Objectifs
Savoir diagnostiquer une endométriose.
Connaître les principales complications et les principes de la prise en charge.

Épidémiologie (rang A)

L’endométriose a été très médiatisée au cours des dernières années du fait d’un large sous-diagnostic (délai diagnostique de 7 à 10 ans) alors qu’elle toucherait entre 2 et 4 millions de femmes en France. En effet, c’est une maladie chronique qui concerne environ 10 % des femmes en âge de procréer, 20 % des patientes qui consultent pour infertilité et 25 % des patientes qui consultent pour douleurs pelviennes. Elle représente donc un problème majeur de santé publique, et une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose a été mise en place par les autorités en février 2022 afin d’améliorer son diagnostic et sa prise en charge.

Définition et physiopathologie

Définition (rang A)

L’endométriose se définit par la présence de tissu de type endométrial en dehors de la cavité utérine. Elle peut être responsable de douleurs pelviennes cycliques rythmées par les règles (dysménorrhée secondaire, dysurie, dyspareunie, dyschésie...) mais aussi, dans certains cas, d’infertilité. La symptomatologie est très variable selon la localisation des lésions et les individus ; dans certains cas, elle peut être asymptomatique.
Les douleurs et/ou l’infertilité associées peuvent être à l’origine d’une altération de la qualité de vie (troubles psychologiques, absentéisme scolaire ou professionnel, troubles des rapports sociaux…).

Physiopathologie (rang B)

La physiopathologie de l’endométriose reste encore peu claire. Cependant, l’hypothèse de la menstruation rétrograde est la plus consensuelle. En effet, l’endométriose serait liée à la migration d’implants endométriaux, transportés de façon rétrograde par le sang menstruel vers la cavité péritonéale en transitant par les trompes. L’inflammation, la néoangiogenèse et les hormones stéroïdiennes favoriseraient l’implantation et la croissance des lésions. Les lésions sont caractérisées par du tissu endométrial entouré par du stroma ; ainsi, le sang et les cellules desquamées ne peuvent pas s’éliminer au moment des menstruations et induisent une inflammation cyclique. Le flux de circulation du liquide péritonéal expliquerait la distribution asymétrique et déclive des lésions endométriosiques, touchant d’abord le compartiment postérieur (cul-de-sac recto-utérin, cloison rectovaginale, ligaments utéro­sacrés et torus) et la gauche du pelvis (ovaires, côlon sigmoïde) et plus rarement le compartiment antérieur, avec des lésions de la vessie, de l’appendice et enfin du diaphragme (fig. 1). La douleur associée aux lésions d’endométriose met en jeu plusieurs mécanismes qui peuvent coexister : nociception, hyperalgie et sensibilisation centrale. Les facteurs de risque sont génétiques et environnementaux, ils sont encore mal définis. Le risque de développer une endométriose pour les apparentées au premier degré de patientes atteintes est multiplié par 5.

Description et diagnostic de l’endométriose

Description (rang A)

Afin de décrire les lésions d’endométriose, il existe différentes classifications ; la plus simple définit l’endométriose selon la profondeur d’envahissement du tissu péritonéal :
  • lésions d’endométriose superficielle : il s’agit de lésions péritonéales de petite taille, florides, qui sont d’abord rouges puis brunâtres et enfin blanches au cours de leur évolution (fig. 2A) ;
  • lésions d’endométriose profonde : il s’agit d’implants péritonéaux de plus de 5 mm qui infiltrent les organes pelviens (utérus, ligaments utéro-sacrés, vagin, rectum, vessie, uretères, racines sacrées, paroi abdominale...). Leur composante est majoritairement fibromusculaire (fig. 2B) ;
  • lésions kystiques ovariennes ou endométriomes : il s’agit de kystes contenant des cellules endométriales et du sang (liquide marron « chocolat », caractéristique) [fig. 2C].
Ces lésions sont souvent associées à des adhérences pelviennes, qui participent aux douleurs et à l’infertilité (fig. 2D).
L’adénomyose (infiltration du myomètre par des cellules endométriales) peut également être associée ; elle se manifeste par des ménorragies et des dysménorrhées. S’il n’existe pas de classification anatomique ni histologique consensuelle de l’adénomyose, on distingue classiquement :
  • l’adénomyose diffuse interne, caractérisée par la présence de nombreux foyers de glandes et/ou de stroma endométrial dans l’ensemble du myomètre ;
  • l’adénomyose focale externe, qui correspond à la présence d’agrégats d’endomètre circonscrits dans des zones précises du myomètre. C’est ce type d’adénomyose qui est retrouvé majoritairement associé à l’endométriose, le plus souvent au niveau du torus (nodule d’endométriose profond envahissant le myomètre à la jonction des ligaments utéro-sacrés).

