La prise en charge de l’endométriose, avec son cortège de symptômes douloureux (dysménorrhées, dyspareunies, douleurs pelviennes chroniques…), est complexe. Le choix parmi les différents traitements hormonaux, indiqués en 1re intention, est guidé par les contre-indications, les effets indésirables, l’avis de la patiente. Selon une étude publiée récemment dans le Lancet, une thérapie combinée à base d’agonistes de la GnRH pourrait intégrer l’arsenal thérapeutique.
L’endométriose touche environ 6 à 10 % des femmes en âge de procréer. Cette pathologie hormonodépendante (aux œstrogènes) est caractérisée par la prolifération de glandes ou de stroma endométrial en dehors de la cavité utérine. Les femmes touchées se plaignent de dysménorrhées sévères, résistant aux antalgiques, associées à des signes digestifs et/ou urinaires et parfois à une dyspareunie.
Les traitements médicamenteux actuels des symptômes douloureux comprennent des antalgiques de palier 1 ou 2 et des traitements hormonaux visant à bloquer la fonction ovarienne : contraceptifs œstroprogestatifs en première intention ou microprogestatifs (si contre-indication aux premiers). En seconde intention : le diénogest (progestatif récent à la dose de 2 mg/j, non remboursé) ou les agonistes de la gonadoliberine (GnRH). Ces derniers favorisant la déminéralisation osseuse, ils ne doivent être prescrits que pour un temps limité ; la HAS recommande d’y associer une « add-back thérapie » comportant au moins un œstrogène au-delà de 3 mois de traitement afin de prévenir cet effet indésirable et d’améliorer la qualité de vie. Quant à l’acétate de chlormadinone, compte tenu du sur-risque démontré de méningiome, l’ANSM a mis à jour ses recommandations d’utilisation.
Une équipe internationale de chercheurs, dont les travaux ont récemment été publiés dans le Lancet,a évalué une forme combinée de thérapie à base d’analogues de la GnRH permettant de minimiser les effets indésirables de ces derniers.
Efficace dans la diminution des douleurs pelviennes
Deux essais randomisés contrôlés contre placebo en double aveugle – SPIRIT 1 et SPIRIT 2 – ont été conduits entre 2017 et 2019 dans plus de 200 centres en Europe, Afrique, Australie et Amérique du Nord et du Sud. Au total, plus de 1 200 patientes ont été incluses, âgées de 18 à 50 ans, ayant eu un diagnostic d’endométriose dans les 10 années précédentes ; elles étaient éligibles si elles rapportaient des douleurs modérées à sévères associées à cette pathologie, soit un score d’au moins 4 sur l’échelle d’évaluation NRS de la dysménorrhée (Numerical Rating Scale allant de 0 = pas de douleur, à 10 = douleur insupportable) et un score NRS moyen des douleurs pelviennes non menstruelles de 2,5 sur plusieurs jours.
Trois groupes ont été aléatoirement constitués, pour recevoir quotidiennement, pendant 24 semaines, soit un placebo, soit du rélugolix en thérapie combinée d’emblée (rélugolix 40 mg, estradiol 1 mg, acétate de noréthistérone 0,5 mg [Ryeqo]), soit du rélugolix en thérapie combinée retardée (rélugolix 40 mg en monothérapie pendant 12 semaines, suivi de la thérapie combinée citée précédemment). Ce dernier groupe a été formé afin de mieux cerner les effets sur la densité minérale osseuse et les symptômes vasomoteurs d’une thérapie combinée versus une monothérapie pendant les 12 premières semaines.
Les participantes devaient indiquer quotidiennement, via une application sur smartphone, l’observance, les saignements, la douleur (scores NRS) et l’utilisation d’antalgiques ; elles avaient également des visites médicales toutes les 4 semaines tout au long de la période d’étude. Le critère de jugement principal était la proportion de patientes répondant au traitement, via les scores NRS de dysménorrhées et de douleurs pelviennes non menstruelles. Les critères secondaires incluaient les dyspareunies, l’utilisation d’antalgiques et l’évaluation subjective des patientes du retentissement de la douleur sur la qualité de vie.
Résultats : dans SPIRIT 1, 75 % et 59 % des patientes recevant la thérapie combinée d’emblée ont répondu, eu égard respectivement aux dysménorrhées et aux douleurs pelviennes non menstruelles, contre 27 % et 40 % dans le groupe placebo. Dans SPIRIT 2, ces proportions étaient de 75 % et 66 % dans le groupe traité contre 30 % et 43 % dans le groupe placebo. Plus précisément, les patientes traitées ont vu diminuer de 5,1 points (sur le score NRS) leurs dysménorrhées, contre 1,8-2 chez les femmes recevant le placebo, soit des différences d’environ - 3,3 points entre les deux groupes. Quant aux douleurs pelviennes non menstruelles, les différences étaient moins marquées : de - 0,9 à - 0,7.
La meilleure efficacité observée dans la réduction des dysménorrhées par rapport aux douleurs non menstruelles reflète probablement le mécanisme d’action du rélugolix, qui inhibe la production des hormones sexuelles moteur des menstruations. En effet, près de trois quarts des patientes qui ont reçu le traitement ont eu une aménorrhée (ou des saignements peu fréquents). En revanche, les mécanismes qui sous-tendent les douleurs pelviennes non menstruelles sont moins bien compris, probablement multifactoriels (fibrose, adhérences, inflammation chronique…), et de ce fait moins sensibles à la suppression de l’estradiol.
La forme combinée semble bien tolérée
L’incidence des effets secondaires (graves et non graves) était similaire dans les groupes traités et placebo – céphalées et nasopharyngite étant les plus fréquents. La perte de densité minérale osseuse et les bouffées de chaleur étaient significativement plus fréquentes en cas de thérapie combinée retardée versus thérapie combinée d’emblée, ce qui suggère que la dose d’estradiol incluse dans cette dernière est adéquate pour limiter ces effets indésirables.
Les auteurs en concluent que l’association de rélugolix à l’estradiol et l’acétate de noréthistérone pourrait offrir les avantages thérapeutiques des analogues de la GnRH tout en minimisant le risque de perte osseuse et de symptômes vasomoteurs liés à l’hypo-estrogénie, ce qui permettrait une utilisation à long terme. Mais prudence, car la durée du traitement dans ces études était limitée à 6 mois : l’efficacité et la sécurité à long terme sont en cours d’évaluation.
Pour rappel, Ryeqo (rélugolix-estradiol-acétate de noréthistérone) a déjà une indication en France comme alternative thérapeutique dans le traitement des symptômes modérés à sévères des fibromes utérins chez les femmes adultes en âge de procréer.
Giudice LC, As-Sanie S, Arjona Ferreira JC, et al. Once daily oral relugolix combination therapy versus placebo in patients with endometriosis-associated pain: two replicate phase 3, randomised, double-blind, studies (SPIRIT 1 and 2). The Lancet 2022;3999(10343):P22267-79.
Duranteau L. Endométriose chez l’adolescente : comment dépister et soulager ? Rev Prat Med Gen 2021;35(1055);114-6.
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