L’énurésie se traduit par une incontinence urinaire survenant pendant le sommeil chez un enfant de 5 ans ou plus, associée ou non à une incontinence diurne.1 Elle est dite isolée ou monosymptomatique si elle ne s’accompagne d’aucun autre trouble fonctionnel urinaire (urgenturie ou dysurie). La prévalence est supérieure à 15 % à l’âge de 7 ans,2 autour de 5 % à 10 ans.3
Il existe une prédisposition familiale et le mécanisme de transmission suggéré est celui d’un héritage autosomique dominant à haute pénétrance (non-X-linked) : si les technologies de l’ADN recombinant ont trouvé une corrélation avec des marqueurs sur les chromosomes 12q, 13q et 22q, aucun gène spécifique n’a été isolé.

Deux mécanismes

Si les anomalies neurologiques et psychiatriques ont été le plus souvent écartées et si celles de l’architecture du sommeil sont mises en doute par certains, il n’en demeure pas moins que le profil psychologique est volontiers le même : garçon perfectionniste, émotif, souvent actif, brillant à l’école, s’endormant très vite le soir d’un sommeil profond.
L’hypothèse la plus moderne décrit l’énurésie primaire isolée comme l’association d’une polyurie nocturne ou d’une hyper­activité détrusorienne (contraction involontaire du détrusor produisant une augmentation de la pression vésicale) et d’une anomalie du seuil d’éveil.
On parle de polyurie nocturne lorsque la quantité d’urines produite la nuit est supérieure à celle produite le jour. Elle est due probablement à une absence du pic physiologique nocturne d’hormone antidiurétique (ADH) ou vasopressine, sécrétée de façon pulsatile . « Diurèse-dépendante », elle répond favorablement aux antidiurétiques.
L’hyperactivité détrusorienne pourrait également expliquer des formes souvent associées à une incontinence diurne, des urgenturies et des volumes mictionnels réduits. Si cette énurésie « détrusor-dépendante » est en général résistante aux antidiurétiques, elle est améliorée par les anticholinergiques.
Concernant le seuil d’éveil, lorsqu’un enfant est énurétique, ni la distension vésicale ni les contractions détrusoriennes, pourtant reconnues comme de forts stimulus d’éveil, ne permettent de le réveiller.
La proximité anatomique entre le locus coeruleus, acteur indispensable dans la boucle « veille-sommeil », et le centre mictionnel pontique pourrait expliquer la combinaison des 2 mécanismes.4

Un diagnostic d’interrogatoire

L’examen clinique est long et minutieux pour comprendre l’histoire mictionnelle de l’enfant et mieux différencier l’énurésie primaire et secondaire. L’âge de la propreté, le nombre de mictions par jour, les conditions de survenue de l’incontinence (nocturne, diurne, activité pratiquée au moment des fuites...), la quantité des fuites et l’existence ou non de constipation sont des questions fondamentales posées lors de la première visite.
Il est essentiel de repérer les énurésies secondaires et de rechercher une polydipsie, pour ne pas méconnaître un diabète ou une pathologie rénale.
L’examen clinique comporte l’inspection des organes génitaux et de la région lombosacrée ainsi qu’un bilan neurologique complet, pour ne pas passer à côté de pathologies telles que les dysraphismes spinaux (malformations congénitales de la colonne vertébrale, spina bifida).

Quelles options thérapeutiques ?

Les mesures hygiénodiététiques et, au premier plan, les « habitudes mictionnelles », sont primordiales.
L’enfant est encouragé à se rendre aux toilettes au moins 6 fois par jour (toutes les 3 heures) en profitant des pauses de la journée (figure). Il doit se placer confortablement sur le siège des toilettes et prendre son temps pour vider complètement sa vessie, en se relaxant et en évitant de pousser. Les apports hydriques doivent être concentrés sur la première partie de la journée avec une diminution progressive à partir de 18 heures. Les boissons sucrées ou gazeuses ainsi que les aliments très salés sont à éviter car ils peuvent entraîner une diurèse osmotique. Un calendrier mictionnel peut être associé pour évaluer la compliance aux conseils de l’enfant et de la famille (figure). Le traitement d’une constipation fait partie intégrante de la prise en charge.
Un détecteur d’urine peut être placé soit dans les sous-vêtements de l’enfant, soit dans les draps. Il est connecté à une alarme qui émet un son ou vibre lorsqu’il est activé par les premières urines. En se réveillant au moment de cette miction involontaire nocturne, l’enfant apprend progressivement à reconnaître la sensation de miction imminente et parvient soit à inhiber la contraction du détrusor, soit à se réveiller et rallier les toilettes.
La desmopressine (Minirin) est un analogue synthétique de la vasopressine (ou ADH), dénuée de ses propriétés antihypertensives, mais ayant conservé son activité antidiurétique.
Les effets indésirables sont très rares : céphalées, douleurs abdominales et nausées. Il convient toutefois d’être vigilant sur les apports hydriques de l’enfant qui ne doivent pas être excessifs lors de la prise de ce traitement. Ils pourraient entraîner une hyponatrémie sévère, responsable de convulsions.

