Objectifs
Décrire l’épidémiologie des cancers les plus fréquents (sein, côlon-rectum, poumon, prostate). Incidence, prévalence et mortalité.
Connaître et hiérarchiser les facteurs de risque de ces cancers.
Expliquer les principes de prévention primaire et secondaire.
Connaître les principes du dépistage du cancer (sein, côlon-rectum, col utérin).
Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’épidémiologie est l’étude de la distribution et des facteurs étiologiques, des états ou phénomènes liés à la santé, dans une population déterminée, et l’application de cette étude à la prévention et à la maîtrise des problèmes de santé. En cancérologie, l’épidémiologie permet notamment de calculer l’incidence, la mortalité des cancers, et d’identifier les facteurs de risque et facteurs protecteurs de cancers. Comprendre les causes de cancers est essentiel pour mettre en œuvre des stratégies de prévention efficaces.
Ainsi, on peut tenter de diminuer l’incidence des cancers induits en limitant ou supprimant l’exposition aux facteurs de risque (prévention), en recherchant l’apparition d’un cancer ou d’un état précancéreux chez les sujets à risque (dépistage) ou en renforçant l’exposition aux facteurs protecteurs.

Épidémiologie

Le cancer est, avec les maladies cardiovasculaires, l’une des principales causes de décès dans le monde. L’OMS estime que 19,3 millions de nouveaux cas de cancers et environ 10 millions de décès par cancer sont survenus en 2020. En France, en 2020, 467 965 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués et 185 621 décès sont survenus.

Incidence

L’incidence et la prévalence sont des mesures de fréquence de la maladie. L’incidence correspond au nombre de nouveaux cas survenus pendant une période donnée dans une population déterminée, tandis que la prévalence correspond au nombre de cas observés dans une population à un moment donné. Le taux d’incidence rapporte le nombre de nouveaux cas d’une pathologie observés pendant une période donnée, à la population dont sont issus les cas pendant cette même période (généralement exprimé en nombre de cas pour 100 000 personnes-­années). Le taux d’incidence standardisé correspond au taux d’incidence qu’aurait une population si elle avait une structure, pour une variable donnée (généralement l’âge), identique à celle d’une population de référence.
En France, le cancer le plus fréquent est le cancer de la prostate, avec 66 070 nouveaux cas estimés en 2020. Le cancer du sein est en deuxième position, avec 58 083 nouveaux cas survenus en 2020. À l’échelle mondiale, le cancer du sein est le plus communément diagnostiqué (11,7 % de tous les cancers) [tableau 1].

Mortalité

La mortalité correspond au nombre de décès survenus au cours d’une période donnée. Le taux de mortalité rapporte le nombre de décès observés pendant une période donnée, à la population totale moyenne pendant cette même période. Le taux de mortalité standardisé correspond au taux de mortalité qu’aurait une population si elle avait une structure, pour une variable donnée (généralement l’âge), identique à celle d’une population de référence.
En 2020, le cancer du poumon reste la première cause de mortalité par cancer en France (37 095 décès, 20 % de tous les cancers) et dans le monde (1 796 155 décès, 18 %), suivi par le cancer colorectal (11,3 % en France, 9,4 % dans le monde).

Facteurs de risque

Il s’agit des éléments qui peuvent favoriser le développement d’un cancer. Ils peuvent être liés au mode de vie, à l’environnement, notamment professionnel, aux infections, à une prédisposition génétique, etc. La présence de facteurs de risque n’entraîne pas systématiquement l’apparition d’un cancer. Les facteurs de risque agissent souvent en interaction. L’exposition à plusieurs facteurs conduit à des effets synergiques, qui peuvent être additifs ou multiplicatifs.
On distingue des facteurs de risque avérés, des facteurs de risque supposés (ou pour lesquels le caractère à risque ou l’importance du risque sont discutés) et des facteurs protecteurs (qui réduisent le risque d’apparition d’un cancer).
À l’heure actuelle, en France, il est estimé que plus de 40 % des cancers chez l’adulte sont attribuables à des facteurs de risque établis, comme un mode de vie défavorable, des expositions à des agents environnementaux ou infectieux (tableau 2). Comparativement, moins de 10 % des cancers sont génétiquement déterminés.

