En France, 2,7 % des bébés nés en 2020 sont issus d’une AMP. Si certains risques associés à ces procédures sont connus (gestation multiple, petit poids de naissance...), les altérations sur la santé à long terme des enfants commencent à être évaluées. Qu’en sait-on aujourd’hui ? Y a-t-il un sur-risque avéré de certaines pathologies ? L’Académie de médecine a publié une vaste revue de la littérature sur ce sujet, assortie de recommandations.

La proportion de bébés nés grâce à des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) est considérable : 8 millions d’enfants au niveau mondial depuis 1978. En France, 2,7 % des bébés nés en 2020 ont été issus d’une AMP – un chiffre en diminution par rapport à 2019, mais qui était jusqu’alors en augmentation (de 2,6 % en 2009 à 3,6 % en 2019). Dans la grande majorité des cas (80 %), il s’agissait de fécondations in vitro (FIV), avec ou sans injection intracytoplasmique du spermatozoïde (ICSI), avec transfert immédiat d’embryons (35,5 %) ou d’embryons congelés (44,1 %). Cette dernière technique est en constante augmentation depuis quelques années (37,4 % en 2019 versus 16 % en 2013).

Par ailleurs, au niveau mondial, environ 1 personne sur 6 serait actuellement confrontée à des problèmes de fertilité (absence de grossesse après 1 an de rapports sexuels réguliers sans contraception), selon un rapport qui vient d’être publié par l’OMS. De plus, la prévalence vie entière de l’infertilité est comparable entre les pays à hauts revenu et ceux à revenu faible (respectivement 17,8 % et 16,5 %) ; il est donc probable que les techniques d’AMP se généralisent davantage dans les années à venir.

La santé à moyen et long terme des enfants et jeunes adultes nés grâce à ces techniques est donc un sujet fondamental. En effet, au-delà des risques néonataux associés à ces procédures – qui sont, eux, bien documentés –, certains risques à moyen et long terme ont été évoqués (cancers pédiatriques, maladies cardiovasculaires, troubles de la croissance et du métabolisme, du neurodéveloppement et de la fertilité, etc.), car la période périconceptionnelle, correspondant aux phases d’intervention des techniques d’AMP, est particulièrement sensible aux influences environnementales et est ainsi marquée par une reprogrammation épigénétique qui joue un rôle déterminant tout au long de la vie. Il est cependant difficile de bien cerner ces risques et surtout d’établir un lien de causalité avec les procédures d’AMP.

L’Académie nationale de médecine vient de publier un rapport* pour faire le point sur ce sujet. Il est limité aux enfants nés par AMP avec une technique de FIV, standard ou avec ICSI, et leurs compléments (culture et congélation embryonnaire), excluant d’une part les inséminations intra-utérines et d’autre part les AMP avec dons de gamètes.

Santé des enfants nés par FIV à moyen et long terme : quelles données ?

Troubles de la croissance et du métabolisme 

Des différences de croissance ont été documentées entre les enfants nés par FIV et ceux nés après conception naturelle (par exemple, taille et IMC inférieurs chez les premiers). Si les différences d’IMC moyens s’estompent durant les premières années, et les différences de croissance disparaissent vers la fin de l’adolescence, certains travaux suggèrent une association entre la rapidité du rattrapage de la croissance pondérale après la naissance et la survenue à l’âge adulte de troubles métaboliques.

L’éventuel lien entre des troubles CV parfois constatés chez les enfants et les jeunes adultes conçus par FIV et ces caractéristiques de croissance au début de la vie n’est donc pas clair. Par ailleurs, il n’a pas été possible de déterminer à ce jour si ces différences de la croissance sont liées aux procédures de FIV elles-mêmes ou à des facteurs parentaux (v. plus bas).

