Lors des 3 premières années de la vie de l’enfant se produisent des transformations intenses. Les acquis de cette période clé participent à la constitution d’un être humain sociable, capable d’apprentissage, de jeu et doué de langage. Si le développement est soumis à de nombreux facteurs innés, il est aussi très influencé par les interactions de l’enfant avec son environnement.1 À l’occasion de consultations en médecine générale, et en particulier des 2 visites obligatoires du 9e et du 24e mois, certains signes d’alerte doivent être recherchés (https://bit.ly/358nV9F). Leur repérage permet, en cas d’inquiétude, de recourir à des examens complémentaires ou à une consultation spécialisée.

Psycho-affectif

Dans de nombreux cas, les différentes composantes du développement ne se déploient pas de façon harmonieuse ou homogène. La sphère psycho-affective sous-tend en réalité toutes les autres : une vision globale du développement de l’enfant au sein de son environnement social et familial est nécessaire.2 La réalisation, par le clinicien, de l’examen physique permet d’estimer la réaction des parents face à la détresse de leur enfant et d’évaluer la qualité des solutions qui lui sont apportées.
Entre la naissance et 3 mois, l’enfant développe des comportements d’appels à l’aide (cris ou pleurs). Il peut aussi manifester son plaisir dans l’interaction et ainsi soutenir activement la relation par des sourires ou des babillages.
Entre 3 et 6 mois, l’enfant peut faire la différence entre les personnes et suit du regard. Ce sont alors les caregiver* qui parviennent le mieux à le calmer. Sa motricité en progrès rapide lui permet d’ajuster sa distance spatiale lors des relations. L’exploration de son environnement devient pour lui essentielle. Lorsqu’elle se fait sans crainte grâce à la disponibilité des caregiver, l’enfant peut construire d’autres liens.3

Cognitif

Les fonctions cognitives sont difficilement dissociables de l’état affectif : difficultés familiales ou carences affectives ont un impact sur le développement des capacités cognitives et, à l’inverse, un déficit intellectuel crée des troubles affectifs, des conduites et du comportement.4
Malgré une variabilité interindividuelle, les étapes du développement se succèdent dans un ordre déterminé et repérable, signe de la maturation fonctionnelle des structures cérébrales grâce à la myélinisation progressive des axones et à la multiplication, puis à l’élagage des connexions synaptiques. Chaque acquisition attendue à un âge précis conditionne l’accès au stade ultérieur de développement. Entre 2 et 7 ans par exemple, le jeu symbolique est un support nécessaire qui rend possible ensuite l’entrée dans les apprentissages. Concernant les capacités cognitives, les tests psychométriques, souvent réalisés par les psychologues scolaires en cas de difficultés à l’école, mesurent une efficience intellectuelle (QI) à comparer au standard de la population générale.
La déficience intellectuelle est ainsi définie pour un QI ≤ 70. Elle est fréquente (1,5 à 5,5 % selon les études),4 et peut aussi se repérer, en l’absence de tests psychométriques, par un retard des acquisitions scolaires d’au moins 2 ans par rapport à sa classe d’âge. Globalement, ce sont des enfants qui sont en difficulté pour acquérir le niveau d’autonomie attendu pour leur âge. Les troubles affectifs ou du comportement sont souvent associés dans ces tableaux cliniques hétérogènes.

Communication et langage

Un des principaux motifs de consultation en pédopsychiatrie à l’entrée à l’école est le retard de langage, repérable en amont par le médecin généraliste.
Pour évaluer le développement du langage, on doit différentier langage et communication d’une part, langage verbal et non verbal d’autre part. En effet, chez un enfant qui ne parle pas, des mimiques, vocalisations ou gestes rassurent quant à ses capacités et à son appétence communicationnelle. On recherche donc, au-delà du nombre de mots et de la présence ou non de phrases, des gestes conventionnels (« chut » avec le doigt sur la bouche, « non » et « oui » en hochant la tête…), ou des expressions faciales ou corporelles utilisées pour communiquer (froncer les sourcils ou croiser les bras pour montrer la colère).
à détecter, les prérequis au langage : pointage protodéclaratif et regard coordonné**, capacités d’imitation. Enfin, le clinicien peut évaluer la compréhension de consignes simples (la demande étant faite sans geste), la prosodie, l’existence d’un jargon ou d’écholalies.
Un bi- ou plurilinguisme à la maison peut être un facteur de retard de langage. Sans banaliser les troubles, ni retarder la prise en charge en orthophonie, il est important de ne pas conseiller l’abandon de la langue maternelle des parents, si utile pour le développement de la sphère affective inhérente à l’apprentissage de la communication.
À noter que l’absence de langage verbal n’est pas une contre-indication à la prise en charge en orthophonie, au contraire !

