La télésurveillance est un acte de télémédecine. Il est défini par l’article R 6316-1 du code de la santé publique et a pour objet de « permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé ».
En permettant un suivi personnalisé, coordonné et réactif, la télésurveillance est susceptible d’améliorer l’état de santé des patients, particulièrement de ceux porteurs de maladies chroniques à risque de progression et de complications.1 Sa mise en œuvre repose sur l’interaction étroite entre patients (et si besoin, aidants), professionnels de santé et fournisseur du matériel médical numérique.
Les résultats positifs de l’expérimentation entre 2014 et 2021 (programme « Expérimentations de la télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé » [ETAPES]) ont permis la généralisation de la télésurveillance – téléconsultation, par exemple – et son remboursement de droit commun au plus tard le 1er juillet 2022.

Comment l’appliquer à la néphrologie ?

Le recours à la télésurveillance relève d’une décision partagée entre le patient et le médecin prescripteur. Les actes de télémédecine sont réalisés avec le consentement libre et éclairé de la personne.
La prescription médicale comprend un dispositif médical numérique de télésurveillance et le paramétrage de la surveillance (allant de la formation du patient jusqu’à la personnalisation du suivi). Elle est réalisée par le médecin néphrologue, qui en fixe la durée (6 mois au maximum). À la fin de cette période, l’intérêt de la télésurveillance pour le patient est réévalué afin d’apprécier la pertinence d’un éventuel renouvellement de la prescription initiale. Les patients éligibles au dispositif sont :
les transplantés rénaux ayant été greffés il y a plus de trois mois ; – les dialysés à domicile quel qu’en soit le mode (hémodialyse ou dialyse péritonéale) ; – les dialysés chroniques en unité de dialyse médicalisée ou en unité d’autodialyse ; – les patients ayant une maladie rénale chronique (MRC) de stade 4 (débit de filtration glomérulaire [DFG] compris entre 15 et 30 mL/min/1,73 m2) ou de stade 5 (DFG inférieur à 15 mL/min/1,73 m2).
Le médecin généraliste peut effectuer la télésurveillance (dans le cadre de protocoles de coopération avec le néphrologue), excepté pour les patients dialysés.

Quels bénéfices ?

Pour la Haute Autorité de santé, « le numérique doit faciliter le travail des professionnels, la coordination, la pertinence ou encore la continuité des soins »2, et la télésurveillance « vise l’amélioration de la qualité de vie par la prévention des complications et une prise en charge au plus près du lieu de vie ».3
La télésurveillance, appliquée au patient insuffisant rénal, a vocation à améliorer l’observance et l’adhésion à des traitements souvent très contraignants, à anticiper les adaptations des modalités de la séance de dialyse, à optimiser le parcours de soins, à retarder le stade de mise en route du traitement de suppléance (en appui de la prise en charge pluridisciplinaire dans le cadre d’un parcours MRC) et à prolonger la longévité de la greffe rénale.
Les patients insuffisants rénaux chroniques sont à haut risque d’hospitalisations récurrentes. La prise en charge précoce – permise par la télésurveillance – d’une éventuelle dégradation de l’état clinique du patient diminue le risque d’une hospitalisation complète ou d’une admission aux urgences. La téléconsultation permet également d’espacer les consultations en présentiel tout en maintenant un suivi adapté à l’état clinique du patient, une meilleure coordination de la surveillance entre acteurs ambulatoires et hospitaliers, la prévention du recours aux soins lourds et invasifs, l’amélioration de la qualité de vie, le maintien de l’autonomie des patients et la réduction des coûts liés aux transports.
Enfin, la télésurveillance doit favoriser l’accompagnement thérapeutique du patient et des aidants (en complément de l’éducation thérapeutique) pour leur permettre de s’impliquer en tant qu’acteurs dans le parcours de soins, de mieux connaître la pathologie et les composantes de sa prise en charge et d’adopter les réactions appropriées en lien avec le projet de télésurveillance.

Quelle est la place du médecin traitant ?

L’un des enjeux de la télésurveillance appliquée à la néphrologie est d’ordre sociologique. Les principaux facteurs de risque de maladie rénale chronique (diabète et hypertension artérielle) sont surreprésentés parmi les couches socio-économiques les plus défavorisées de la population. Cela se traduit par une plus grande difficulté à s’approprier les outils numériques, notamment en raison d’un niveau d’études globalement plus faible (particulièrement pour les patients pris en charge en dialyse, figure). Il est donc indispensable que les fournisseurs de dispositifs médicaux numériques s’adaptent au profil des patients insuffisants rénaux en proposant des solutions immédiatement opérationnelles. À ce jour, trop peu d’études ont évalué rigoureusement l’impact médico-économique du télésuivi en néphrologie. La majeure partie des expérimentations réalisées jusqu’à présent concerne les patients transplantés rénaux et apparaît peu robuste sur le plan méthodologique, ce qui, par conséquent, la rend peu convaincante.4 Un effort particulier de la communauté néphrologique doit être entrepris sur ce point. Ceci est d’autant plus crucial que le modèle économique de la télésurveillance va être directement déterminé par les bénéfices réellement obtenus.
Le remboursement proposé par l’Assurance maladie prévoit actuellement un forfait pour le néphrologue initiant le télésuivi et l’infirmier réalisant l’accompagnement. Cependant – et malheureusement –, les médecins de ville, au premier rang desquels le médecin traitant, ne sont pas clairement inclus dans ce remboursement. Cet aspect doit être rapidement corrigé, au risque d’instituer une télésurveillance hospitalo-centrée. Le médecin généraliste doit jouer un rôle clé dans la télésurveillance, en premier lieu du patient ayant une MRC de stades 4 et 5, mais aussi du patient transplanté rénal stable. C’est une condition sine qua non pour que la télésurveillance permette un réel « suivi régulier des patients fondé sur la fluidité des échanges avec les professionnels de santé ».3

Références

1. Ministère des Solidarités et de la Santé. La télésurveillance. Mai 2021. Disponible sur https://bit.ly/3JT7nnT
2. HAS. Rapport d’analyse prospective 2019. Numérique : quelle (R)évolution ? Juin 2019. Disponible sur https://bit.ly/3wzXgR4
3. HAS. Rapport d’évaluation. Évaluation économique de la télésurveillance pour éclairer la décision publique. Décembre 2020. Disponible sur https://bit.ly/3wxasWL
4. Duettmann W, Naik GM, Zukunft B, et al. eHealth in transplantation. Transplant Int 2021;34(1):16-26.
5. Association Renaloo. Rapport des États généraux du rein. Juin 2013. Disponible sur https://bit.ly/35aV2M

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