Risques évitables comportementaux

Tabac

Principale cause de décès par cancer dans le monde, le tabagisme est le premier facteur de risque évitable de cancer. Il est responsable de plus de 68 000 cas (soit environ 20 % de tous les cancers) en France en 2015, avec notamment 32 686 cas de cancers du poumon, 9 458 cas de cancers de la cavité orale et du pharynx, et 4 333 cas de cancer de la vessie. Au total, ce sont 18 localisations tumorales qui sont liées au tabagisme (avec des indications de cancérogénicité suffisantes) : poumon, larynx, cavité buccale, pharynx, sinus paranasal, œsophage, estomac, côlon, rectum, pancréas, foie, voies biliaires, rein, urètre, vessie, col de l’utérus, ovaire (tumeurs mucineuses), moelle osseuse (leucémie myéloïde aiguë). Le tabagisme passif, c’est-à-dire le fait d’être exposé à la fumée de tabac dans son entourage, a lui aussi un impact sur l’incidence du cancer du poumon, mais bien moindre.
Le tabagisme actif est associé à un risque relatif (RR) de cancer du poumon de 21,3 chez les hommes et 12,5 chez les femmes. Le risque croît avec la quantité consommée mais plus encore avec l’allongement de la durée d’exposition : un doublement de la quantité multiplie le risque par 2 ou 3, un doublement de la durée d’exposition multiplie le risque par 20. Pour le tabagisme passif, le RR est de 1,4 chez les hommes et de 1,2 chez les femmes. L’arrêt de la consommation de tabac est donc important, même avec un entourage de fumeurs.
La fumée de cigarette contient plus de 70 composants classés cancérogènes avérés dont des amines aromatiques, du benzène, du chlorure de vinyle, de l’oxyde d’éthylène, de l’arsenic, du béryllium, du nickel, du chrome, du cadmium, du polonium 210… Les hypothèses concernant les mécanismes biologiques qui associent le tabac au cancer sont nombreuses. Le mécanisme le plus largement admis implique un endommagement de l’ADN par les substances cancérigènes inhalées, qui peuvent conduire à des mutations. Lorsque ces mutations se produisent dans les gènes oncogènes ou suppresseurs de tumeurs, elles peuvent entraîner une prolifération cellulaire anormale et conduire au développement d’un cancer.
Les autres modes de consommation de tabac (tabac en vrac, chicha, chique de bétel) sont aussi associés à un fort risque de cancer. Le cannabis, fumé pur ou mélangé à du tabac, libère des substances nocives dont certaines sont cancérigènes. Concernant la cigarette électronique, même s’il existe encore des incertitudes concernant ses effets sur la santé, les effets toxiques apparaissent nettement moins élevés que ceux du tabac.
 

Alcool

La consommation d’alcool est le deuxième facteur de risque évitable de cancer, responsable de plus de 27 000 cas de cancers (soit 8 % de tous les cancers) en France en 2015. L’alcool est associé à une augmentation du risque de cancers de la cavité buccale, du pharynx, de l’œsophage, du côlon, du rectum, du foie, des voies biliaires, du larynx et du sein. Avec plus de 8 000 cas attribuables en 2015, l’alcool constitue la première cause évitable de cancer du sein en France.
Il n’existe pas de seuil de consommation sans risque, et ce risque augmente avec la quantité d’alcool consommée. Ainsi, quelle que soit la boisson alcoolisée, toute consommation régulière d’alcool, même à faible dose, représente un risque de développer un cancer. Les effets de l’alcool sont démultipliés lorsqu’ils sont associés à ceux du tabac. Les risques de cancers des voies aérodigestives supérieures augmentent ainsi considérablement. Par exemple, le risque de développer un cancer de la cavité buccale est multiplié par 45 chez les grands consommateurs de tabac et d’alcool.
Le principal mécanisme de cancérogenèse liée à l’alcool tient à la production d’acétaldéhyde, composé génotoxique reconnu cancérogène, lors de la dégradation de l’éthanol au niveau hépatique. L’alcool agit aussi au niveau de la muqueuse buccale et des voies aérodigestives supérieures en entraînant un accroissement de la perméabilité aux carcinogènes, notamment ceux de la fumée du tabac. L’alcool augmente également les taux d’hormones stéroïdes circulantes (œstrogènes, androgènes) et stimule la multiplication des cellules mammaires, favorisant le développement de cancer du sein.
 

