Les atteintes dégénératives de la coiffe des rotateurs sont fréquentes et augmentent avec l’âge. Elles ne sont pas toujours symptomatiques, mais lorsqu’elles le sont (douleur, raideur ou faiblesse de l’épaule), elles représentent deux tiers des douleurs d’épaule et environ 30 % des maladies professionnelles reconnues. La chirurgie n’a pas de place dans cette indication.
Or, selon une étude de l’Assurance maladie, au 2e semestre 2022, 3 629 adultes de 40 ans et plus ont été opérés pour une coiffe des rotateurs non rompue et non traumatique, même avant d’avoir essayé le traitement médicamenteux de première intention, puisque seulement 1 patient opéré sur 3 a eu une kinésithérapie, et 1 sur 2 une infiltration sub-acromiale de dérivés cortisonés.
Conduite diagnostique
Pour rappel, un syndrome douloureux sub-acromial désigne une douleur d’épaule non traumatique, habituellement unilatérale, localisée autour du moignon de l’épaule (et pouvant irradier vers le bras), souvent aggravée pendant ou après une élévation du bras. Ce syndrome comprend divers diagnostics : bursopathie, tendinopathie et rupture dégénérative des tendons de la coiffe des rotateurs, tendinopathie du long biceps et tendinopathies calcifiantes.
L’examen clinique et l’évaluation du contexte (professionnel ou autre) sont essentiels pour orienter. La démarche diagnostique dépend du type de douleur (aiguë ou persistante).
Douleur aiguë (< 6 semaines)
Dans ce cas, 4 diagnostics sont à évoquer :
- poussée douloureuse aiguë sur tendinobursite dégénérative de la coiffe des rotateurs (contexte de gestes répétitifs) ;
- épaule aiguë hyperalgique évoquant une calcification en crise de résorption : douleur intense et brutale sans facteur déclenchant, mobilisations actives et passives quasi-impossibles du fait de la douleur ; patient en attitude du traumatisé du membre supérieur ;
- épaule douloureuse avec dérouillage matinal prolongé : contexte de rhumatisme inflammatoire chronique ou pathologie microcristalline connue (arthrite/bursite liée à une poussée aiguë de rhumatisme inflammatoire chronique ou microcristallin) ; arthrose ;
- syndrome de Parsonage-Turner : douleur intense et brutale de l’épaule, suivie d’une amyotrophie d’un ou plusieurs groupes musculaires de la ceinture scapulaire et du membre supérieur.
Il est également indispensable de rechercher les diagnostics urgents : pathologie CV, embolie pulmonaire, arthrite septique, pneumopathie… (tableau 1).
Douleur persistante (> 6 semaines)
Après avoir éliminé les diagnostics différentiels (tumeur de l’épaule, névralgie cervico-brachiale C5 ou C6, tableau 2), on recherche les principaux diagnostics en fonction de la clinique : limitation lors de la mobilisation passive et/ou active, épaules raides ou instables ou douleur d’origine neurologique (tableau 3 et conduite à tenir dans l’arbre décisionnel en figure 1).
Les arguments faisant évoquer un syndrome douloureux sub-acromial sont :
- douleurs localisées en regard du moignon de l’épaule et pouvant irradier dans le bras (celles en regard de la scapula sont plus en faveur d’une origine rachidienne) ;
- l’absence d’enraidissement : les amplitudes lors de la mobilisation passive sont conservées (même si, chez les patients les plus douloureux, une diminution modérée d’amplitude passive globale peut être observée) ;
- des tests cliniques en faveur d’un syndrome douloureux sub-acromial (encadré).
Ce dernier peut être responsable de réveils nocturnes positionnels (décubitus) et associé à des pathologies cervicales.
Quelle place pour l’imagerie ?
En l’absence d’élément évocateur d’une pathologie sévère, la radiographie est uniquement indiquée en cas de persistance des symptômes pendant 4 à 6 semaines, avec ou sans traitement.
