Avec près de 6 000 cas par jour en France, c’est l’urgence traumatologique la plus fréquente. Quels tests cliniques pour faire le diagnostic d’entorse latérale et exclure les diagnostics différentiels (fracture, entorse de la syndesmose…) ? Quand pratiquer une imagerie ? Quelle prise en charge ?

Les entorses de la cheville sont souvent liées à un accident de la vie quotidienne ou sportif. Facteurs de risque : pratique des sports de saut et de pivot (football, basket, rugby, volley-ball, course à pied), vieillissement, surcharge pondérale.

Rappel anatomique : le ligament collatéral latéral (LCL) a 3 faisceaux (talo-fibulaires antérieur et postérieur, calcanéo-fibulaire = faisceau moyen). L’entorse latérale est la plus fréquente : les faisceaux se rompent ou se distendent d’avant en arrière (fig. 1). Le ligament collatéral médial (LCM) a 2 faisceaux (profond et superficiel). L’entorse médiale (rare mais à ne pas méconnaître) est souvent associée à une fracture de la malléole latérale. Les ligaments intertibio-fibulaires peuvent être atteints dans l’entorse grave dite « de la syndesmose ».

Examen clinique : bilatéral et comparatif

En cas d’entorse latérale, la plus fréquente, le mécanisme est indirect en varus équin forcé (traumatisme en inversion).

À l’interrogatoire, il faut préciser : âge ; mécanisme du traumatisme ; craquement audible ; impotence fonctionnelle partielle initiale, devenue secondairement totale après quelques heures ; gonflement important d’abord localisé (l’œuf) ; hématome périmalléolaire latéral ± médial.

À la palpation, il existe une douleur sur le trajet du ligament collatéral latéral. Il faut rechercher une laxité pathologique par rapport au côté controlatéral (difficile en phase aiguë) : varus forcé et tiroir antérieur (encadré).

On recherche des critères évoquant un diagnostic différentiel :

– fracture : douleur à la base du 5e métatarsien (fracture de la styloïde en particulier) de l’os naviculaire, de la malléole médiale ;

– rupture du tendon d’Achille : manœuvre de Thompson négative (encadré).

– entorse de la syndesmose : un traumatisme peu précis, la présence d’une douleur déclenchée par le squeeze test (encadré) sont des arguments en faveur d’une telle atteinte. Cette pathologie, de diagnostic difficile, est souvent méconnue et son incidence sous-estimée (12 à 32 % chez les sportifs). Il est pourtant indispensable de la diagnostiquer car le traitement diffère de celui d’une entorse latérale de la cheville et peut être chirurgical.

Quand prescrire une imagerie ?

Les radiographies de face et de profil sont réalisées si un des critères d’Ottawa est présent :

– âge < 18 ans ou > 55 ans ;

– douleur à la palpation postérieure d’une des malléoles sur 6 centimètres de hauteur ;

– douleur à la palpation de la base du 5e métatarsien ou de l’os naviculaire ;

– incapacité de se mettre en appui ou de faire 4 pas.

Ces critères ont pour but de rechercher des diagnostics différentiels. Les radiographies de la cheville sont souvent normales en cas d’entorse de la cheville. Un arrachement de la pointe de malléole latérale et/ou de l’écaille du dôme astragalien récent ou ancien en cas de récidive peut être observé.

L’échographiepermet de confirmer le diagnostic en objectivant la rupture ligamentaire et en précisant son étendue. La question est souvent la disponibilité de l’examen en urgence.

Quelle prise en charge ?

Le traitement initial est fonctionnel : repos, glaçage, attelle amovible jusqu’à sédation des douleurs antalgiques et anti-inflammatoires per os ± décharge, béquilles et anticoagulation préventive si appui trop douloureux.

Pour prévenir la récidive : rééducation par kinésithérapeute dès l’amendement des douleurs (renforcement des péroniers latéraux et proprioception).

Un contrôle clinique et des clichés dynamiques sont réalisés en cas de persistance d’une instabilité à distance.

Encadre

Tests cliniques

Lésion du ligament collatéral latéral (la plus fréquente) :

– test du tiroir antérieur : patient en décubitus dorsal, genou fléchi à 90°, pied maintenu sur la table par l’examinateur ; ce dernier saisit le tiers inférieur de la jambe et le pousse vers l’arrière ; plus sensible et spécifique si pratiqué 5 jours après le traumatisme (Se = 96 % / Sp = 84 %, fig. 2) ;

– manœuvre du varus forcé : patient en décubitus dorsal, genou fléchi ; l’examinateur empaume d’une main le talon par sa face externe, en sous-malléolaire, et de l’autre main le quart inférieur de la jambe par sa face interne ; il porte le talon en varus tentant de faire bailler l’articulation de la cheville (Se = 88 % ; fig. 3) ;

Lésions du ligament collatéral médial :

– manœuvre de valgus forcé, mais non spécifique (évoque aussi une atteinte des structures ostéoligamentaire voisines).

Atteinte de la tibio-fibulaire inférieure :

– squeeze test : patient assis sur le bord de la table, jambes pendantes ; l’examinateur exerce une pression de chaque côté de la jambe. Positif s’il provoque une douleur sur le versant antérolatéral de la cheville (fig. 4).

Rupture du tendon calcanéen : 3 tests fiables, réalisés de façon comparative (par rapport à la cheville saine), bien évalués (patient en décubitus ventral et pieds dépassant de la table) :

– test de Brunet-Guedj : on recherche une asymétrie nette avec perte de l’équin physiologique du pied et de la cheville du côté lésé (Se = 88 % / Sp = 86 % ; fig. 5) ;

– test de Thompson : la compression des muscles du mollet provoque, sur un tendon sain, une flexion plantaire de la cheville (Se = 96 % / Sp = 93 % ; fig. 6a et 6b) ;

– palpation cutanée du tendon calcanéen : on retrouve une encoche (côté lésé) à 4 ou 5 cm au-dessus de l’insertion (Se = 73 % / Sp = 89 % ; fig. 7).

Pour en savoir plus

Abitteboul Y. Tests cliniques de la cheville.  Rev Prat Med Gen 2014;28(915):103-4.
Beaufils P, Noailles T, Pujol N, et al. Item 361 (ancien 357). Lésions péri-articulaires et ligamentaires du genou, de la cheville et de l’épaule.  Rev Prat 2017;67(7):e335-345.

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