Le plan de santé publique pour la maladie d’Alzheimer 2008-2012 a permis de tester de nouvelles méthodes de travail. Ainsi, avec une connaissance uniquement théorique de la maladie, en professionnel confirmé mais dans un autre champ de la médecine, a-t-il été possible de tester le rôle bénévole de mentor. De cette expérience découlent des réflexions sur deux nouvelles formes que pourrait adopter l’enseignement en médecine.
Qu’est-ce qu’un mentor ? « C’est d’abord un professionnel expérimenté, quelqu’un qui comprend les problématiques du professionnel qu’il mentore ; il en a connu de similaires, avec des succès et des erreurs. Il sait challenger la posture du mentoré, ses décisions et leur mise en œuvre, pour améliorer anticipation, réactivité et résultats. Le mentor apporte aux professionnels, entrepreneurs, dirigeants et futurs dirigeants, cadres et étudiants le support professionnel d’un pair avec lequel ils peuvent partager et échanger, en toute confidentialité, sur l’exercice de leur métier et sur leurs enjeux professionnels et personnels. » Telle est la définition qu’en donne l’association France Mentor, créée en 2012.
La neutralité du mentor est importante : de l’empathie certes, mais pas trop ; de la technicité, certes, mais pas trop. Son but est de faciliter la confrontation des idées, des théories et des sentiments. Un mentor ne prend pas parti ; il ne pense qu’à la valeur de l’ensemble. Il insuffle des méthodes de travail nouvelles, souvent issues de sa propre expérience. Il reste à l’affût de nouvelles méthodes de soins, de recherche et d’enseignement.
La fonction de mentor n’a pas été développée en faculté de médecine. À l’époque du télé-enseignement, la référence reste le cours magistral ou le travail « dirigé ». On prolonge l’image du maître d’école rêvé depuis les hussards noirs de la République ou Le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier. Une estrade, un tableau noir ! L’ordinateur a remplacé le papier, mais la course derrière l’enseignant essouffle toujours : il est incompatible de prendre des notes et réfléchir, surtout si la seule crainte que l’on ait en tête est celle du très court terme : « Quelle question tombera à l’examen ? »
Insufflateur d’idées, le Pr André Grimaldi a fait écrire Claude Onesta, entraîneur accompli de l’équipe de France de handball, dans son ouvrage collectif Les Maladies chroniques : vers la 3e médecine (Odile Jacob, 2017).
Mais, en 2022, la fonction de mentor en faculté de médecine reste encore à inventer, à formaliser, à tenter.
Dans ce même objectif de croisement des expériences, littérature et cinéma pourraient être plus largement utilisés comme adjuvants à l’enseignement médical, ouvrant les perspectives et les esprits. Car peut-on travailler en groupe sans avoir vu Douze hommes en colère, de Sidney Lumet ? Peut-on vouloir être médecin sans avoir discuté de La Maladie de Sachs, Hippocrate ou Un médecin de campagne ? Peut-on comprendre l’hôpital sans avoir analysé Britannia Hospital ou Dans le ventre de l’hôpital (dont la qualité fut attestée par la nuée des critiques de ceux qui n’y voyaient rien, pas même la réalité filmée) ? Peut-on prendre en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sans avoir travaillé en groupe sur Still Alice, Se souvenir des belles choses, La Vie à l’envers ou Une jeune fille de quatre-vingt-dix ans ?
Dans les différents articles que j’ai pu écrire pour La Revue du Praticien depuis 1972, les références étaient bibliographiques et scientifiques. Pour transmettre des connaissances sur les soins et l’accompagnement, j’aimerais aujourd’hui ouvrir les regards par des références issues du monde des arts, fût-il le septième.