L’échographie ou l’IRM n’ont pas de place en première intention. En cas d’échec d’un traitement associant kinésithérapie et infiltration, après réévaluation clinique, une échographie de l’épaule, réalisée par un échographiste expérimenté en pathologie ostéoarticulaire, peut être prescrite pour préciser le diagnostic lésionnel, voire une IRM si les symptômes du patient ne sont pas expliqués par l’échographie.
Quelle prise en charge ?
La prise en charge des pathologies de la coiffe des rotateurs non traumatiques et non hyperalgiques repose sur le maintien des activités tolérables, les antalgiques (paracétamol, associé ou non aux antalgiques de palier 2) + les AINS en cure courte, en l’absence de contre-indication. Mais attention : compte tenu du risque d’iatrogénie et des interactions médicamenteuses chez les plus de 75 ans, selon la HAS les infiltrations sub-acromiales de dérivés cortisonés peuvent être préférables aux AINS chez ces patients.
En 2e intention :
- kinésithérapie : le rythme, la durée et la fréquence des séances sont adaptés à l’évolution des symptômes, sachant qu’une amélioration clinique est attendue au bout de 6 semaines à 3 mois ;
- infiltrations sub-acromiales de dérivés cortisonés : 1 ou 2 espacées au minimum de 3 semaines et suivies d’un repos relatif de 48 heures.
D’après la HAS, à ce jour, les injections d’acide hyaluronique ou de plasma riche en plaquettes n’ont pas démontré leur efficacité dans le syndrome douloureux sub-acromial.
En cas d’échec d’un traitement conservateur de première intention bien conduit (prenant en compte les facteurs contextuels professionnels ou autres), il faut adresser à un médecin spécialiste de l’épaule (rhumatologue, médecin de médecine physique et de réadaptation, médecin du sport ou chirurgien orthopédique).
Un arbre décisionnel pour la prise en charge est indiqué dans la figure 2.
Qu’en retenir ?
- La chirurgie n’a pas d’intérêt dans la tendinopathie non rompue de la coiffe des rotateurs.
- La radiographie de l’épaule est le seul examen d’imagerie indispensable en 1re intention après 4 à 6 semaines d’évolution.
- La prise en charge associe traitement médicamenteux (antalgiques, AINS, injections de dérivés cortisonés dans l’épaule) et non (kinésithérapie, éducation et conseils de prévention), prescrit en plusieurs étapes, selon l’évolution des symptômes.
Examen clinique de l’épaule non enraidie
Les tests permettant d’orienter vers un syndrome douloureux sub-acromial sont :
- arc douloureux : le patient doit réaliser une abduction (dans le plan frontal). La douleur apparaît généralement entre 60 et 120° d’abduction ;
- test de Neer : flexion (élévation antérieure) passive (entre flexion et abduction) du membre supérieur, scapula bloquée ;
- test de Hawkins : le bras est placé par l’examinateur à 90° de flexion (élévation antérieure) (coude fléchi à 90°). L’examinateur impose une rotation médiale ;
- test de Yocum : le patient place sa main sur l’épaule controlatérale à celle testée. Il effectue une élévation de son coude fléchi sans bouger l’épaule testée.
Ces tests sont positifs en cas d’apparition d’une douleur lors de la manœuvre.
L’examen clinique et l’ensemble des tests d’une épaule douloureuse sont détaillés ici : HAS. Conduite diagnostique devant une épaule douloureuse non traumatique de l’adulte. 31 août 2023.
Fiche de synthèse – Conduite diagnostique devant une épaule douloureuse non traumatique de l’adulte.
Fiche de synthèse – Prise en charge des tendinopathies de la coiffe des rotateurs.
Recommandation – Conduite diagnostique devant une épaule douloureuse non traumatique de l’adulte et prise en charge des tendinopathies de la coiffe des rotateurs.
Arbre décisionnel – Diagnostic d’une douleur d’épaule persistante.
Arbre décisionnel – Prise en charge des tendinopathies de la coiffe des rotateurs non traumatiques et non calcifiantes.
Tendinopathie non rompue de l’épaule – Infographie.