S’il y a bien une caractéristique que l’on ne retrouve dans aucune autre spécialité, c’est la diversité de notre métier. Au-delà du fait – évident – de ne pas être une spécialité d’organe, la polyvalence nécessaire est surtout la conséquence de l’ensemble de nos missions : écoute, diagnostic (quand il y en a un), prévention, gestion de l’urgence, problèmes administratifs et sociaux, suivi en alternance avec le spécialiste parfois (de plus en plus avec les difficultés d’accès aux consultations spécialisées), petits gestes (ablation de sutures, pansements), etc.  

D’autres spécialités s’occupent également de patients dans leur ensemble, mais avec moins de champs d’action, me semble-t-il : pas de prévention pour la médecine interne ; pas de suivi pour la médecine d’urgence, etc. C’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons pour lesquelles la médecine générale reste encore une spécialité mal--aimée des étudiants au moment des choix, à l’issue des ECN ; notre métier manque probablement de clarté sur ses nombreuses tâches et sa richesse.

Or, au quotidien, l’exercice est tellement varié qu’on en oublie l’image d’Épinal qui, pourtant, colle toujours autant à la peau de la médecine générale : enchaînement de « rhino » et de « gastro », saupoudré d’une « vraie » grippe les jours fastes, voire d’une « pyélo » ou d’un zona si vraiment on a de la chance…

Quel ne fut pas l’étonnement de ma nièce, en stage au cabinet (ah, les passe-droits…), de découvrir que l’image qu’elle avait de la médecine générale était complètement fausse : « Les gens te racontent leur vie ? » ; « Ils ont tout le temps des problèmes digestifs (sic) ? » ; « Tu connais plein de choses sur eux ? » ; « Tu ne vois jamais de gens enrhumés, en fait ? » ; et ma préférée : « C’est hyper sympa, ton boulot ! »

La nouvelle maquette du DES de médecine générale a essayé de lister et de faire valoir cette polyvalence ; ça, c’est le point positif ! Le point négatif, c’est que pour la clarté, il faudra repasser. Et pour l’aspect concret, ce n’est pas gagné non plus…. Pas facile, en effet, de théoriser le déroulé d’une journée d’un généraliste, donc continuons de compter sur la mise en place du stage chez le praticien pendant l’externat pour faire aimer la médecine générale !

Les six compétences à acquérir, selon cette maquette, sont les suivantes : premier recours et urgence ; relation, communication et approche centrée sur le patient ; approche globale et prise en compte de la complexité ; éducation, prévention, santé individuelle et communautaire ; continuité, suivi et coordination des soins ; professionnalisme (les médecins n’ayant pas suivi cette maquette ne seraient-ils pas professionnels ?).

Et, bien sûr, il faut aussi savoir faire de la médecine, car le cœur du métier reste que les gens consultent quand ils sont malades !

Donc, le relationnel, la coordination, l’approche globale et tutti quanti, c’est très bien, mais si l’on passe à côté d’une pneumopathie, d’une péricardite, d’une stomatite herpétique, d’un pityriasis rosé de Gibert, d’une grossesse extra-utérine, d’un retard de développement psychomoteur… c’est très gênant, même pour le médecin le plus à l’écoute et le plus empathique de la planète  !

On ne peut évidemment pas être bon et à jour dans tous les domaines, c’est pourquoi il faut savoir dire « je ne sais pas », et surtout savoir passer la main. Bluffer sur du conseil à la parentalité, pourquoi pas (et encore…), mais savoir demander de l’aide à propos de symptômes qui nous inquiètent est indispensable.

La beauté de notre métier et de nos journées, c’est que même si on a souvent l’impression que le monde médical – et le monde tout court – n’a pas la moindre idée de notre polyvalence et du travail d’équilibriste que cela requiert, nos patients, eux, s’en rendent souvent compte, nous en remercient, et c’est bien tout ce qui importe !