Diagnostic (rangs A et B)

La preuve histologique lors de la réalisation d’une cœlioscopie diagnostique systématique n’est plus nécessaire pour faire le diagnostic d’endométriose. Celui-ci repose sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques. Il peut cependant être difficile en raison de l’hétérogénéité de la maladie et des formes pauci- ou asymptomatiques.
 

Interrogatoire (rang A)

La symptomatologie douloureuse est le motif principal de consultation et de découverte de la maladie. Le type de symptomatologie douloureuse peut orienter vers différentes localisations.
Dysménorrhées
Elles représentent le symptôme le plus fréquent et sont définies par des douleurs abdomino-pelviennes survenant lors des cycles menstruels. Classiquement, il s’agit plutôt de dysménorrhées secondaires. L’efficacité des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) au moins dans un premier temps et d’une contraception est évocatrice du diagnostic.
Les dysménorrhées primaires (ou essentielles) apparaissent six à vingt-quatre mois après les premières règles (quand les cycles deviennent ovulatoires). Elles sont caractérisées par des douleurs isolées à type de crampes pelviennes d’intensité modérée à sévère et répondent aux traitements antalgiques usuels (antispasmodiques, paracétamol, AINS). 
Les dysménorrhées secondaires (ou organiques) sont moins typiques ; elles apparaissent à distance des premières règles. Elles sont d’intensité sévère (EVA [échelle visuelle analogique] évaluée supérieure à 7/10), s’aggravent au fil des cycles, sont accompagnées d’autres symptômes douloureux et résistent aux antalgiques usuels.  Elles peuvent être responsables d’absentéisme scolaire ou professionnel et avoir un fort retentissement sur le mode de vie.
Dyspareunies profondes 
Il s’agit de douleurs caractéristiques présentes dans le fond vaginal lors de la pénétration dans les rapports sexuels. Elles sont souvent liées à une atteinte d’un ou des deux ligaments utéro-sacrés, du torus ou encore du cul-de-sac de Douglas. Elles peuvent entraîner une baisse complète de la libido et avoir un retentissement sur la vie de couple.
Troubles digestifs
Les troubles digestifs à type de troubles du transit peuvent être associés. Ils doivent faire rechercher une atteinte digestive mais peuvent également être retrouvés en l’absence de lésions digestives spécifiques. Une dyschésie (douleur vive déclenchée par les efforts de défécation et la distension rectale) est principalement retrouvée en cas d’atteinte digestive basse, notamment en cas de nodule rectal ou sigmoïdien.
Troubles urinaires et dysurie
Une irritation vésicale chronique, des pollakiuries, des urgenturies, des cystites chroniques doivent faire rechercher une endométriose vésicale ou des voies urinaires.
Autres symptômes
Les autres symptômes à rechercher sont des scapulalgies cataméniales (évocatrices d’une lésion diaphragmatique), des sciatiques, des pneumothorax cataméniaux... Cette liste n’est pas exhaustive, et tous les symptômes douloureux inhabituels cataméniaux doivent être explorés. Des douleurs intermenstruelles chroniques peuvent être également associées pour des endométrioses évoluées et en cas de mécanismes neuro­pathiques. Des ménorragies sont possibles en cas d’association avec une adénomyose.
Tous ces symptômes doivent être collectés à l’anamnèse en y associant leur intensité (qui peut être évaluée par une EVA) et leur retentissement sur la qualité de vie.
Infertilité
L’endométriose est retrouvée chez 30 % des patientes consultant pour infertilité. Cette infertilité peut être expliquée par différents mécanismes. On retient principalement l’inflammation tubaire et intrapéritonéale, perturbant la fécondation. Il est également possible de constater une baisse de la qualité et/ou de la quantité ovocytaire, une altération de l’implantation et des anomalies de la perméabilité tubaire.
L’endométriose n’est cependant pas systématiquement associée à l’infertilité.
La fertilité est altérée en particulier en cas d’endométriose sévère, profonde et après chirurgie des endométriomes car celle-ci peut altérer la réserve ovarienne. Dans ces cas, la patiente peut être adressée en centre d’assistance médicale à la procréation (AMP) pour une fécondation in vitro (FIV) en cas de projet de couple ou de préservation ovocytaire si elle souhaite préserver sa fertilité. Il est préférable d’explorer la réserve ovarienne avant toute chirurgie par un dosage de l’hormone anti­müllérienne (AMH).
L’ensemble des symptomatologies associées à l’endométriose est résumé dans la fig. 3.
Une patiente présentant des lésions d’endométriose peut être également asymptomatique.
 