Facteurs métaboliques et activité physique

Près de 12 % des cancers (soit plus de 40 000 cas) sont liés, en France en 2015, aux facteurs nutritionnels : excès de poids, alimentation déséquilibrée et manque d’activité physique.
Avec la progression de l’excès de poids, la part attribuable aux facteurs de risque métabolique a connu la plus forte augmentation en dix ans et pourrait dépasser celle des cancers liés au tabac dans de nombreux pays. La surcharge pondérale est associée à une dizaine de localisations tumorales, dont le sein (en post-ménopause), le côlon, le rectum, le rein et l’endomètre.
Des mécanismes communs à différentes localisations de cancer ont été identifiés : l’insulinorésistance, qui entraîne une production d’IGF-1 (insulin-like growth factor 1) et favorise la prolifération cellulaire ; un état inflammatoire chronique, favorisant le stress oxydatif qui peut induire des altérations de l’ADN. Les hormones stéroïdiennes (œstrogènes, androgènes et progestérone) peuvent également être impliquées dans le risque de cancer hormonodépendant.
Pour l’alimentation, il est classique de distinguer les facteurs de risque (consommation excessive de viande rouge et de charcuterie, qui augmente le risque de cancer colorectal, consommation élevée de sel, qui accroît le risque de cancer de l’estomac) et les facteurs protecteurs (consommation importante de fruits et légumes qui réduit les cancers aérodigestifs dans leur ensemble, consommation élevée de fibres et de produits laitiers, qui diminue le risque de cancer colorectal). L’activité physique est également un facteur protecteur, médiée par son effet sur les facteurs de croissance, l’insulinorésistance, l’inflammation, l’immunité, le transit intestinal. Elle réduit notamment le risque de cancer du côlon, de l’endomètre, du sein.
Le rôle de la nutrition restant l’objet de nombreuses controverses, il est important de rappeler que seules les expertises scientifiques collectives respectant une méthodologie robuste permettent d’établir la relation entre un facteur nutritionnel et le risque de cancer, de définir son niveau de preuve et d’élaborer des recommandations.

Risques évitables environnementaux et professionnels

Environ 5 % des cancers sont liés, en France en 2015, à l’environnement, comprenant des agents physiques (rayonnement ultraviolet, radiations ionisantes) et chimiques (particules fines, arsenic, benzène, etc.). Estimer la part des cancers attribuable à l’exposition à des substances de l’environnement est encore difficile et probablement sous-estimé (manque de données d’exposition en population générale nécessaires à son estimation, manque de données relatives au risque, ceux-ci provenant principalement du monde du travail). Parmi les risques les mieux établis, il est possible de citer l’exposition aux rayons ultraviolets (soleil et cabines de bronzage), qui augmente le risque de cancer de la peau (mélanomes et carcinomes). Le radon (gaz radioactif, incolore et inodore, émis par les roches de la croûte terrestre) est présent dans l’habitat et reconnu comme cancérogène. Il est responsable d’environ 10 % des cancers pulmonaires (deuxième cause de cancer du poumon, après le tabac). Avec l’accumulation de données scientifiques robustes, des expositions nouvelles émergeront certainement dans les années à venir et contribueront ainsi à réduire la part encore non expliquée des cancers.
Lorsque le risque de cancer est lié à la profession et au lieu de travail, il s’agit d’exposition professionnelle. En France en 2015, ce sont 3,6 % des cancers qui sont attribuables aux expositions professionnelles. Une trentaine d’agents sont reconnus cancérogènes certains ou probables. Malgré son interdiction en France, l’amiante reste l’agent chimique le plus fréquemment impliqué. La part attribuable aux expositions professionnelles est la plus élevée pour le mésothéliome, les cancers de la cavité nasale et du nasopharynx, ainsi que le cancer du poumon. Les cancers professionnels sont largement sous-diagnostiqués et sous-déclarés en maladie professionnelle. La méconnaissance des expositions professionnelles par les soignants et les patients contribue largement à ce phénomène.

