La troisième édition (2019) de l’étude Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) vient d’être publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Les deux premiers volets de cette étude avaient été menés en 2001-2003 puis 2007-2010.
Il s’agit d’une enquête sur un échantillon de près de 10 000 adultes traités pharmacologiquement pour un diabète, tirées au sort dans les bases de l’Assurance maladie sur un total de 3,5 millions de personnes traitées pharmacologiquement pour un diabète en France (diabète de type 2 dans plus de 90 % des cas). Les participants ont ensuite été sollicités pour répondre à des questionnaires. Le but était de décrire les caractéristiques et l’état de santé de la population diabétique en France, pour mieux orienter les politiques publiques en matière de prévention, d’accompagnement et de prise en charge de ces patients.
Caractéristiques sociodémographiques des patients diabétiques
La population de l’étude incluait 8 728 personnes, dont plus d’un tiers (3 166) ont répondu au questionnaire.
Parmi elles, 2 714 avaient un diabète de type 2 (DT2). Leur âge moyen était de 67,6 ans et 55,3 % étaient des hommes. L’ancienneté médiane de leur diabète était de 10,7 ans.
Le diabète de type 1 (DT1) concernait 412 participants, qui avaient un âge moyen de 47 ans et étaient pour 57 % des hommes ; 55,6 % avaient une ancienneté du diabète supérieure à 20 ans. Les patients DT1 – sur-représentés dans cet échantillon – ont ainsi un diabète plus ancien que les DT2, sont plus jeunes et ont un niveau socio-économique plus élevé (14,6 % un niveau d’études au moins égal au Bac+5, versus 4,9 % chez les DT2).
Par rapport aux précédentes enquêtes Entred, l’édition 2019 constate une augmentation de l’âge moyen des personnes DT2 (67 ans, contre 65 ans en 2007 et 2001) : selon les auteurs, ce vieillissement de la population DT2 est probablement le reflet de la diminution de l’incidence du diabète combinée à la diminution du taux de mortalité avec un allongement de l’espérance de vie de ces patients.
Traitements, comorbidités et complications
La principale comorbidité chez les patients DT2 est l’obésité/surpoids (80,1 %), une proportion stable par rapport aux années précédentes : 39,9 % des personnes avaient un IMC compris entre 25 et 29 kg/m2 et 40,2 % un IMC ≥ 30 kg/m2 (dont 4 % une obésité massive : IMC ≥ 40 kg/m2).
Chez les patients DT1, l’obésité et le surpoids sont également très présents : ils concernent 49,9 % des patients (29,2 % en surpoids et 20,7 % en obésité). Il s’agit d’une évolution non négligeable du phénotype du DT1, jadis considéré comme diabète « maigre », pouvant associer désormais la carence insulinique absolue au développement d’une insulinorésistance.
Les comorbidités cardiovasculaires sont également au premier rang, pour les deux types de diabète : 77,6 % des DT2 et 40,9 % des DT1 avaient une HTA traitée ; 63,8 % et 30,4 % respectivement une dyslipidémie traitée.
La fréquence des complications microvasculaires (déclarées) était plus grande chez les patients DT2, notamment complication coronaire (18,6 %, contre 11,5 % chez les DT1) et AVC (7,8 %, contre 3,3 %). En revanche, les complications microvasculaires étaient plus fréquemment rapportées par les personnes DT1 : mal perforant plantaire actif ou ancien (12,9 %, contre 6,7 % chez les DT2), perte de la vue d’un œil (3,7 % contre 3,3 %).
Enfin, en ce qui concerne les traitements du DT2, l’enquête a révélé que 81,6 % des patients DT2 avaient eu un remboursement pour un biguanide (la metformine étant la seule commercialisée en France) dans les 12 mois précédant le questionnaire. Plus précisément, dans 71,2 % des cas, les personnes étaient traitées uniquement par antidiabétiques oraux, et dans 34,3 % des cas il s’agissait d’une monothérapie. Dans 6 % des cas, le ou les antidiabétiques oraux étaient associés à un analogue du GLP-1 ; dans 18 % des cas, le traitement associait insuline et antidiabétiques oraux et/ou analogue du GLP-1. Pour rappel, depuis les nouvelles recommandations de prise en charge du DT2 et la mise à disposition des nouveaux antidiabétiques (inhibiteurs de DPP-4, analogues du GLP-1, inhibiteurs du SGLT-2), plusieurs options de 2e ligne en association avec la metformine existent, avec une stratégie thérapeutique qui doit désormais être adaptée au profil du patient et aux objectifs recherchés (des enquêtes Entred ultérieures permettront d’en observer l’évolution).
Zoom sur le tabagisme
Cette enquête a révélé une prévalence importante du tabagisme chez les patients diabétiques : 31 % chez les personnes DT1 et 13 % chez les DT2 (sachant qu’en population générale, elle s’élevait à 24 % en 2019).
Or, soulignent les auteurs, chez les personnes diabétiques le tabagisme actif est le principal facteur de risque de mortalité toutes causes, avant même l’équilibre glycémique, lipidique ou tensionnel. Il est également le principal facteur de risque de complications macro-angiopathiques du diabète (néphropathie pour le DT2 ; rétinopathie et neuropathie pour le DT1).
C’est dire l’importance du sevrage, que recommandent déjà vivement l’European Society of Cardiology (ESC) et l’European Association for the Study of Diabetes (EASD). À cet égard, la Société francophone du diabète et la Société francophone de tabacologie ont élaboré un consensus sur les modalités du sevrage tabagique pour les patients diabétiques (v. tableau).
En particulier : il est recommandé, pour ces patients, que l’arrêt du tabac soit associé à des mesures hygiénodiététiques renforcées, notamment dans les premières années suivant l’arrêt, afin de limiter la prise de poids susceptible de dégrader l’équilibre glycémique. Des études en population générale ont montré que la prise de poids liée au sevrage, bien que fréquente, survient essentiellement dans les 6 premiers mois et n’est pas inéluctable (16 à 21 % des personnes perdraient du poids), quels que soient les traitements utilisés (substituts nicotiniques, bupropion, varénicline). Ainsi, dans l’année suivant le sevrage, une surveillance renforcée des paramètres glycémiques et du poids est aussi recommandée.
Par ailleurs, aucune donnée à ce jour ne plaide pour la modification du traitement antidiabétique au cours du sevrage tabagique.
Les auteurs concluent, pour finir, que d’autres analyses à venir pourront élargir les connaissances sur la qualité de vie, le recours aux soins – en particulier aux nouveaux outils connectés –, les complications aiguës, l’observance thérapeutique, etc.
Durlach V. Tabagisme et diabète : le temps de l’action. Bull Epidémiol Hebd 2022;(22):392-8.