De même, les travaux évaluant des paramètres métaboliques – tour de taille, tissu adipeux sous-cutané, taux de glucose, triglycérides, cholestérol, etc. – suggèrent que les différences constatées entre les enfants nés par FIV et ceux issus d’une conception naturelle ont aussi tendance à s’estomper, le profil métabolique des deux groupes devenant similaire à l’adolescence. D’autres études ont toutefois retrouvé des résultats inverses (plus faible adiposité à un jeune âge des enfants FIV, mais plus élevée à l’âge adulte). Enfin, des études portant sur de grandes cohortes ne retrouvaient pas d’association entre l’AMP et un sur-risque de maladies CV ou de diabète de type 2 ; toutefois, un sur-risque d’obésité, faible mais significatif, était mis en évidence. 

L’Académie signale ainsi que, malgré des résultats disparates, les données disponibles sur la croissance et le métabolisme des enfants nés par FIV sont plutôt rassurantes. Étant donné que certaines pathologies métaboliques ne se révèlent que plus tard au cours de la vie, des études avec un suivi au long cours sont encore nécessaires.

Troubles cardiovasculaires : léger sur-risque

Les enfants nés pas FIV ou ICSI ont un sur-risque modéré d’avoir certaines anomalies cardiovasculaires. Des études ont mis en évidence la survenue, dès un jeune âge, d’altérations telles qu’une PA plus élevée, une HTA pulmonaire ou une fonction endothéliale vasculaire altérée.

Toutefois, il n’existe pas de consensus sur leurs causes : certaines hypothèses pointent des facteurs parentaux (infertilité, âge avancé de la mère et/ou pathologies gynécologiques – SOPK, endométriose… – ou métaboliques – obésité, diabète… –, exposition à des toxiques in utero) ; d’autres, les effets des techniques d’AMP. Un stress oxydatif induit par les manipulations lors de la FIV (fluctuations de pH, de température, de concentration d’oxygène lors de la culture embryonnaire, congélation des embryons) a déjà été mis en évidence sur des modèles animaux, mais les études menées chez les humains n’ont pas permis de conclure vers l’une ou l’autre des causes.

Dans l’attente de nouvelles études, l’Académie préconise d’ores et déjà que les parents soient informés de ce sur-risque cardiovasculaire car, bien que faible, il pourrait être associé à l’apparition d’autres maladies CV tout au long de la vie. Cela pourrait aussi justifier un suivi précoce préventif des enfants nés par FIV, avec des mesures hygiénodiététiques adaptées.

Anomalies épigénétiques

Malgré des discordances entre leurs résultats, la plupart des études publiées à ce jour mettent en évidence une prévalence peu augmentée d’anomalies épigénétiques et/ou d’empreinte génomique chez les enfants nés de FIV, par rapport à ceux nés de conception naturelle.

Néanmoins, compte tenu de la rareté de ces maladies, l’Académie souligne que des études épidémiologiques à plus large échelle sont nécessaires

Cancers pédiatriques

Les données de la littérature sont contradictoires : certaines études – sur des effectifs peu importants – trouvent une augmentation significative mais modérée de l’incidence de cancers pédiatriques après FIV ; d’autres, réalisées sur de plus grandes cohortes (plus de 100 000 enfants), n’ont pas trouvé de différence ; toutefois, une étude taiwanaise récente ayant suivi plus de 2 millions d’enfants a trouvé que la conception par AMP était associée à un risque accru de cancers pédiatriques.

L’Académie exhorte ainsi à poursuivre les recherches, notamment chez les enfants issus d’un transfert d’embryons congelés.

Troubles du neurodéveloppement et du comportement

Les études disponibles n’ont pas retrouvé de différence en matière de neurodéveloppement. Certains des troubles décrits sont plutôt associés aux grossesses multiples et à la prématurité.

Là encore, d’autres recherches sont nécessaires.

