Automne 2021, le moment idéal pour s’interroger sur les conséquences pédiatriques de la crise sanitaire du Covid-19. Une fois rassurés sur le fait que les jeunes enfants faisaient majoritairement des formes bénignes de la maladie, a surgi la crainte des impacts indirects de la pandémie : ceux des mesures prises pour l’enrayer.
Dès le début du premier confinement, les passages aux urgences ont globalement diminué mais nettement augmenté pour les traumatismes graves (accidents domestiques et violences directes). Les consultations pour troubles psychiatriques (deuils pathologiques, troubles anxieux, phobiques, dépressifs) ont suivi la même croissance. De ce fait, la Société française de pédiatrie alertait déjà en avril 2020 sur la nécessité de rouvrir les écoles ; la Société française de pédiatrie médico-légale publiait, elle, des recommandations pour le repérage des violences sur enfant en mai 2020.
De nombreuses études leur ont ensuite donné raison, confirmant l’augmentation des manifestations pédopsychiatriques (+ 30 % de consultations aux urgences pour ce motif). En parallèle, le Groupement d’intérêt public enfance en danger (Giped) a effectivement noté un nombre d’informations préoccupantes majoré de plus de 30 % par rapport à 2019, pendant le premier confinement. Il est aisé de présager que ces effets ne peuvent qu’être plus fréquents en contexte social défavorable : accès aux soins entravés, isolement majoré, conditions de vie dégradées…
L’école est un lieu de socialisation et un lieu tiers pour les élèves au contexte de vie difficile, mais il est d’abord un lieu d’apprentissage. Selon l’Unesco, la France a connu l’une des durées les moins longues de fermeture des établissements : 10 semaines (contre 28 pour l’Allemagne, 47 pour les États-Unis). Pourtant, les compétences scolaires ont pâti de cette interruption : 68,8 % des élèves de CP-CE1 maîtrisaient la lecture à voix haute en juin 2020 contre 72,6 % l’année précédente.1 Chacun d’entre nous se souvient d’avoir bataillé avec des familles apeurées par le risque d’infection et préférant ne pas profiter de la réouverture des écoles. Il est à craindre que ce sont ces mêmes familles qui ne disposent pas d’un espace de travail pour leurs enfants au domicile : certaines études ont montré que ce sont les parents les plus diplômés qui ont été les plus enclins à rescolariser leurs enfants en mai 2020.2
Au-delà des conséquences immédiatement visibles, il faut se rendre à l’évidence  : l’impact péjoratif sur le neurodéveloppement est aussi possible ! La neurotoxicité des sécrétions hormonales en contexte de stress ou d’isolement social, les possibles troubles de l’attachement dès la naissance (séparations précoces, pères exclus des maternités…), la surexposition aux écrans (en augmentation pour les moins de 6 ans selon 37,4 % des parents vus en centres de Protection maternelle et infantile à Paris3), la sédentarité accrue, les répercussions des violences (directes ou conjugales), les troubles du sommeil, les troubles alimentaires (difficultés économiques, modifications de comportement) ne sont pas sans risque pour un organisme en construction. D’autant qu’ils perdurent au-delà du confinement.
Au plus fort de la crise, les initiatives locales et nationales ont été nombreuses pour prévenir tous ces effets, mais elles ont probablement été insuffisamment coordonnées et trop peu dirigées vers les plus précaires. Le Haut Conseil de la santé publique a dessiné des recommandations4 pour lisser les inégalités sociales de santé des enfants accrues par la crise. Il va s’agir de les consolider pour que le souvenir soit constructif plutôt qu’amer !

Références

1. Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Note d’information n° 21.02, janvier 2021.
2. Van Lancker W, Parolin Z. Lancet Public Health 2020;­ 5(5):e243-4.
3. Carayol M, Berraute E, Jung S, et al. Bull Epidémiol Hebd 2021;(Cov_10):2-12.
4. HCSP. Avis du 18 juin 2020.

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