Risques évitables infectieux

Quatre pour cent des cancers (soit environ 14 000 cas) sont attribuables, en France en 2015, aux agents infectieux. À l’échelle du monde, cela représente 13 % de tous les cancers. Une douzaine d’infections sont en cause, et les germes les plus fréquemment responsables de cancers sont les papillomavirus humains (HPV), Helicobacter pylori, les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C. Hommes et femmes confondus, les HPV sont en cause dans huit localisations de cancer (col de l’utérus, oropharynx et larynx, anus, vulve, pénis, vagin, cavité orale). Helicobacter pylori est une bactérie responsable d’environ 80 % des cancers de l’estomac. Les virus des hépatites B et C sont la cause d’hépatocarcinomes.

Risques génétiques

Seuls 5 à 10 % des cancers sont génétiquement déterminés, c’est-à-dire liés à la présence d’une altération génétique (« mutation » ou « variant pathogène ») transmissible à la descendance. Près de 80 gènes sont identifiés, il s’agit majoritairement de prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire, ainsi que du tube digestif (tableau 3).

Prévention

L’OMS distingue :
  • la prévention primaire, qui comprend tous les actes destinés à diminuer l’incidence d’une maladie dans une population, donc à réduire le risque d’apparition de cas nouveaux, notamment en évitant l’exposition aux facteurs de risque ;
  • la prévention secondaire, qui comprend tous les actes destinés à diminuer la prévalence d’une maladie dans une population, donc à réduire la durée d’évolution de la maladie, et inclut notamment le dépistage et le traitement des stades précoces (états précancéreux ou cancers in situ) ;
  • la prévention tertiaire, qui comprend tous les actes destinés à diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans une population de patients, et notamment la prévention des seconds cancers.
D’autres catégorisations de la prévention existent, celle de Gordon est structurée autour des populations et définit :
  • la prévention universelle, qui concerne l’ensemble de la population quel que soit son état de santé ;
  • la prévention sélective, qui s’adresse à des sous-groupes spécifiques de population ;
  • la prévention ciblée, qui n’est recommandée que pour des personnes présentant un facteur de risque, une condition ou une anomalie les identifiant comme ayant un risque suffisamment élevé pour nécessiter l’intervention.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence spécialisée dans le cancer de l’OMS, apporte une contribution essentielle à la prévention du cancer en fournissant notamment des données factuelles sur les causes du cancer. Les actions de prévention qui en résultent sont multiples (campagnes d’information, recommandations nationales et internationales, mesures réglementaires…).

Agir avant cancer

Prévention du tabagisme

La lutte contre le tabagisme passe par des stratégies de sensibilisation nationales menées par des organismes de santé publique mais aussi par des efforts législatifs et réglementaires de la part des gouvernements. De nombreuses mesures sont en application en France : augmentation du prix du tabac, interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes, campagnes de prévention radiotélévisées, aide à l’arrêt du tabac (« Tabac Info Service », consultations anti-­tabac, remboursement des dispositifs d’aide au sevrage tabagique), labellisation des établissements sanitaires et médico-­sociaux « Lieu de santé sans tabac », etc.
 

Prévention de l’alcoolisme

Pour permettre une meilleure adhésion des populations, recommandations nationales et internationales peuvent parfois différer. Pour l’alcool, par exemple, les recommandations françaises conseillent de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine, pas plus de 2 verres standard par jour et d’avoir des jours dans la semaine sans consommation. Une étude a estimé que près de 16 000 cancers pourraient être évités en France si la population se conformait à ces recommandations, donc que 11 000 cas de cancer seraient tout de même attribuables à une consommation d’alcool dans la limite des recommandations françaises. Dans le Code européen contre le cancer, où les recommandations sont plus restrictives, il est indiqué qu’il est préférable de ne pas boire du tout d’alcool.
 

