Les lasers sont utilisés depuis plus de deux décennies en dermatologie, aussi bien dans des indications thérapeutiques qu’à des fins esthétiques, dont l’épilation dite « définitive » (mais cette expression est trompeuse, et il faudrait lui préférer celle d’épilation durable après plusieurs séances).
Il y a une forte demande de la part des femmes, de la simple hypertrichose au véritable hirsutisme (SOPK, par exemple) – auquel cas l’endocrinopathie responsable doit être identifiée et traitée d’abord. Les hommes sont aussi de plus en plus demandeurs, souvent pour le tronc ou des pili incarnati de la barbe, ou dans le cadre des procédures de transition de genre en association au traitement hormonal.
Une consultation médicale est indispensable avant toute épilation laser, afin d’évaluer le phototype du patient, la couleur et densité des poils, et surtout les contre-indications éventuelles. L’épilation doit être impérativement réalisée sous la supervision et la responsabilité d’un médecin (mais est souvent en pratique délégué à un(e) assistant(e)…).
Fonctionnement du laser dépilatoire
Un laser est une source de photons monochromatiques et cohérents (même longueur d’onde, direction et trajectoire) qui pénètrent la peau à diverses profondeurs et sont plus ou moins absorbés par les différentes structures (protéines, pigment, eau, hémoglobine). Cela se traduit par un effet surtout thermique ; l’action est photomécanique, avec explosion de la cible par onde de choc.
Les lasers dépilatoires, proches des lasers pigmentaires utilisés dans les dyschromies bénignes ou le détatouage, visent la mélanine : ils sont donc capables de détruire les bulbes pilaires à condition que ceux-ci soient pigmentés ; c’est pourquoi ils sont inefficaces sur des poils blonds, roux ou très clairs.
Les lasers Alexandrite, Diode ou Nd-Yag sont très utilisés. Ils permettent de couvrir de plus grandes surfaces que l’électrocoagulation (épilation électrique), qui ne vaut que pour de petites zones, et de façon plus confortable.
L’épilation requiert des séances itératives car la première ne détruit qu’une seule génération de bulbes pilaires. Le patient doit donc être prévenu de la nécessité de répéter les séances. Leur fréquence est à adapter au cycle pilaire, la cible n’étant efficacement atteinte que pour les poils en phase de croissance : tous les mois au visage, tous les 2 mois sur le corps, avec un total de 5 à 6 séances sur le corps (davantage sur le visage ou en cas de dérèglement hormonal associé) pour obtenir le résultat maximal.
Contre-indications et précautions
Un phototype foncé ou une peau bronzée (exposition aux UV naturels ou artificiels, ou encore avec des autobronzants) est une contre-indication au laser Alexandrite, en raison de la richesse en mélanine de ces peaux – elles absorberaient trop d’énergie, avec un risque de brûlure. Le laser Alexandrite est adapté aux phototypes clairs (I, II et III), tandis que le Nd-Yag est le seul bien toléré par tous les phototypes, avec l’inconvénient d’être un peu moins efficace que les deux autres (davantage de séances sont nécessaires pour un résultat durable) et un peu plus douloureux.
L’exposition au soleil, ainsi que la prise de bêtacarotènes, doit donc être évitée pendant plusieurs semaines (au moins 6) avant la séance. Elle est aussi proscrite dans les 2 à 3 semaines suivantes (risque de troubles pigmentaires).
La prise de médicaments photosensibilisants (certains antibiotiques, antidiabétiques, antiacnéiques…) est également une contre-indication, ainsi que la grossesse.
Si une poussée de vitiligo contre-indique ce type d’épilation, celle-ci reste possible lorsque la maladie est stable (à évaluer par lampe de Wood, contours flous ou dépigmentations en confettis traduisant une forte activité de la maladie). Le laser Alexandrite semble alors le plus sûr ; toutefois, la procédure peut entraîner une poussée du vitiligo, avec des lésions hypopigmentées sur les zones traitées (phénomène de Koebner).
Il existe un risque, rare, de stimulation paradoxale de la pilosité : repousses plus importantes qu’initialement ou transformation du duvet en poil. Ce phénomène est décrit, chez la femme, notamment sur les joues (vigilance, donc, chez celles voulant épiler l’arrière des joues au niveau des « favoris ») mais aussi le cou, les seins ou les hauts de cuisses ; chez l’homme, au niveau des épaules surtout, de la nuque ou du haut du dos.
Chez les patients ayant un antécédent d’herpès, en région péribuccale ou génitale, une prophylaxie antiherpétique peut être prescrite pour éviter une récurrence post-épilatoire.
En outre, certaines lésions cutanées (grains de beauté…) ou antécédents d’atopie et/ou d’urticaire incitent à la prudence.
Réactions immédiates et complications
Une réaction inflammatoire suit toujours la séance d’épilation, avec sensation de chaleur, érythème et œdème périfolliculaire pouvant persister de quelques heures à 48 h. L’hyperpigmentation post-inflammatoire peut en constituer une séquelle.
La brûlure est une complication possible. Des douleurs et/ou un érythème inhabituel au cours ou au décours de la séance en sont prédictifs. Facteurs de risque : non-respect des conseils de photoprotection avant la séance (exposition solaire récente), utilisation inadaptée des lasers (mauvais type ou mauvais réglage des paramètres).
En cas de brûlure, il est préconisé d’appliquer :
- Du froid pendant 30 min ;
- Des dermocorticoïdes sous occlusion pendant 2 à 3 jours ;
- Une photoprotection tant que les signes inflammatoires persistent.
Le plus souvent superficielles, elles peuvent cependant générer des phlyctènes et des croûtes lorsqu’elles sont plus profondes.
Des dyschromies peuvent aussi survenir, généralement après une brûlure, un incident de refroidissement ou en cas de laser inadapté au phototype. Elles sont plus fréquentes chez les patients ayant un vitiligo. Des cicatrices sont également possibles en cas d’utilisation inadaptée du matériel.
Beylot C, Cogrel O. Lasers pigmentaires et autres lasers. Rev Prat Med Gen 2010;24(851):833-4.
Maze JM, Jourdan M. Les lasers en dermatologie. Rev Prat Med Gen 2018;32(999);287-93.