Psychomoteur

Les premières étapes du développement mettent le corps en lien avec son environnemen via des sensations visuelles, cénesthésiques, proprioceptives, tactiles, lors du portage par exemple.
À l’hypotonie de la naissance succèdent un port de la tête stable à 3 mois, la tenue assise avant 8 mois, puis la marche avant 18 mois. Sur le plan de la motricité fine, la pince pouce-index est acquise vers 9-10 mois.4 Les aptitudes motrices et sensorielles sont intimement liées au développement des comportements adaptatifs et sociaux (encadré).
Un symptôme de la sphère motrice, l’agitation, est fréquemment rapporté par les parents ou les enseignants. Il s’agit plus volontiers d’une instabilité motrice qui a pour conséquence des troubles attentionnels à l’école. Elle peut être le signe d’anxiété importante ou même, paradoxalement, de dépression, et ne doit pas faire évoquer d’emblée une hyper-­activité syndromique.

Quelle surveillance ?

Concernant les troubles du développement, le ressenti parental doit être entendu : il est souvent un bon indicateur en particulier lorsqu’une bizarrerie est perçue dès les premiers mois de vie. Une régression développementale est un signe d’alerte majeur. Devant un trouble du neuro-développement (TND), une étiologie somatique doit être rapidement éliminée : vision et audition. à proposer également, un bilan neuropédiatrique et génétique.
En cas de suspicion de trouble du spectre autistique, le M-CHAT (Modified Checklist Autism for Toddlers), échelle simple et rapide, peut être réalisée avec les parents.5 Pour aider au repérage des TND, un outil – https://bit.ly/2DsiuqG – synthétise les signes d’alerte entre 6 mois et 6 ans. Les généralistes et les pédiatres (niveau 1) orientent ensuite vers des plateformes régionales qui coordonnent la mise en place des soins. En amont des centres diagnostiques spécialisés de niveau 3, le niveau 2 est assuré par les centres médico-psychologiques (CMP), les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ou d’action médico-sociale précoce (CAMSP) qui ont la responsabilité du diagnostic et de la prise en charge des enfants et de leurs familles.
 


* Personne pourvoyeuse de soins auprès de l’enfant à laquelle il peut se référer pour la construction de son monde interne.
** Partage d’attention possible autour d’un jouet, pointage vers l’objet et regard ensemble dans la même direction.

Encadre

Développement de l’enfant : quand s’inquiéter ?

Langage oral

• Absence de babillage > 12 mois

• Âge des premiers mots > 18 mois

• Âge des premières phrases > 24 mois

• Inintelligible à 3 ans

Motricité globale

• Âge de la marche > 18 mois

Motricité fine

• Porte constamment les choses à la bouche

• Difficulté à s’habiller et manger seul à 4 ans

• Difficulté à boutonner, lacer et zipper à 6 ans

Socialisation

• Avant 18 mois :

– retrait relationnel durable (> 2 semaines)

– niveau de vigilance (trop sage ; dort trop)

– absence de sourire à 3 mois

– absence de sourire réponse ou d’attention conjointe à 6 mois

– pas d’angoisse de l’étranger à 7 mois

– absence de curiosité

– manque d’imitation

– difficulté de régulation émotionnelle (crises de colère inexpliquées) et mauvais ajustement tonico-postural (« n’aime pas » être pris dans les bras)

• Après 18 mois :

– absence de jeu de faire semblant

– absence de pointage proto-déclaratif

– absence de réactivité à l’appel de son prénom

Propreté diurne et nocturne

• Propreté diurne non acquise à 30 mois

Sommeil

• Absence de périodicité jour/nuit à 6 mois

• Délais excessifs d’endormissement ou de réveil

Références

1. Guedeney A, Mintz AS, Dugravier R. Risques développementaux chez le nourrisson de la naissance à 18 mois. Journal de pédiatrie et de puériculture 2007;20:146-51.
2. Jousselme C. Comprendre l’enfant malade : du traumatisme à la restauration psychique. Paris: Dunod; 2014: 208 p.
3. Begue A, Jousselme C. Troubles de l’attachement chez le nourrisson : quand agir ? Réalités Pédiatriques 2020;237:21-6.
4. Marcelli D, Cohen D. Enfance et psychopathologie, 10e éd. Paris: Elsevier Masson; 2016: 824 p.
5. Robins DL, Casagrande K, Barton M, Chen CM, Dumont-Mathieu T, Fein D. Validation of the modified checklist for autism in toddlers, revised with follow-up (M-CHAT-R/F). Pediatrics 2014;133:37-45.

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essentiel

Le développement est soutenu entre la naissance et 18 mois : du fait de la synaptogenèse intense à cette période, les interventions précoces sont efficaces.

Un trouble du neuro-développement doit conduire à écarter, et ce, systématiquement, une étiologie neurologique ou génétique associée ainsi qu’un trouble sensoriel.

Les consultations obligatoires du 9 et du 24e mois sont 2 opportunités pour rechercher des signes d’alerte de trouble neurodéveloppemental.