Mesures hygiéno-diététiques

En France, des recommandations alimentaires et d’activité physique officielles ont été diffusées depuis 2001 dans le cadre du Programme national nutrition santé. À la suite de l’évolution des données scientifiques, des rapports récents de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et de l’avis du Haut Conseil de la santé publique, la Direction générale de la santé a chargé Santé publique France de l’actualisation de ces recommandations. Publiées en 2019, elles ont pour objectif d’aider les adultes à faire de meilleurs choix alimentaires et à adopter un mode de vie plus actif, permettant notamment de prévenir le surpoids et/ou l’obésité. Il est, par exemple, possible de citer :
  • la limitation de la consommation de viande rouge à 500 g par semaine et de charcuterie à 150 g par semaine ;
  • la réduction de la consommation de sel ;
  • l’apport d’au moins 5 fruits et légumes par jour, d’au moins un féculent complet par jour, de légumes secs au moins 2 fois par semaine et de 2 produits laitiers par jour ;
  • la pratique d’au moins 30 minutes d’activités physiques dynamiques par jour ;
  • la limitation du temps passé assis en marchant un peu toutes les deux heures.
 

Concept de « santé planétaire »

Concernant les expositions environnementales, un concept est récemment apparu : celui de « santé planétaire » combinant les notions de personnes en bonne santé (santé humaine), vivant dans des environnements sains (santé de notre planète). Il est nécessaire de développer des stratégies de prévention du cancer qui protègent aussi l’environnement en prônant notamment des modes de déplacement actifs et une alimentation avec un impact écologique favorable, évolutions qui seront à leur tour favorables à la santé humaine. Néanmoins, inciter les individus à changer de comportements semble rapidement insuffisant dans la lutte contre les expositions environnementales. Une politique de réglementation stricte est indispensable pour réduire la pollution (de l’air, de l’eau, des sols), la dissémination des perturbateurs endocriniens, des pesticides, sans oublier l’exposition aux substances cancérigènes dans le cadre du travail. Face à ces défis d’envergure, qui dépassent généralement les frontières, développer des programmes internationaux apparaît comme un enjeu majeur. Les réglementations relatives à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges au niveau européen, fondées sur le système général harmonisé qui a fait l’objet d’un accord au niveau des Nations unies, en sont un exemple.
 

Lutte contre les infections à pouvoir oncogène

Pour lutter contre les principaux agents infectieux responsables de cancer, différents traitements sont à disposition : vaccination contre les papillomavirus humains (HPV), antibiotiques contre Helicobacter pylori, vaccin contre l’hépatite B et traitement antiviral de l’hépatite C. Depuis 2021, la vaccination contre les HPV concerne les garçons et les filles de 11 à 14 ans, avec un rattrapage possible entre 15 à 19 ans inclus et jusqu’à 26 ans pour les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes.

Agir pendant et après cancer

Il est tout aussi important de ne pas négliger l’accompagnement des patients. Lors de l’annonce du diag­nostic, le patient cherche à savoir d’où peut provenir ce cancer ; la connaissance des facteurs de risque, modifiables ou non, apporte des éléments de réponse. Il est cliniquement important de rechercher une cause avérée pour certains cancers, comme les cancers liés aux expositions professionnelles, qui peuvent ainsi être déclarés et indemnisés au titre de maladie professionnelle.
Après le diagnostic de cancer, aider les patients à limiter leurs expositions à des cancérogènes avérés et prôner des comportements favorables à la santé permet d’avoir une action préventive multifacette.
En effet, adopter un mode de vie plus sain améliore la qualité de vie, réduit le risque de récidive, de développement d’un second cancer, mais également de survenue d’autres maladies liées à ces mêmes facteurs de risque. La pratique d’une activité physique adaptée en est un parfait exemple. Elle permet de réduire la fatigue, de limiter le déconditionnement physique, de modifier favorablement la composition corporelle, de limiter certaines douleurs, d’améliorer la qualité de vie (que les programmes soient initiés pendant ou après les traitements), de réduire les effets indésirables des traitements (neuropathies chimio-induites, toxicité cardiovasculaire, déminéralisation osseuse), d’améliorer la survie (notamment lors de cancer du sein, du côlon, de la prostate). L’effet de l’activité physique chez les patients atteints de cancer a été associé à plusieurs mécanismes biologiques impliqués dans la régulation de la prolifération tumorale (inflammation, réponse immunitaire, insulinorésistance).
Une approche intégrative de l’individu dans son environnement familial est aussi à considérer tout au long du parcours de soins du patient atteint de cancer. Une famille partage généralement un même mode de vie et possiblement les mêmes facteurs de risque. Une recommandation, valable pour le patient pendant et après le cancer, l’est aussi souvent pour ses proches en prévention primaire. La motivation au changement est d’autant plus grande et pérenne que les différents membres de la famille sont sensibilisés à cette question et ont une meilleure perception du risque de cancer. Adopter une alimentation saine est ainsi valable pour le patient et ses proches mais également plus aisément applicable si l’effort est collectif et que chacun des membres de la famille adopte cette recommandation.

