Conformément à la loi relative à la bioéthique et préalablement à sa révision, le Comité consultatif national d’éthique a organisé pendant 4 mois une vaste consultation publique afin d’élargir le champ de la réflexion au-delà des seuls experts.
EN DÉBAT
Face aux progrès constants de la recherche, à la rapidité et à la multiplication des découvertes scientifiques et technologiques, à l’élargissement, somme toute, du champ des possibles pour l’homme, se fait jour, comme une nécessité, un questionnement éthique : « Quel monde voulons-nous pour demain ? ».
C’est précisément la question que les États généraux de la bioéthique ont posé à tous les Français de janvier à avril 2018 pour qu’ils réfléchissent, ensemble, à ce qui leur semble effectivement souhaitable d’autoriser ou non dans notre société, dans les domaines des sciences de la vie et de la santé.

Voir émerger des positions nouvelles

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), chargé d’organiser cette consultation, est, depuis 35 ans, une instance indépendante réfléchissant sur les questions de bioéthique : la mission historique de ses 40 membres, pour partie mais non majoritairement issus de la recherche en médecine et en biologie, est en effet, pour paraphraser la loi, de rendre des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les avancées de la connaissance dans le domaine de la médecine, de la biologie et de la santé. Cette mission s’est vue complétée par la dernière loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, qui mentionne que tout projet de réforme sur ces mêmes problèmes éthiques et questions de société se devait d’être précédé « d’un débat public sous forme d’états généraux ». Le législateur a ainsi souhaité que le débat ne se cantonne pas aux seuls avis des experts et qu’au contraire les citoyens fassent aussi entendre leurs avis en amont d’une révision de la loi de bioéthique, prévue depuis 2011 tous les 7 ans. Élargir le champ de la réflexion, au-delà des seuls experts, permet, en effet, de garantir que les débats prendront en compte non pas tant les questions techniques que celles qui concernent le respect et le droit car la connaissance doit, avant tout, être mise au service de la personne pour qu’elle puisse prendre au mieux les décisions qui la concernent. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le « débat public » que se veulent être les États généraux, à savoir une extension du choix libre et informé à l’ensemble de la population, et non le choix entre des positions déjà établies. C’est aussi en ce sens qu’il faut comprendre que la révision de la loi de bioéthique est précédée d’un débat, et non d’un quelconque sondage ou d’un référendum : plutôt que d’interroger la population sur ces positions, le législateur espère voir émerger des positions nouvelles, inattendues, qui pourraient naître de cette réflexion collective. Ces positions, le CCNE tâchera de les traduire à travers un rapport de syn- thèse remis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et aux ministres de la Santé et de la Recherche en juin 2018.

Plusieurs dispositifs pour une grande consultation

Quel est alors le rôle du CCNE dans l’organisation de ce débat public, qui interroge aussi bien les citoyens les plus « profanes » en matière de bioéthique que les experts les plus chevronnés ? Pour mener à bien ce projet pour lui inédit, le CCNE a, tout d’abord, mis en place un comité de pilotage en charge de proposer, de suivre et de recueillir les conclusions issues des dizaines de manifestations dans le pays. Il a, ensuite, circonscrit un périmètre – non limitatif – des thématiques et questions mises en débat, qui touchent, pour une bonne part, des problématiques inhérentes à la pratique médicale et à la recherche en santé. Aussi, des thématiques comme « dons et transplantations d’organes », « examens génétiques et médecine génomique » ou encore « accompagnement de la fin de vie » abordent parfois frontalement des questions éthiques que certains médecins doivent se poser dans leur quotidien. Les autres thèmes circonscrits par le CCNE – « cellules souches et recherche sur l’embryon », « neurosciences », « données de santé et numérique », « intelligence artificielle et robotisation », « santé et environnement », « procréation et société » – interrogent aussi très souvent nos représentations de la médecine, du soin, et de notre système de santé.
Le CCNE a, enfin, déployé plusieurs dispositifs pour favoriser le recueil des opinions de l’ensemble de la société : un site d’information et de consultation, des auditions des porteurs d’idées, des débats de proximité en région en partenariat avec les espaces de réflexion éthique régionaux ou au plus près des lieux où se fait la recherche, un comité citoyen portant un regard critique sur l’ensemble du processus.