Examen clinique (rang A)

Examen abdominal
L’examen clinique est souvent pauvre, il s’agit de douleurs non spécifiques.
Examen pelvien
Il doit être réalisé après information orale, puis recueil du consentement de la patiente.
Le spéculum et les touchers pelviens ne peuvent être pratiqués que chez les patientes ayant déjà eu des rapports sexuels.
Toucher vaginal
Il est fondamental. Il doit rechercher un nodule profond douloureux, en particulier au niveau du cul-de-sac ­postérieur, une induration des ligaments utérosacrés localisés de part de d’autre du col, une masse latéro-­utérine évoquant un kyste ovarien, un utérus augmenté de volume (en cas d’adénomyose associée).
Toucher rectal
Il n’est pas systématique. Il est réalisé après consentement de la patiente en cas de suspicion d’endométriose rectale. Il permet de rechercher une infiltration de la cloison rectovaginale basse.
Examen au spéculum
Il est souvent normal. On peut observer des nodules endométriosiques (nodules bleutés ou rétractiles) vaginaux.
 

Examens complémentaires (rang B)

Le diagnostic d’endométriose est avant tout clinique. Les examens complémentaires permettent d’évaluer la gravité des lésions (bilan d’extension). Leur normalité n’exclut pas le diagnostic. L’endométriose superficielle échappe pour l’instant à la sensibilité des différents examens. Les explorations complémentaires doivent être réalisées par des radiologues expérimentés dans l’endométriose.
Échographie pelvienne par voie endovaginale
Il s’agit de l’examen de première intention. Réalisé par un échographiste référent en endométriose, il peut être performant. Il permet d’identifier les endométriomes (kystes à contenu finement échogène typique) [fig. 4A], les nodules profonds [fig. 4B], les hématosalpinx et l’adénomyose diffuse associée (aspect globuleux, épaississement asymétrique de la paroi antérieure ou postérieure) [fig. 4C].
IRM pelvienne
Examen très performant, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet le diagnostic et la cartographie des lésions. Les séquences multiplanaires T1, T2, avec et sans saturation des graisses permettent la localisation précise des lésions et leur description, notamment des atteintes extra-utérines (digestives, urinaires et autres). Les kystes endométriosiques apparaissent en hypersignal T1 avec saturation de graisse et hyposignal en séquence T2 (fig. 4D). Les nodules d’endométriose profonde (hyposignal T1 et T2) ont un aspect en étoile, rétractiles (fig. 4E). L’adénomyose diffuse est visible par un épaississement de la zone de jonction et/ou la présence de multiples spots en hypersignal (fig. 4F).
Examens de seconde intention
L’échoendoscopie rectale et le coloscanner peuvent être demandés en cas de suspicion d’atteinte colorectale.
La cystoscopie, l’uroscanner et l’uro-IRM peuvent être demandés en cas d’atteinte de l’appareil urinaire.
La cœlioscopie diagnostique peut être réalisée en cas de suspicion clinique d’endométriose mais non retrouvée par les différents examens complémentaires ; elle n’est plus systématique.

Prise en charge de l’endométriose (rang B)

Il s’agit d’une prise en charge globale, pluridisciplinaire. Elle doit être réalisée par un médecin spécialisé et en contact avec un centre de référence. Elle inclut la prise en charge de la douleur et d’une éventuelle infertilité associée.

Traitement hormonal

Le but du traitement hormonal est l’obtention d’une aménorrhée afin d’améliorer les symptômes douloureux par une réduction de l’inflammation et un blocage de l’activité ovarienne. Il s’agit d’un traitement symptomatique et non curatif.
Les traitements hormonaux de première intention sont la contraception combinée œstroprogestative en prise continue sans règles et le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel.
Les traitements de seconde intention sont la contraception microprogestative orale au désogestrel, l’implant à l’étonogestrel, le diénogest, les analogues de la GnRH en association à une thérapie add-back (fig. 5). Il s’agit d’un traitement long, souvent poursuivi soit jusqu’au désir de grossesse, soit jusqu’à la ménopause.

Traitement antalgique

La prise en charge des douleurs pelviennes chroniques et des dysménorrhées nécessite :
  • un traitement antalgique de palier adapté à la douleur (palier 1 : néfopam ; palier 2 : opioïdes faibles ; palier 3 : opioïdes forts) ;
  • un traitement anti-inflammatoire (à ne pas prendre au long cours).
La prise en charge des douleurs neuropathiques nécessite des traitements antalgiques spécifiques. Une prise en charge en centre antidouleur est parfois nécessaire en cas de douleurs chroniques résistantes aux antalgiques habituels.