Dépistage

Le dépistage consiste en la recherche d’un cancer ou d’anomalies précancéreuses chez les individus d’une population donnée, dans le but d’un diagnostic le plus précoce possible. Il permet de mettre le sujet à l’abri du risque de cancer (traitement d’une lésion précancéreuse) ou de traiter un cancer avec de meilleures chances de survie, une limitation des traitements, de leurs effets indésirables ou des séquelles.

Programmes de dépistage nationaux

Le dépistage de masse ou organisé vise à dépister de façon exhaustive les sujets atteints parmi les individus d’une population donnée. Pour mettre en œuvre un dépistage organisé, différents critères, définis par l’OMS, doivent être remplis. La pathologie doit représenter un problème de santé publique, et son histoire naturelle doit être connue, avec l’existence d’une phase de latence ou préclinique. Cela implique aussi que des moyens de diagnostic et de traitement soient disponibles. Il est nécessaire que le test de dépistage soit adapté, simple à mettre en œuvre, fiable, reproductible, validé et acceptable par la population. L’efficacité du programme de dépistage doit être établie et avoir montré une réduction de la mortalité ou de la morbidité. Au total, la campagne de dépistage nécessite d’être efficiente, avec une balance bénéfices/risques favorable.
Trois programmes de dépistage sont organisés à ce jour, en France :
  • le dépistage du cancer du sein par mammographie (double incidence et double lecture), tous les deux ans, pour les femmes de 50 à 74 ans ;
  • le dépistage du cancer colorectal par test immunologique (recherche d’un saignement occulte dans les selles), tous les deux ans, pour les hommes et les femmes de 50 à 74 ans ;
  • le dépistage du cancer du col utérin, avec la réalisation d’un premier frottis du col utérin à l’âge de 25 ans, le suivant un an après et un autre trois ans plus tard. Ensuite, à partir de 30 ans, un test HPV du col utérin est réalisé tous les cinq ans, jusqu’à 65 ans. Ces recommandations ont été actualisées en 2020.
L’Assurance maladie prend en charge à 100 % les actes des examens de dépistage. Les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) sont missionnés par le ministère de la Santé et de la Prévention pour assurer l’organisation de ces programmes.