Un site internet dédié


La CCNE a mis en place un site internet* dédié aux États généraux de la bioéthique dont le but est, à la fois, de délivrer une information de qualité sur le fond des débats et sur le déroulement du processus et de recueillir l’avis des citoyens via une plate-forme de consultation en ligne ouverte jusqu’à la fin du mois d’avril 2018.

Des auditions

Le CCNE a organisé des auditions avec les sociétés savantes, les associations et les grands courants de pensée, philosophiques et religieux, à leur demande, afin de recueillir l’éventail des points de vue (sans forcément y répondre) sur les thèmes susceptibles d’être inscrits dans la future loi. Ainsi, sont mises à disposition les nombreuses contributions reflétant la diversité des opinions et des arguments, mais aussi la déclinaison plurielle des principes et valeurs qui sous-tendent des positions, parfois contradictoires.

Des espaces de réflexion éthique régionaux et interrégionaux

Ont été fortement sollicités les espaces de réflexion éthique régionaux et interrégionaux, dont le rôle initial est, d’une part, d’aller porter et poser la question de l’éthique au sein des grandes structures hospitalières et médicales localement et, d’autre part, d’animer le débat public autour d’une série de thèmes liés à l’éthique. Une grande variété d’initiatives a ainsi été envisagée, notamment concernant les modalités d’organisation des débats. Les publics essentiellement concernés étaient, d’une part, la société civile et, d’autre part, les étudiants, avec de façon privilégiée des petits groupes.

Des débats avec les chercheurs

Parce que la révision de la loi de bioéthique a pour objet de prendre en compte les grandes avancées des connaissances et de leurs applications, en posant sur celles-ci un regard éthique et en intégrant les questions de société qu’elles soulèvent, parce que les différents comités d’éthique institutionnels sont au plus près des lieux où se fait la science au quotidien et sont donc à même de partager les questionnements éthiques induits, il a été jugé essentiel de réunir les chercheurs pour plusieurs rencontres en mai sur les thèmes suivants : « génomique », « recherche sur l’embryon », « numérique et santé », « neurosciences ».

Un comité citoyen

La loi prévoit, par ailleurs, que le débat public s’appuie sur la participation de citoyens, choisis de manière à représenter la société dans sa diversité, qui débattent et rédigent un rapport et des recommandations, rendus publics. Un comité citoyen des États généraux de la bioéthique, composé de 22 personnes, a été installé, s’est réuni et se réunira encore afin de produire des opinions. Le CCNE a souhaité que ce comité joue un rôle inédit dans la consultation, en lui demandant de porter un regard critique et de donner son avis sur le processus engagé à l’échelle nationale et régionale. Le comité s’est également saisi de deux thèmes du débat qu’il a choisis, « fin de vie et suicide assisté » et « génomique en population générale ». Le rapport du comité citoyen sera transmis en même temps que le rapport de synthèse élaboré par le CCNE.
L’ensemble de ces contributions seront ainsi réunies et synthétisées, de façon neutre et objective, au sein d’un rapport de synthèse qui permettra, à l’issue de la consultation début juin 2018, d’éclairer la réflexion des acteurs publics en charge de réviser la loi de bioéthique. Le CCNE remettra en outre, quelques semaines après, un avis sur les questions soumises au débat, afin de faire part à la société de son expertise vis-à-vis de sujets qui animent sa réflexion depuis plusieurs années. 
Sur le site internet, 29 000 participants parmi 180 000 visiteurs uniques ont posté près de 65 000 contributions.
Plus de 18 500 citoyens ont participé aux 250 débats régionaux recensés.
Enfin, 150 auditions ont été menées par le CCNE.
Encadre

Les chiffres clés de la consultation

Sur le site internet, 29 000 participants parmi 180 000 visiteurs uniques ont posté près de 65 000 contributions.Plus de 18 500 citoyens ont participé aux 250 débats régionaux recensés.Enfin, 150 auditions ont été menées par le CCNE.

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