Troubles de la fertilité

Aucune étude scientifique ou médicale ne semble avoir été menée jusqu’à présent sur la fertilité des jeunes adultes conçus par FIV. Néanmoins, certaines altérations ont déjà été rapportées : la proportion de jeunes hommes conçus par ICSI ayant des altérations spermatiques semble plus importante que chez ceux conçus naturellement. Il est possible que ces cas s’expliquent parce que ce mode de FIV est réalisé pour résoudre un problème de stérilité du père, favorisant donc la transmission de ce caractère génétique qui n’aurait pas eu lieu par conception naturelle.

Autres maladies

Les pathologies atopiques telles que l’asthme ou l’eczéma ont été étudiées dans de nombreux travaux comparant les enfants nés par FIV à la population générale : certains rapportent une augmentation significative mais modérée de manifestations asthmatiques chez les premiers. La responsabilité de facteurs épigénétiques a été évoquée, mais les facteurs parentaux ne peuvent pas être écartés (certaines études suggérant que l’asthme est associé à un risque accru d’infertilité ainsi qu’à un plus grand recours aux traitements d’AMP).

Des recommandations pour la recherche et la pratique

Au total, les études évaluant la santé à moyen et long terme des enfants nés après une FIV sont plutôt rassurantes : l’augmentation de l’incidence de certaines pathologies étudiées est relativement modérée et peu homogène.

Cependant, l’hétérogénéité des résultats disponibles incite à mener davantage d’études comparatives, sur des populations mieux caractérisées et avec des suivis à plus long terme. 

Approfondir l’investigation sur les différentes procédures

Il est difficile de savoir si les altérations de la santé observées sont imputables à la FIV ou à des facteurs parentaux, mais si un lien venait à être établi avec le mode de conception, il serait important de déterminer quelles sont les procédures les plus à risque.

Les traitements hormonaux utilisés pour obtenir les ovocytes, les conditions et le milieu de la culture embryonnaire et la congélation des embryons sont le plus souvent suspectés d’être à l’origine des altérations observées. À l’inverse, la méthode de fécondation elle-même ne semble pas en cause (la plupart des études disponibles aujourd’hui ne trouvent pas de différence entre la FIV standard et l’ICSI). Pour évaluer le retentissement des différentes procédures, elles doivent être précisément documentées, ce qui est rarement le cas dans les études publiées à ce jour.

L’Académie recommande pour les futures recherches d’améliorer les possibilités de croisement des différentes bases (Agence de la biomédecine, Système national des données de santé, Caisse nationale d’assurance maladie, registres de patients...) et préconise que l’Agence de la biomédecine puisse bénéficier des moyens nécessaires pour améliorer le recueil des données (antécédents médicaux ; conditions de culture des embryons, notamment composition des milieux ; techniques utilisées pour la cryoconservation des gamètes et embryons).

Quelles recommandations pour la pratique ?

L’Académie préconise qu’une information claire, objective et la plus précise possible soit donnée aux personnes ayant recours à une FIV, qui devrait être préalable au consentement et tenir compte des facteurs parentaux qui peuvent aussi jouer un rôle sur la santé de leurs descendants.

Elle conseille d’encourager les futurs parents à informer leurs enfants de leur mode de conception, pour que ceux-ci puissent bénéficier d’un suivi médical adapté (eu égard au sur-risque cardiovasculaire, par exemple), y compris à l’âge adulte. Cela permettrait également à ces enfants et jeunes adultes de participer aux études les concernant.

*Ce rapport est fondé sur les réflexions d’un groupe de travail dédié, sur l’audition de différents experts du domaine et les interventions de chercheurs de l’Inserm, et enfin sur un recueil de la littérature scientifique et médicale internationale (notamment des études menées dans les pays nordiques, en Australie, en Belgique et au Royaume Uni, qui sont celles ayant les plus grands effectifs et avec les plus longs suivis).
D’après
Académie nationale de médecine. Santé à moyen et à long terme des enfants conçus par fécondation in vitro (FIV). 21 mars 2023.

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