Chez des patients de plus de 65 ans à risque d’AVC, les « épisodes de haute fréquence atriale » (épisodes rares et brefs d’arythmie atriale sans FA documentée à l’ECG) justifient-ils la mise sous anticoagulants oraux ? Les résultats surprenants de l’essai randomisé NOAH-AFNET viennent de paraître dans le NEJM.

La fibrillation atriale infraclinique est définie comme la survenue d’épisodes de haute fréquence atriale (Atrial High Rate Episodes, AHRE) : il s’agit d’arythmies atriales intermittentes, souvent paroxystiques et de durée variable. Les AHRE peuvent être détectés par une surveillance continue de longue durée effectuée grâce à des dispositifs électriques implantables (pacemakers, défibrillateurs…). Il existe de plus en plus de preuves de leur association avec un risque thromboembolique, qui semble toutefois inférieur à celui associé à la FA clinique.

Actuellement, les recommandations de l’European Society of Cardiology (2020) proposent de traiter les patients qui ont les durées de FA infraclinique les plus longues (au-delà de 6, voire de 24 heures) avec un score CHA2DS2VASc élevé (> 3 par exemple, ou bien au décours d’un AVC ischémique). Néanmoins, des preuves satisfaisantes sur le bénéfice de l’anticoagulation orale chez les patients ayant des AHRE font encore défaut. Les résultats de l’essai clinique randomisé contrôlé contre placebo NOAH-AFNET étaient donc particulièrement attendus. Ils viennent de paraître dans le NEJM.

Pas moins d’AVC, mais plus d’hémorragies

L’essai NOAH-AFNET 6 (Non–Vitamin K Antagonist Oral Anticoagulants in Patients with Atrial High Rate Episodes) a évalué l’intérêt de prescrire un anticoagulant oral à des patients âgés de 65 ans et plus ayant des AHRE (sans FA documentée à l’ECG) d’une durée minimale de 6 minutes et au moins un facteur de risque d’AVC (insuffisance cardiaque, hypertension, diabète, antécédents d’infarctus du myocarde ou d’AVC…). L’étude a inclus 2 536 participants (âge moyen : 78 ans ; 37,4 % de femmes). La durée médiane des AHRE était de 2,8 heures (ils étaient détectés par des dispositifs implantables, au moins 2 mois après l’implantation) et le score CHA2DS2VASc médian était de 4. Les patients ont été randomisés 1:1 pour recevoir soit un anticoagulant oral (édoxaban 60 mg une fois par jour), soit un placebo.

Le critère composite comprenant décès d’origine cardiovasculaire, AVC ou embolie systémique était le critère principal pour juger de l’efficacité du traitement. Il a concerné 83 patients du groupe édoxaban (3,2 % par patient-année) versus 101 du groupe placebo (4,0 % par patient-année), soit un hazard ratio de 0,81 (IC95% : 0,60-1,08). De façon inattendue, l’incidence des AVC était faible, d’environ 1 % par patient-année dans les 2 groupes (1,1 % en l’absence d’anticoagulation ; 0,9 % sous anticoagulants).

La sécurité était évaluée par le critère composite incluant les décès toutes causes ou les hémorragies graves, survenus chez 149 patients du groupe édoxaban (5,9 % par patient-année) contre 114 patients du groupe placebo (4,5 % par patient-année), soit une augmentation de 30 % sous édoxaban. Les hémorragies graves ont concerné 53/2 534 (2,1 %) participants sous édoxaban versus 25/2 508 sous placebo (1 %).

Ainsi, comparée au placebo, l’anticoagulation orale par édoxaban n’a pas significativement réduit l’incidence des AVC, des embolies systémiques ni des décèscardiovasculaires chez les patients ayant une FA infraclinique, mais elle a induit une incidence accrue d’hémorragies graves ou mortelles (augmentation de 30 %).L’essai a donc été arrêté prématurément (après un suivi moyen de 21 mois), pour des questions de sécurité et une efficacité jugée insuffisante.

Ces résultats suggèrent qu’il n’y a pas d’intérêt à prescrire systématiquement un traitement anticoagulant aux patients ayant des arythmies atriales intermittentes détectées par un dispositif implantable.

Si d’autres études sont nécessaires pour déterminer si ces résultats sont généralisables aux autres anticoagulants oraux (un essai, ARTESIA, est en cours pour l’apixaban) et aux AHRE détectées par des dispositifs externes comme les montres connectées, le message est clair : prudence avant d’anticoaguler des patients de plus de 65 ans si la FA n’a pas été documentée par l’ECG !

Pour en savoir plus
Kirchhof P, Toennis T, Goette A, et al. Anticoagulation with Edoxaban in Patients with Atrial High-Rate Episodes.  N Engl J Med 25 août 2023.
Lerclercq C. NOAH-AFNET 6 – Faut-il vraiment anticoaguler les arythmies atriales de plus de 6 mn détectées par PM/DAI chez les patients à risque d’AVC ?  Cardio online 27 août 2023.
Fauchier L. Prise en charge de la FA : dépistage et traitement de la FA infra-clinique.  Cardio online 17 février 2022.
Roumegou P, Degand B, Le Gal F, et al. Dépistage et diagnostic de la fibrillation atriale. Rev Prat 2020;70(8);899-902.

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