Quelle efficacité ?

La desmopressine ou le système d’alarme ne peuvent être efficaces sans des habitudes mictionnelles adéquates. Autre alliée, la patience. Par ailleurs, une ambiance familiale favorable ainsi que la motivation et compliance de l’enfant sont des prérequis.
Les mesures hygiénodiététiques seules améliorent le tableau clinique dans 15- 20 % avec un délai moyen de 8 semaines.7
Les alarmes ont un taux de succès de 60 à 70 %.8
Enfin, la desmopressine a une efficacité rapportée de 40 à 80 %.9 Mieux vaut, pour ces traitements à long terme, commencer par des posologies minimales, puis augmenter progressivement en fonction de la réponse. Si on décide de choisir ce type d’approche, des fenêtres sans traitement d’au moins 1 mois sont impératives entre les cycles.
La prévalence de l’énurésie nocturne chez les adultes est estimée à 0,5 %, ce qui veut dire que moins de 5 % des enfants ayant eu une énurésie nocturne sont à risque de rester énurétiques pendant l’adolescence. L’évolution spontanée est donc le plus souvent favorable.
Encadre

Quand passer la main ?

Si après interrogatoire et examen physique, le diagnostic d’énurésie primaire isolée est confirmé, il est inutile de faire pratiquer des examens complémentaires. Le traitement peut être débuté au cabinet du généraliste.

>En cas d’échec, d’énurésies secondaires ou associées à une symptomatologie diurne, demander un avis spécialisé (urologue pédiatre). Il réalise une bandelette urinaire et, en cas de symptôme diurne, d’autres examens (calendrier mictionnel et fécal, débitmétrie, échographie rénovésicale) pour compléter l’enquête étiologique.

Références
1. Nevéus T, von Gontard A, Hoebeke P, et al. The standardization of terminology of lower urinary tract function in children and adolescents: report from the Standardisation Committee of the International Children’s Continence Society. J Urol 2006;176:314-24.
2. Hellström AL, Hanson E, Hansson S, Hjälmås K, Jodal U. Micturition habits and incontinence in 7-year-old Swedish school entrants. Eur J Pediatr 1990;149:434-7.
3. Nevéus T, Hetta J, Cnattingius S, et al. Depth of sleep and sleep habits among enuretic and incontinent children. Acta Paediatr 1999;88:748-52.
4. Yeung CK, Diao M, Sreedhar B. Cortical arousal in children with severe enuresis. N Engl J Med 2008;358: 2414-5.
5. Aubert D, Berard E, Blanc JP, et al. Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic et prise en charge. Recommandations par consensus formalisé d’experts. Prog Urol 2010;20:343-9.
6. Roth EB, Austin PF. Evaluation and treatment of nonmonosymptomatic enuresis. Pediatr Rev 2014;35: 430-6.
7. Caldwell PHY, Nankivell G, Sureshkumar P. Simple behavioural interventions for nocturnal enuresis in children. Cochrane Database Syst Rev 2013;7:CD003637.
8. Houts AC, Berman JS, Abramson H. Effectiveness of psychological and pharmacological treatments for nocturnal enuresis. J Consult Clin Psychol 1994;62:737-45.
9. Monda JM, Husmann DA. Primary nocturnal enuresis: a comparison among observation, imipramine, desmopressin acetate and bed-wetting alarm systems. J Urol 1995;154:745-8.

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essentiel

L’énurésie n’est pas une maladie mais un symptôme, témoin d’une immaturité du dialogue nocturne cerveau-vessie.

L’interrogatoire est fondamental pour différencier énurésie primaire et secondaire.

Le traitement peut être complété avec l’alarme sonore ou la desmopressine, parfois l’oxybutynine (instabilité vésicale).

En cas d’énurésie secondaire ou d’échec du traitement, l’avis d’un urologue pédiatre est souhaitable.