant le plus droit possible plutôt qu’en ayant le dos voûté et le regard bas –, selon le principe de la cognition incarnée (notre positionnement corporel et notre attitude influent sur nos cognitions et émotions).

Le site suisse paprica.ch, dédié à la promotion de l’activité physique au cabinet médical, propose des infographies et des outils didactiques dont vous pouvez vous servir pour aborder le thème et motiver vos patients.

Un dernier conseil ? Faire figurer l’activité physique sur l’ordonnance ! Même si elle ne sera pas remboursée au même titre qu’un traitement, cela peut inciter le patient à une meilleure observance que la seule recommandation formulée à l’oral. Et si l’activité est faite en extérieur, c’est encore mieux…

À lire aussi

Le Bouc Y. Dossier – Prescription de l’activité physique. Rev Prat 2020;70:267-86.

Fond G, Lançon C, Boyer L. Nutrition et psychiatrie. Rev Prat Med Gen 2020;34:428-9.

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

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