Thérapeutiques alternatives non médicamenteuses

Les prises en charge non médicamenteuses qui ont montré une amélioration de la qualité de vie et qui peuvent être proposées en complément de la prise en charge médicale sont l’acupuncture, l’ostéopathie et le yoga.

Prise en charge de l’infertilité

En cas d’infertilité et d’endométriose, il faut adresser le couple dans un centre spécialisé en assistance médicale à la procréation (AMP). Un bilan global du couple doit être réalisé de façon systématique afin d’éliminer une autre cause associée. La fécondation in vitro (FIV) donne de bons résultats dans cette pathologie. En cas d’endométriose ovarienne, une préservation de la fertilité peut être également envisagée.

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical n’est pas à envisager d’emblée.
Il dépend du type d’atteinte mais aussi de la symptomatologie. Il est souvent réalisé en situation d’échec de thérapeutiques médicamenteuses contre les douleurs, et d’échecs de plusieurs FIV en cas d’infertilité. Il nécessite une résection complète de toutes les lésions d’endométriose sous peine d’observer une récidive des lésions. La chirurgie des endométriomes doit être évitée tant que possible chez les patientes en âge de procréer car il existe un fort risque d’altération de la réserve ovarienne. La voie mini-invasive par cœlioscopie doit être privilégiée pour améliorer les suites postopératoires et diminuer le risque d’adhérences. La chirurgie robotique pourrait être bénéfique en cas d’endométriose complexe car elle permet de faciliter la gestuelle tout en repoussant les limites de la cœlioscopie.
Les chirurgiens responsables des dossiers doivent être expérimentés du fait de la variété des types d’atteinte en matière de localisations anatomiques et organiques et du contexte inflammatoire des tissus environnants, rendant cette chirurgie potentiellement difficile. La résection d’endométriose profonde peut nécessiter la résection partielle d’organes envahis (rectum, vessie, uretère…) et expose à des risques de complications. La balance bénéfice-risque du geste chirurgical doit être évaluée de façon collégiale et expliquée à la patiente.

Conclusion (rang A)

L’endométriose est une maladie chronique dont la physiopathologie demeure encore incertaine. Elle est responsable de douleurs pelviennes et d’une symptomatologie cataméniale variée. Elle peut être associée à une infertilité. Son diagnostic repose sur un interrogatoire orienté, précis, avec une évaluation de la douleur et du retentissement des symptômes sur la qualité de vie. Les examens complémentaires tels que l’échographie et l’IRM pelviennes peuvent compléter l’examen clinique. En l’absence de traitement étiologique, un traitement symptomatique reposant sur un traitement hormonal en prise continue visant à une aménorrhée, un traitement antalgique et des thérapies non médicamenteuses sont les piliers de la prise en charge. En cas de situations complexes, les patientes doivent être adressées à un centre expert.
Points forts
Endométriose

POINTS FORTS À RETENIR

L’endométriose concerne une femme sur dix en âge de procréer.

Elle doit être évoquée devant toute dysménorrhée intense ou dyspareunie profonde.

L’anamnèse et l’examen clinique sont les piliers du diagnostic.

Les examens complémentaires de première ligne sont l’échographie endovaginale et l’IRM pelvienne.

La prise en charge de l’endométriose doit être globale et concerne les patientes symptomatiques (douleurs, infertilité) :

– traitement hormonal en continu, visant à obtenir une aménorrhée ;

– antalgiques de palier adapté et anti-inflammatoires ;

– thérapies non médicamenteuses ;

– assistance médicale à la procréation en cas d’infertilité ;

– chirurgie en cas d’échec des traitements précédents.

En cas de situation complexe, résistante aux thérapeutiques habituelles, la patiente doit être adressée à un centre expert.

Références
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Fauconnier A, Borghese B, Huchon C, Thomassin-Naggara I, Philip CA, Gauthier T, et al. Epidemiology and diagnosis strategy: CNGOF-HAS. Gynecol Obstet Fertil Senol 2018;46:223-30.
Borghese B, Santulli P, Marcellin L, Chapron C. Definition, description, clinicopathological features, pathogenesis and natural history of endometriosis: CNGOF-HAS Endometriosis Guidelines. Gynecol Obstet Fertil Senol 2018;46:156-67.
Legendri S, Carbonnel M, Feki A, Moawad G, Aubry G, Vallee A, Ayoubi JM. Improvement of post-operative quality of life in patients 2 years after minimally invasive surgery for pain and deep infiltrating endometriosis. J Clin Med. 2022; 11 (20):6132.
Référentiels des collèges. Gynécologie Obstétrique. Item 41 : endométriose. CNGOF, Elsevier/Masson, 5e édition, 2021.
Fiches LiSA. Item 41 : endométriose. Sides.uness.fr

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