Un lien entre procréation médicalement assistée et risque de cancers chez les enfants nés par ce biais a été évoqué mais reste débattu, faute d’études convaincantes. Pour la première fois, une large étude de cohorte menée à l’échelle nationale à Taiwan, récemment parue dans le JAMA, confirme ce sur-risque, en particulier pour certains cancers…

Certaines études ont suggéré que les enfants nés de parents ayant des problèmes de fertilité ou subissant des traitements contre l’infertilité avaient un plus grand risque d’altérations épigénétiques et d’issues périnatales défavorables – qui pourraient être associées à une vulnérabilité accrue aux cancers pédiatriques. Le lien entre ces derniers et une conception par procréation médicalement assistée (PMA) a ainsi été évoqué, mais il est débattu. Les études examinant cette association fournissent des résultats contradictoires, ce qui peut s’expliquer, entre autres, par la différence des groupes étudiés, la faible prise en compte des facteurs confondants et surtout la petite taille des échantillons qui ne permet pas de contrer un biais de sélection (compte tenu du fait que tant l’exposition – conception par PMA – que les résultats – cancers pédiatriques – sont rares). Enfin, peu de recherches ont inclus les issues périnatales défavorables (prématurité, petit poids de naissance) dans l’étude de cette association.

Des chercheurs à Taiwan ont donc mené une vaste étude de cohorte d’échelle nationale pour déterminer s’il existait une association entre le mode de conception et les cancers de l’enfant, et si cette éventuelle association était médiée ou non par la prématurité et un faible poids de naissance.

Plus de 2 millions d’enfants ont été suivis entre 2004 et 2017 (durée médiane de suivi : 6 ans). Les données ont été extraites du Maternal and Child Health Database, qui contient la quasi-totalité (99,78 %) de l’information des naissances du pays, et croisées à d’autres registres nationaux, dont le Taiwan Cancer Registry. Les critères d’exclusion comprenaient : un âge parental inférieur à 20 ans, un parent avec une addiction (alcool, tabac, drogues) durant la grossesse, une conception avec don de sperme ou ovocytes.

Parmi les 2 308 016 enfants (âge moyen des parents : 33 ans pour les pères et 31 pour les mères), la majorité (1 794 555) sont nés d’une conception naturelle et 47 152 d’une PMA ; le reste (466 309) constituait le groupe « hypofertilité mais conception sans PMA » ; 52 % étaient des garçons, 8 % sont nés prématurés et 7 % avec un petit poids de naissance (le groupe PMA étant celui qui avait la plus grande proportion de ces deux événements : 36 % chacun).

Dans l’ensemble de la cohorte, 1 880 cancers pédiatriques (enregistrés jusqu’à l’âge de 13 ans) ont été décelés. Les plus fréquents étaient les leucémies et les tumeurs hépatiques. Après ajustement pour des facteurs confondants (dont : âge maternel et paternel, antécédents maternels d’addictions, antécédents parentaux de cancers, statut socio-économique…), la conception par PMA était associée à un risque accru de cancers pédiatriques comparée à la conception naturelle : tous cancers confondus (hazard ratio = 1,58 ; IC à 95 % : 1,17-2,12), et particulièrement pour les leucémies (HR = 2,10 ; IC à 95 % : 1,20-3,70) et les tumeurs hépatiques (HR = 2,71 ; IC à 95 % : 1,28-5,73). Comparé au groupe « hypofertilité mais conception sans PMA », le groupe PMA avait également un sur-risque de cancers pédiatriques (HR = 1,42 ; 1,88 ; 2,41 respectivement pour tous les cancers confondus, les leucémies et les tumeurs hépatiques). En revanche, aucune différence significative n’a été trouvée entre la conception naturelle et l’hypofertilité sans recours à la PMA, suggérant que le risque accru de cancer serait dû à la PMA plutôt qu’à l’hypofertilité elle-même.

Enfin, l’analyse suggère que prématurité ou petit poids de naissance (beaucoup plus fréquents dans le groupe né par PMA) ne peuvent pas expliquer cette augmentation du risque de cancers. 

Les auteurs conseillent ainsi aux praticiens d’informer les patients qui entreprennent un processus de PMA du risque accru de cancers pédiatriques pour les enfants nés par cette procédure, tout en précisant que, globalement, le taux d’incidence reste faible. Ils recommandent également un suivi plus rapproché de ces enfants pour un dépistage précoce d’éventuels cancers.