Démarche de détection individuelle

Des examens peuvent aussi être proposés en dehors du cadre de ces programmes nationaux de dépistage organisé, il s’agit alors de dépistage individuel.
Pour le cancer du sein, les femmes de 20 ans et plus nécessitent un dépistage spécifique dans les situations suivantes :
  • antécédent personnel de cancer du sein, de carcinome in situ, d’hyperplasie atypique ;
  • antécédent personnel d’irradiation thoracique médicale à haute dose (lymphome de Hodgkin) ;
  • antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger supérieur ou égal à 3 (score familial d’analyse de l’arbre généalogique principalement utilisé pour valider l’indication de la consultation d’oncogénétique) ET recherche initiale de mutation génétique dans la famille non informative ;
  • prédisposition génétique au cancer du sein.
Pour le cancer colorectal, les individus sont considérés comme à risque élevé en cas de :
  • maladie inflammatoire chronique de l’intestin (maladie de Crohn colique, rectocolite hémorragique) ;
  • antécédent personnel d’adénome ou de cancer colorectal ;
  • antécédents familiaux au premier degré de cancer colorectal.
En cas de prédisposition génétique (HNPCC, PAF), le risque est défini comme très élevé.
Dans toutes ces situations, le niveau de risque ­définit des modalités spécifiques de dépistage. Pour davantage de précisions, il est conseillé de se référer aux recommandations publiées par la Haute Autorité de santé (HAS).
La HAS recommande aussi d’identifier les personnes à risque de cancer gastrique (notamment les proches au premier degré d’un patient atteint d’un cancer de l’estomac, les patients traités par un inhibiteur de la pompe à protons depuis plus d’un an), puis de rechercher et traiter l’infection à Helicobacter pylori si elle existe.
Pour détecter au plus tôt des cancers de la peau, il est recommandé de pratiquer régulièrement un auto-­examen cutané et de consulter son médecin traitant en cas d’anomalie. Pour les personnes ayant des facteurs de risque (notamment pour les personnes à peau claire, avec de nombreuses taches de rousseur ou grains de beauté, avec des antécédents familiaux de mélanome, ayant reçu des coups de soleil sévères pendant l’enfance ou l’adolescence, ayant un mode de vie exposant à de fortes expositions solaires), il est généralement recommandé de pratiquer un auto-­examen trimestriel et d’être examiné annuellement par un dermatologue.
Concernant le cancer du poumon, les recommandations permettent actuellement de proposer un dépistage individuel par scanner thoracique faible dose (entre 50 et 74 ans, tabagisme à plus de 10 cigarettes par jour pendant plus de 30 ans ; ou plus de 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans ; tabagisme actif ou sevré depuis 10 ans ou moins, voire 15 ans). Aussi, l’instauration d’un programme de dépistage organisé du cancer du poumon est inscrite dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 ; des études sont déjà en cours et d’autres expérimentations pilotes devraient débuter pour compléter leurs résultats.
D’autres dépistages sont également possibles, mais avec un faible niveau de preuve : dosage du PSA pour le cancer de la prostate, examen clinique pour les cancers de la cavité orale, etc.

Conclusion

Les facteurs de risque de cancer sont nombreux et il n’est pas possible, devant un cas donné de cancer, de préciser avec exhaustivité les facteurs de risque en cause. À l’échelle d’une population, il est possible d’identifier les facteurs prédominants et de proposer des mesures de prévention pour limiter ou éliminer l’exposition. Il est aussi possible de favoriser l’exposition à des facteurs protecteurs.
En France, en 2023, les principaux facteurs de risque de cancer restent le tabac et l’alcool. Ce sont pourtant des facteurs évitables.
La vigilance et le travail d’information de chaque soignant sont utiles pour lutter contre l’exposition aux facteurs de risque de cancer. L’arrêt du tabac doit toujours être encouragé, de même que la limitation de la consommation d’alcool. Une attention particulière doit être portée à la lutte contre l’excès de poids, ainsi qu’à la promotion d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique régulière. Les facteurs de risque professionnels doivent être plus systématiquement recherchés.
Enfin, il faut encourager les patients à participer aux programmes nationaux de dépistage. Inciter les médecins à se former et se tenir informés des évolutions des recommandations est aussi primordial. 
Les auteurs remercient les Drs Fabien Calcagno, Emmanuelle Gary et Ingrid Alexandre.
Points forts
Épidémiologie, facteurs de risque, prévention et dépistage des cancers

POINTS FORTS À RETENIR

Le cancer est une maladie multifactorielle. Un facteur de risque est un élément qui favorise le développement d’un cancer.

Environ 30 % des cancers sont attribuables au tabac et à l’alcool. L’arrêt du tabac et la réduction de la consommation d’alcool sont toujours bénéfiques.

Les soignants peuvent aider à la prévention des cancers dans leur pratique quotidienne en encourageant les patients à tendre vers un mode de vie plus sain.

Les dépistages organisés à l’échelle nationale sont celui du cancer du sein par mammographie, du cancer colorectal par test immunologique et du cancer du col de l’utérus par frottis ou test HPV.

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